Face à la hausse des prix, la baisse de la valeur du dinar, la spéculation qui fait rage en cette veille de Ramadhan, le ministère du Commerce prépare un amendement de la loi sur la Concurrence. «Le texte est prêt et sera examiné en Conseil des ministres» Selon Sami Kolli, Directeur de la régulation et de l’organisation du marché. Pourtant a entendre certains spécialistes, l’Algérie possède tout un arsenal juridique, apte à une régulation effective du marché. Où se trouve donc la faille ?
Par Réda Hadi
Selon Nabil Djemaa, expert en économie, «l’Algérie est pourvue de toutes les lois pour une définition exacte d’une bonne pratique commerciale, mais là où le bât blesse, c’est que trop de lois tue la loi. Notre pays a pris la fâcheuse habitude d’adopter de nouvelles lois, sans pour autant amender les anciennes. On se retrouve alors, avec des lois de 1958, sans qu’elles aient été pour autant abrogées. En sus de cela, il est aberrant qu’une loi adoptée par les deux chambres (Senat-Apn) et signée par le président de la République, ne soit pas appliquée, à défaut de décret d’application. La pléthore de lois nuit à la bonne gestion. Le Président Tebboune a été clair en ce sens, il faut alléger et assouplir les procédures. Mais apparemment le système administratif reste fort» affirme l’expert.
«On ne peut évoluer si les précédentes lois ne sont pas abrogées, car, cela ajoute de la confusion à la confusion. Cela alourdit aussi le système, et accentuera le manque de transparence dans les différents circuits de distribution, par exemple» a-t-il poursuivi.
Par ailleurs, et s’agissant des pénuries, le directeur de la régulation du marché met en cause, principalement, la spéculation et le mode de consommation de nos compatriotes, sinon comment expliquer alors «qu’avec une production plus que suffisante», on en soit arrivé à avoir des pénuries? S’est-il interrogé.
La déduction, par conséquent, coule de source pour les économistes : l‘impuissance de l’Etat provient d’un manque de contrôle, tant humain que matériel.
Défaillances en amont
Un constat partagé par Nabil Djemaa qui en appelle à une formation des commis de l’Etat.
En effet, pour cet expert, «au delà de la quantité suffisante des contrôleurs qu’il doit y avoir», il y a en jeu leur formation. «Il faut des cycles de formation pour les contrôleurs avec un minimum pré-requis en matière judiciaire», et de renchérir : «Comment expliquer qu’une loi parue sur le journal officiel, ne soit pas mise à exécution dans une institution, à cause de la tutelle qui n’a pas donné l’ordre d’exécution ? C’est là le paradoxe. Pourtant, une fois publiée sur le J O, le commis de l’Etat peut en être l’exécutant, du moment qu’il est, en principe, couvert. Dans tous les pays du monde, ce système existe mais pas chez nous. Nous en sommes toujours à attendre l’instruction d’en haut», nous a-t-il dit tout en précisant que tout cela entrave la régulation du marché. En parlant de contrôle, Nabil Djemaa a, par ailleurs, précisé que les sanctions émises ne correspondent pas à la gravité de l’infraction : «Que peuvent représenter 5 millions de centimes, alors que l‘infraction en a causé 100 fois plus ! Il faut des sanctions qui fassent mal, à commencer par l’arrêt total de l’activité, sans aucune possibilité de reprise, sous quelle que forme que ce soit» a-t-il tenu à préciser
«Ce ne sera pas chose aisée, car nous avons du plomb dans l’aile» a-t-il conclu
Autre son de cloche, celui du directeur de la régulation qui estime que malgré une production largement suffisante, les pénuries sont du fait des spéculateurs mais aussi du mode de consommation des Algériens. Un avis partagé par Billel Laouali, expert en économie, qui explique que «l’Etat ne doit pas intervenir dans la fixation des prix et son travail de régulateur consiste à déstocker les produits pour les faire baisser. De plus, les Algériens ont la fâcheuse habitude de stocker à la moindre rumeur de pénurie. Rumeurs qui, soit dit en passant, peuvent aussi bien provenir du fabricant».
«Notre mode de consommation n’est pas rationnel», poursuit notre interlocuteur, avant d’expliquer que «si la pénurie d’huile a existé, c est à cause des grossistes qui ont refusé la facturation du producteur» a-t-il affirmé tout en déplorant un système de distribution défaillant et aux mains de spéculateurs.
R. H.