Le changement climatique est devenu un sujet de discussion de premier ordre. Ses conséquences, honnies, ont des allures apocalyptiques, mais bien réelles celles-là. Elles n’en sont, cependant, que les prémices, pressentent les climatologues. Les esquisses de solutions abondent, et les Etats à l’échelle mondiale s’attèlent timidement, chacun en fonction de ses moyens et de son gabarit, à les mettre en exécution. Pas toujours d’une manière escomptée. Qu’en est-il de l’Algérie? Elle n’en est pas logiquement épargnée, mais elle patauge encore à tenter de jouer le pompier. Nazim Sini, consultant-entrepreneur, enseignant agrégé d’économie, management et droit des affaires, à l’université Aix-Marseille, en France, et président de la commission Diaspora au sein du Groupement algérien des acteurs du numérique (Gaan), offre des solutions économique et numérique, à servir distinctement les volets préventif et curatif, mettant ainsi son expertise au service de la Nation. Dans cet entretien, Nazim Sini tout en responsabilisant tout le monde à prendre part à la lutte contre le changement climat, y privilégie aussi les aspects pédagogique, sensibilisateur et écologique. Ecoutons-le.
Entretien réalisé par Zoheir Zaid
Eco Times: Le Groupement algérien des Acteurs du Numérique (Gaan) a élaboré une charte comportant les engagements en faveur de la protection du climat et l’atténuation des activités humaines sur le réchauffement climatique. Qu’en est-il au juste?
Nazim Sini: Effectivement avec le président du Gaan nous avons évoqué depuis plusieurs mois ce sujet, qui est un des enjeux majeurs du 21e siècle. Il faut savoir que dans nos domaines d’activités respectifs, nous générons des émissions de gaz à effet de serre (GES), ce qui est malheureusement inéluctable. En revanche, très peu d’entreprises algériennes se soucient de cet impact sur le climat et des répercussions que peuvent avoir leurs activités économiques sur l’environnement. Le Gaan a donc décidé de se saisir de ce sujet et de le prendre à bras le corps, devenant du coup la première organisation patronale algérienne à inscrire dans le marbre, en tant qu’acteur économique, ses engagements en faveur du climat. Il en va de notre responsabilité à tous. Et les récents évènements en Algérie (incendie, inondations, sécheresse sévère) démontrent que l’heure est grave et que nous devons agir très vite. Le réchauffement climatique impacte véritablement l’Algérie et fera certainement dans les décennies à venir beaucoup de victimes.
Plus qu’une simple charte pour le Gaan, il s’agira en effet d’engagements et d’actions concrètes qui visent à réduire nos émissions de dioxyde de carbone (CO2), le tout assorti d’objectifs à atteindre. Vous savez, la lutte contre le changement climatique n’est pas un phénomène «marketing» mais une nécessité si nous voudrions préserver notre mode de vie et ceux des générations futures. Les entreprises adhérentes au Gaan et qui signeront cette charte devront s’engager fermement dans cette lutte.
Les conséquences de la crise climatiques sont jugées comme «irréversibles», selon le rapport du Groupement international des experts sur l’évolution du climat (Giec). Comment en prévenir l’ampleur, digitalement parlant?
Le rapport du GIEC est très alarmant et fait froid dans le dos. Il décrit un monde apocalyptique, où la terre connaitrait dans le meilleur des scénarios une hausse des températures de +2°c d’ici la fin du siècle. Cette hausse se traduira par une surélévation des océans, qui engloutira des îles mais aussi des villes côtières. Il y est évoqué des super ouragans qui détruiront des pays entiers, et des méga-incendies qui ravageront des millions d’hectares. Cette vision digne d’un film hollywoodien est en train de se dérouler sous nos yeux, sans que l’ensemble des pays ne réagissent réellement. La Conférence des parties (COP 21) signée à Paris, fut un mirage, car à ce jour aucun objectif n’a été vraiment atteint. La seule fois où la terre a connu un répit, c’était durant les confinements successifs pendant la crise du Covid-19…
Concernant le numérique ou le digital, oui évidemment je suis convaincu qu’il représente un outil mais pas LA solution. Le digital peut par exemple définir des modèles très précis de l’impact d’un incendie via l’IA (intelligence artificielle), nous sommes capables aussi de déterminer la trajectoire d’une tempête grâce à la BIG DATA. Nous pouvons aussi survoler une zone sinistrée grâce aux drones. La solution ne viendra pas de la machine mais bien de l’homme.
La Méditerranée est la région du monde la plus vulnérable aux changements climatiques, et sachant que l’Algérie en fait partie, que proposez-vous comme remède global?
L’Algérie est au cœur de ce bouleversement climatique, elle en est non seulement la première victime mais elle est aussi en première ligne. Les pouvoirs publics, les entreprises mais aussi le grand public, doivent être sensibles à ces questions.
Le pays doit d’abord réfléchir à une stratégie globale à l’horizon de 10 ans, 20 ans puis 30 ans. Avec à la clé des changements radicaux dans nos modes de fonctionnement. L’Algérie peut d’ores et déjà se fixer des objectifs graduels de réduction de GES avec des chiffres allant de -5% par an jusqu’à atteindre les 25% par an dans 20 ans ou 30 ans. De plus, l’une des plus grosses causes de pollutions en Algérie est le transport et l’exploitation des énergies fossiles. Le but n’est pas de se priver immédiatement du pétrole, ni de basculer l’ensemble de notre parc automobile vers l’électrique, mais de commencer à investir massivement dans les énergies renouvelables, ou par exemple d’interdire la circulation des camions roulant au gasoil dans les villes (qui sont plus polluant que les moteurs essences). On peut songer aussi à des mesures améliorant la performance énergétique des bâtiments publics, qui sont de vrais passoirs thermiques. Des mesures à priori simples qui peuvent être appliquées immédiatement sur le terrain mais à condition qu’elles soient accompagnées de pédagogie et de campagne de sensibilisation. La lutte contre le changement climatique ne peut réussir que si elle trouvera un écho favorable au sein de la population.
Feux de forêts, mais aussi inondations et éboulements de terrain qui ont eu leurs lots de dégâts humains et matériels auparavant. Avec l’apport des technologies de l’information et de la communication (TIC) comment assurer un équilibre préventif et curatif?
Je dirais plus préventif, c’est mieux à mon sens. Mais quel désastre pour le bien commun et pour les sinistrés! Vous savez que les TIC ne peuvent ralentir la force de la nature, elles ne peuvent la combattre, ni déterminer avec précision combien de victimes elle peut causer. Comme je vous l’ai dit, l’avancée de la technologie permet de doter les scientifiques et les spécialistes du climat de modèle de calcul très avancé mais ne permet pas d’éviter la catastrophe, et disons-le clairement, elle ne pourra jamais le faire. Seule l’action humaine permettra d’atténuer l’impact du changement climatique à l’échelle planétaire. Il peut bien entendu pour cela s’appuyer des TIC.
Peut-on se passer de l’intervention humaine, afin d’éviter des morts, toujours par le recours aux TIC?
L’action humaine est au cœur de la lutte contre le changement climatique, c’est son activité, son mode de vie, son inertie, son développement frénétique qui a accéléré le réchauffement climatique. Un mouvement certes amorcé au 20e siècle mais qui a pris des proportions inquiétantes depuis ces 20 dernières années. Les TIC sont un outil et non un remède. Sans une action forte des humains le climat se déréglera de manière définitive.
Pour conclure….
Pour moi l’éducation est essentielle pour promouvoir l’action climatique. Elle aide les gens à comprendre les effets de la crise climatique et à en lutter, en les dotant des connaissances, compétences, valeurs et attitudes dont ils ont besoin pour devenir des acteurs du changement. Nous serons peut-être la dernière génération à avoir vécu dans un monde tempéré et vivable…alors agissons vite.
Z. Z.
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Bio-Express
Nazim Sini, est un algéro-français né le 22 avril 1987 à Montpellier. Il vécut en France jusqu’à 5 ans, période après laquelle sa famille rentre en Algérie (Alger), ou elle y reste jusqu’à ce que Nazim ait 18 ans. Actuellement, Nazim Sini réside à Marseille depuis une quinzaine d’années, où il exerce comme enseignant d’économie, de management et droit des affaires à l’université Aix-Marseille, fonction couplée à celle de conseiller-entrepreneur.
Nazim Sini, comme il l’a souligné, a eu «un parcours assez classique». Après l’obtention du Baccalauréat (Lycée Descartes à Alger, en 2003), il poursuivit ses études en France notamment à Aix en Provence. Il a intégré la faculté des sciences économiques de l’université Paul-Cézanne (ex-Marseille III) d’où il a décroché un Master en stratégie d’entreprise et un second Master en Finances.
C’est en décrochant l’agrégation, que Nazim Sini devient enseignant à l’université Aix-Marseille.
Nazim Sini donne régulièrement des conférences en France et en Algérie sur l’investissement et l’internationalisation des entreprises. Son centre d’intérêt, depuis quelques années, est le numérique, «un secteur clé de notre économie moderne», selon ses propres termes, mais aussi «l’écologie qui pour moi représente le plus grand défi de l’histoire contemporaine de l’humanité.»
Nazim Sini est également taraudé par une question: «Comment pouvons-nous conjuguer nos impératifs de croissance et de lutte contre le réchauffement climatique?»
Expliquant: «Ce sont des thématiques qui au-delà de me tenir à cœur, font l’objet d’un vrai travail scientifique pointu que j’essaye de faire connaitre au plus grand nombre, afin de sensibiliser l’ensemble des acteurs économiques en Algérie.»