Par Selma Rachid
L’Algérie veut renforcer ses dispositifs de lutte contre le transfert illicite de capitaux de et vers l’étranger. Un arrêté interministériel entre celui des Finances et du Commerce, vient d’être publié au Journal officiel n° 10, portant désignation des agents chargés des enquêtes économiques et de la répression des fraudes habilités à constater l’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger.
Annuellement, des sommes colossales sont transférées illicitement vers l’étranger. Des experts l’ont quantifié à 30% du total des capitaux transférés depuis 2005 à ce jour, dont 50% de ces transferts représentent le gonflement de factures. Cela représente quelques 450 milliards de dollars ! C’est une véritable «hémorragie» pour l’économie nationale et le Trésor public. Il y a lieu de faire appel à toutes les compétences et expertises algérien pour y faire face, dira dans ce cadre l’expert en questions financières, Nabil Djemâa.
Dans une déclaration faite à Eco Times, notre interlocuteur a déploré, au passage, le manque d’expérience des contrôleurs et agents qui viennent d’être nommés. «Ces agents ne sont pas formés, certains commettent des erreurs monumentales envers les opérateurs économiques et envers la justice et en plus ils alourdissent le système judiciaire actuel.», a-t-il expliqué, en ajoutant que «les inspecteurs de la Banque d’Algérie ne sont pas bien formés».
Ainsi, précise encore M. Djemâa, ce manque d’expérience chez nos contrôleurs a facilité la tâche pour les banques étrangères, en profitant de ces faiblesses pour transférer des capitaux sans contrepartie. Questionné sur les mécanismes et méthodes à adopter pour lutter contre ce fléau, notre expert a souligné l’exigence de faire appel aux experts algériens en retraite et leur prêter main forte pour renforcer le contrôle.
Récupérer l’argent détournée
«Il faut des professionnels de 30 ans minimum d’expérience pour arrêter ce fléau dangereux qui subsiste à ce jour», a-t-il préconisé, en affirmant que la volonté politique affichée par le gouvernement ne suffit pas à elle seule.
Sur le terrain, rien n’est visible et beaucoup de choses restent à faire! Evoquant la possibilité de récupérer l’argent détournée illicitement vers l’étranger, Nabil Djemâa s’est montré optimiste en indiquant que «l’Algérie, actuellement, peut refaire les calculs avec la banque d’Algérie à travers le système Swift puisque tous les grands transferts sont répertoriés et archivés. Il faut ramener les administrateurs du système Swift pour recalculer les grands montants. Et on peut à travers cette opération, avec les références des paiements éventuels, demander aux institutions financières internationales le retour des fonds transférés illicitement».
Avec les preuves que nous avons, dira-t-il d’emblée, et qui sont irréfutables «nous pouvons demander le retour des fonds transférés aisément avec la CPI. Il faut déballer les grands dossiers qui sont au niveau de nos Banques avant qu’ils ne soient brûlés». Il est à noter, dans ce cadre, que le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane qui a admis explicitement qu’« il y a eu de graves dérapages dans l’octroi des crédits», avait annoncé le lancement d’une évaluation globale au niveau de toutes les banques publiques. L’opération, déjà en cours, vise à identifier les multiples dysfonctionnements, qui ont permis l’octroi de crédits bancaires dans des conditions opaques.
S. R.