Les Algériens assistent, depuis quelques jours, au retour des pénuries en matière de produits de première nécessité. Et c‘est particulièrement l‘huile qui en fait l‘objet, même si d‘autres produits comme la semoule sont concernés. Selon certains, le pays fait face à une «rupture de stocks» d’huile alimentaire sur fond de conflit entre producteurs et commerçants, alors que d’autres observateurs de la scène sociale évoquent, des «exportations mal gérées ».
Par Réda Hadi
Une pénurie mal venue, à un mois du début du ramadan. Selon plusieurs sources, le pays fait actuellement face à un manque important d’un produit essentiel, notamment à l’approche du mois sacré : l’huile alimentaire.
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Si la précédente pénurie a pu être expliquée par le stockage de l’huile de table, à la veille du mois de Ramadhan par les producteurs de gâteaux et autres zalabias et bourek, cette fois-ci, rien n’explique, « rationnellement » cette pénurie.
Pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la pénurie d’huile qui frappe actuellement l’Algérie n’est pas une conséquence directe de la crise sanitaire. Le pays dispose même d’importantes réserves, «trois mois de production et de consommation», selon Mustapha Zebdi, le président de l’Association de protection et d’orientation du consommateur et de son environnement (Apoce). Et pourtant, l‘huile se fait rare et est devenue objet de toutes les convoitises.
« Les producteurs ne jouent pas le jeu »
Enfin, face à ce mouvement de panique provoqué par le manque de ce produit de large consommation, l’Apoce qualifie d’«anormales» ces perturbations survenues sur les chaînes d’approvisionnement, au moment où le taux de la production nationale est demeuré «intact».
De ce fait, il appelle les autorités concernées à lancer, au plus vite, une étude de marché qui devrait, selon lui, déterminer les raisons exactes de la disparition subite de l’huile de table, un phénomène demeuré jusque-là inexpliqué, selon lui.
Si certains pointent du doigt, les fabricants momentanés de Kalb Elouz et autres Zlabia, qui consomment beaucoup d‘huile et de semoule, les économistes accusent les producteurs d‘exporter leurs produits beaucoup plus rentables à l’étranger qu‘en Algérie, alors que ces mêmes produits sont subventionnés.
Pour M Hadj Tahar Boulenouar, président de l‘Anca (Association nationale des commerçants et artisans), l’origine du problème, est un important désaccord entre producteurs et commerçants. «Les commerçants, à la suite des producteurs, ne sont pas en mesure d’augmenter à leur tour le prix de vente aux consommateurs, plafonné par le gouvernement algérien en 2011. La solution adoptée massivement par les commerçants est simple : ne pas acheter d’huile»
De plus, il se trouve que les pénuries touchent à chaque fois un produit. En plus de l’huile de table, c’est la semoule et les œufs qui ont disparu des étalages des magasins. C’est dire que les citoyens ne savent plus à quel saint se vouer quand on sait qu’en plus de la pénurie, les prix de la quasi-totalité des produits ont connu des augmentations en ce début d’année.
Des producteurs « cupides »
Pour Nabil Djemaa, économiste et expert judiciaire en opérations judiciaires, le problème résiderait surtout sur la gestion de notre économie monétaire. «Il faut savoir équilibrer nos exportations. Exporter c ‘est bien, mais pas au détriment du citoyen. Or, le producteur préféré exporter vers l’étranger que de vendre localement. Il en tire un énorme bénéfice»
Et d ‘expliquer : «Notre dinar a été trop dévalué. Plus de 800% depuis les années 90. A titre d‘exemple ; 1 litre d‘huile algérienne en France vaut 2 euros, au regard du change, même officiel, cela revient à plus de 400 DA, alors que localement, l‘huile vaut 260 DA. En Tunisie ou au Maroc, c‘est le même schéma, vu le taux de change. Alors le producteur préfère exporter que de vendre localement. Ce n’est que bénéfice. C‘est d‘ailleurs la raison pour laquelle une cargaison a été bloquée au port d‘Alger, car constituée de produits interdits à l’exportation.»
Pour Nabil Djemaa, il ne fait aucun doute «que pour parer à ce genre de situation, il faut une économie planifiée et surtout une maîtrise des prix, en plus de juguler l’inflation»
De plus a ajouté l‘expert, «les subventions doivent aller à ceux qui en ont besoin et non aux producteurs. Il faut augmenter le pouvoir d‘achat et laisser les producteurs vendre à prix coûtant. Ce qui les empêchera de lorgner vers d‘autres cieux. Les subventions doivent aller aux citoyens avant tout et directement. Libre à eux, par la suite, de les utiliser comme il l’entendent»
Rappelons que le Conseil de la nation a décidé de créer une commission d’enquête parlementaire sur la pénurie et la spéculation sur des produits alimentaires de large consommation. Elle est chargée de découvrir les motivations et les causes réelles du manque de produits de base dans les espaces de vente de proximité et à démasquer les instigateurs de la crise.
R. H.