Le ministère du Commerce a dévoilé, en début de semaine, les conditions d’indemnisation des commerçants et artisans impactés par l’épidémie du coronavirus. Une aide assujettie au paiement des cotisations Casnos. Une clause que les commerçants dénoncent et jugent paradoxale, dans la mesure où ce serait, selon eux, « reprendre d’une main ce que l’on donne de l’autre« . De plus, bon nombre d’entre eux estiment, par ailleurs, que leurs activités ont chuté à cause de la décision du confinement. Pour eux, il ne s’agit, donc, plus d’aide, mais de contrepartie.
Par Réda Hadi
Reste qu’au delà de cette polémique qui tend à s‘amplifier, les commerçants se disent entre le marteau et l’enclume. Tandis qu’ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts, ils sont contraints de verser des cotisations, (alors qu’ils disent ne pas en voir les moyens), sous peine de ne pas pouvoir en bénéficier. D’autres commerçants se plaignent d’être « dans le flou« , n’ayant pas même encaissé les indemnisations du premier confinement.
Ces commerçants estiment que les conditions, dévoilées par la tutelle, risquent d’exclure plusieurs d’entre eux, d’autant qu’ils font face à des difficultés financières aiguës, du fait de la suspension de leurs activités. Parmi les conditions dénoncées par les commerçants, le paiement des cotisations Casnos, un point qu’il considère « impossible » à satisfaire, vu que la plupart risquent de déclarer faillite.
Selon le communiqué du ministère, les aides financières se feront sur la base d’une évaluation précise de la situation des commerçants, durant les mois de mars, avril, mai et juin de l’année 2020, outre que ces aides seront attribuées aux commerçants ayant arrêté leurs activités dans le cadre des mesures préventives mises en place par les autorités publiques durant la période de confinement sanitaire. Quant aux conditions que doivent remplir les commerçants pour bénéficier de la subvention, le ministère de Kamel Rezig a indiqué que «le commerçant doit disposer, entre autres, d’un registre de commerce justifiant ses activités, et que son revenu annuel, déclaré au niveau de la Casnos pour l’année 2019, soit inférieur ou égal à 480.000 da».
Pour Hadj Ammar, propriétaire d’un bain-maure (hammam) à El Harrach, il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une manière détournée de ne pas les autoriser à bénéficier de cette subvention.
«J’ai fermé mon hammam en mars 2020, et depuis, je n ai plus d’activité, donc de revenus. Comment voulez-vous que je m’acquitte, alors, de mes cotisations? C’est une aberration. De plus, je n’ai pas cessé mes activités de mon plein gré, on m’y a forcé. Ces aides devraient être systématiques. Pourquoi exiger de moi de payer la Casnos, alors que je ne travaille pas ? Qu’on en reporte les échéances de paiement aurait été plus logique», estime Hadj Ammar. Et il n’est pas le seul à avoir le même discours.
Des coiffeurs se sont plaints, quant à eux, de ne pas avoir été retenus pour être indemnisés alors que leurs dossiers étaient « complet« , assurent beaucoup d’entre ces commerçants. Certains ont même mis en cause l’administration des impôts qui reste vague, estiment-ils, sur la périodicité de l’indemnisation, alors que d’autres disent ne l’avoir acquise que partiellement. A noter que tous ces problèmes soulevés ne concernent que le premier confinement…
Les associations montent au créneau
Les associations et unions de commerçants sont aussi montées au créneau dénonçant une « clause arbitraire et sans fondement« .
Selon le secrétaire général de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa), Hazab Ben Chahra, interrogé par le quotidien Echorouk, plusieurs petits commerçants et artisans se son plaints auprès de son organisation.
Pour Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Anca (Association nationale des artisans et commerçants), lui estime par contre, que les choses sont plus complexes qu’elles ne le paraissent.
A commencer, a-t-il dit par «le flou qui entoure les textes. A bien les lire, toute latitude est donnée au wali d’administrer les aides, selon les disponibilités de sa wilaya. De plus, les aides fournies ne l’ont pas été totalement, dans certains cas. Dans d’autres, elles ont été refusées pour dossiers incomplets. A ce titre, des wilayas ont sollicité l’Anca, pour éviter les engorgements au niveau des recettes« , explique M. Boulenouar. Par ailleurs, celui-ci nous a précisé que selon des estimations de son association, près de 60 000 commerçants et artisants ont été affectés par cette crise et beaucoup d’entre eux ont fermé boutique, et que seuls 50 % d’enter eux ont bénéficié de l’aide de l’Etat durant le premier confinement. M. Kheffache, économiste, abonde dans le même sens que les commerçants, ayant estimé qu’«il n’y a pas lieu de relier la Casnos aux aides de l’Etat, la caisse étant un organisme social indépendant», arguant du fait que « ces versements serviront à la retraite et aux frais médicaux« .
En somme, si l’initiative du gouvernement d’octroyer des aides a reçu un accueil favorable en tant que telle, de la part aussi bien des commerçants que des observateurs et experts, les modalités concrètes de son application suscitent, à l’évidence, appréhensions et questionnements.
R. H.