L’agriculture de montagne, dont on parle peu, est loin d’être insignifiante. Représentant, selon les chiffres de la DGF, quelque 20% de la superficie agricole utile nationale (SAU), elle assure 16% de la valeur de la production agricole en Algérie, ce qui la place en pole position pour participer pleinement à l’effort de développement agricole dans le pays.
Par Nadjib K.
Avec une superficie agricole utile dans les zones de montagne estimée à 1,7 million d’hectares, et une population vivant dans ces zones estimée à 7 millions d’habitants, soit 17% de la population nationale, dont 3,5 millions en zone rurale activant essentiellement dans l’agriculture et l’élevage, selon la dernière note de la DFG, élaborée à l’occasion de la Journée internationale de la montagne, célébrée le 11 décembre de chaque année, la montagne demeure cependant peu considérée.
Il faut dire que la célébration de la Journée internationale de la montagne, instituée le 30 janvier 2003 par les Nations unies (ONU), rappelle bien l’intérêt qui doit être accordé à ces massifs dont l’importance pour le développement d’une nouvelle approche est on ne peut mieux intéressante. Car, le développement des zones de montagne est devenu, depuis quelques années, un sujet prisé des spécialistes qui les présentent comme étant une nouvelle alternative où tous les secteurs relevant du social, économie, hydraulique, tourisme et écologie, trouvent leur compte, avec, bien évidemment, des potentialités exploitables à grande valeur ajoutée.

Des potentialités laissées en jachère
Si l’on se tient aux chiffres officiels, on ne décompte pas moins de «1.451 zones humides propices à la biodiversité floristiques et faunistiques et la régulation du débit des cours d’eau (atténuation des crues, prévention des inondations…).» 50 parmi ces zones humides sont classées sur la liste de la convention de Ramsar des zones humides d’importance internationale couvrant une superficie de 3 millions d’hectares. A cela, s’ajoutent quelque 3 millions d’hectares classés dans le patrimoine forestier en zones de montagne.
Les opportunités offertes sont multiples, mais le peu que l’on puisse dire est qu’elles sont sous-exploitées, lorsqu’elles ne sont pas laissées en jachère. Certes, les pouvoirs publics ont initié, ces dernières années, au moins trois (03) projets de développement des zones de montagne, notamment au niveau des wilayas de Skikda, M’sila et Tlemcen, «afin d’améliorer les conditions de vie des populations des zones montagneuses.»,mais, la politique du renouveau rural (2009-2014), qui était pourtant très prometteuse, avec au programme la création de quelque 12.000 projets de proximité de développement rural intégrés, dont 70% sont localisés dans les communes de montagne, s’avère plutôt inopérante. Les efforts d’investissement engagés, dans la cadre de ce programme qui, pourtant, a touché 750 communes et 5 000 localités, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, n’ont pas pu obtenir les résultats escomptés, sachant qu’en l’absence d’une politique intersectorielle intégrée, il n’a pas été tenu compte de l’interconnexion qu’il y a entre les impératifs de développement local et ceux de la préservation pure et simple de l’espace naturel.
Ainsi, l’absence d’harmonie et le manque d’engagement de la part des collectivités locales ainsi que des autres services des secteurs censés contribuer à l’essor des activités diverses permises à l’intérieur des territoires montagneux –les espaces protégés y compris– constituent un handicap majeur pour le développement de ces zones. Pourtant, la création des parcs nationaux s’inscrit bien dans cette logique particulière liant préservation du patrimoine naturel et développement d’activités à même de préserver le patrimoine culturel local. Ce volet permet à ceux-ci (les parcs nationaux) d’être des supports pratiques aux activités scientifiques, pédagogiques, de sensibilisation, d’initiation et de découverte de la nature et des richesses qu’elle renferme.

Ecodéveloppement et maîtrise du foncier
De là vient la question de la maîtrise du foncier et l’aménagement du territoire dans ces zones spécifiques que posent l’ensemble des spécialistes, lesquels pensent que la gestion durable des zones de montagne passe obligatoirement par une prise en charge réelle des préoccupations des populations riveraines. Ces dernières, dont l’apport ne peut être escamoté de par leur importance, impliquent également des effets dégradants à même de compromettre les objectifs de développement durable et de la maîtrise parfaite de l’occupation du territoire par ces populations de plus en plus denses en milieu de montagne.
Ainsi, ces populations qui puisent leurs ressources de vie essentiellement de l’aire protégée, sans compter les autres activités humaines dont les conséquences sur l’environnement immédiat sont souvent désastreuses et irrémédiables, impactent gravement l’équilibre naturel de ces zones.
Ceci dit, une politique concertée doit être mise en place pour une meilleure gestion de l’espace montagneux dans notre pays. Faute de quoi, le développement de l’agriculture de montagne ne sera que chimère. En ce sens, d’ailleurs, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Cherif Omari, a mis en avant, mardi dernier à Alger, la nécessité de mettre à profit les expériences précédentes pour éviter les erreurs en matière d’élaboration des programmes de développement rural durable dans les wilayas à vocation montagneuse. Selon lui, le gouvernement table présentement sur l’élaboration d’«un nouveau plan pour redynamiser les capacités de production existant dans les espaces montagneux, et de créer les conditions favorables à la réussite des projets tracés, en associant la population locale à travers l’attraction des jeunes porteurs de projets et des compétences.»
N. K.
Erosion des sols : Cet autre écueil…
Le développement de l’agriculture de montagne ne manque pas de poser de sérieuses problématiques. Car, la perte de plus en plus substantielle du sol –un capital irremplaçable– semble bien constituer une hypothèque sérieuse quant à l’avenir des zones rurales. Ainsi, abordant le fait de l’érosion des sols, phénomène récurent et non moins dangereux pour l’avenir de ces zones, on annonce pour l’Algérie une menace pesante d’érosion sur pas moins de 12 millions d’hectares situés en zone de montagne. 7 millions d’hectares, selon les chiffres de la DGF, sont déjà gravement atteints.
Face à cette situation, les pouvoirs publics ont, certes, entrepris des démarches à même de tracer un cadre stratégique de prise en charge des préoccupations de ces populations montagnardes, mais aussi pouvoir lutter de manière efficace contre ces phénomènes (érosion et désertification), entre autre initiation de projets de reboisement, arboriculture fruitière, amélioration pastorale…, mais sans que les résultats ne soient fiables et concluants.
Des effets que les pouvoirs publics tentent de réduire avec en prime, la mobilisation d’une diversité de programmes à l’instar du plan national de reboisement, programme des Hauts Plateaux, projets de proximité de développement rural, projet d’emploi rural (PER II) ainsi que les différents travaux d’utilité publique. Des efforts qui prennent, certes, un seul volet de lutte, mais qui, en soubassement, entreprennent une dynamique de développement des milieux ruraux et de montagne, pour qui la protection du patrimoine foncier exige autant d’efforts pour un aménagement rationnel du territoire et un développement durable assuré.
N. K.
Les zones de montagne en quelques chiffres…
- Les zones de montagne couvrent, tout ou en partie, 28 wilayas du Nord et concernent 453 communes, soit 29% du total national.
- 2,53 millions d’ha (soit 61% de la superficie totale des zones montagneuses) dont une superficie agricole utile d’environ 1,7 million d’ha (soit 20% de la SAU nationale), sont situés en zones montagneuses.
- Les forêts et maquis couvrent une superficie de plus de 1,6 million d’ha et les parcours s’étalent sur près de 519.988 ha.
- L’activité agricole représente la base de subsistance principale des populations qui y vivent et sont près de 7 millions d’hab (soit 17% du total national) dont 3,5 millions d’hab. de population rurale. La population active en agriculture est de 639.065 (soit 23% de la population active totale).
- 301.900 exploitations agricoles sont recensées au niveau de ces zones, pour une valeur de production agricole évaluée à 450 milliards de DA, soit une contribution de 16% à la valeur de la production agricole nationale.