Eco Times : Le Forum d’affaires Algéro-espagnol s’est tenu cette semaine avant d’être annoncé comme événement économique d’importance majeure pour les relations bilatérales. Quelle est votre appréciation globale propre quant à la qualité et la portée des décisions prises lors de cette rencontre ?
Djamel-Eddine Bouabdallah : L’événement n’a pas été annoncé : il a été décidé, pratiquement à la dernière minute. Il faut savoir que la visite du chef du gouvernement espagnol ne s’inscrit pas dans ce qu’on appelle les réunions de haut niveau, qui se déroulent tous les deux ans entre l’Algérie et l’Espagne. C’est une visite tout à fait ordinaire et classique. Il est, d’ailleurs, venu sans être accompagné par ses ministres, mais plutôt d’un nombre réduit de chefs d’entreprises.
La visite s’inscrit, donc, dans le but, disons de créer cette dynamique tant attendue dans les relations entre les deux pays. Le forum a, donc, été décidé à la dernière minute et organisé par la Caci (Chambre de commerce et d’industrie). Ceci dit, des échanges, bien évidemment, il y en a eu lors de la rencontre, notamment, concernant la règle des 51/49, la loi de finance complémentaire, le cahier des charges de l’industrie automobile (il y a eu, d’ailleurs, la présence du représentant de Volkswagen)…
L’ambiance de la rencontre a été appréciable et fructueuse, en somme, mais reste à voir ce qu’il en sera quant au proche avenir.
Il a été reconnu lors de ce forum qu’en dehors des échanges gaziers, les autres opportunités de partenariat dans d’autres domaines économiques et commerciales demeurent en deçà des attentes. Quelles solutions préconisez-vous pour hisser ce partenariat à un niveau équilibrée et plus dense ?
A travers cette rencontre on est, effectivement, venu explorer les possibilités d’échanges hors secteur gazier, sachant que pertinemment, l’Algérie veut ouvrir son économie et que nous nous trouvons dans une situation inédite, suite à la crise sanitaire de la Covid-19, crise que les deux parties ont exprimé leur souhait d’en sortir ensemble.
Pour revenir au fond de votre question, l’Espagne comme nous le savons, n’achète plus les mêmes volumes de gaz algérien, dans la mesure où elle a diversifié ses sources d’approvisionnement en la matière, ce qui est, bien sûr, tout à fait légitime. En plus, il faut rappeler que cette nouvelle donne a fait suite, entre autres, à des problèmes techniques d’acheminement du gaz algérien vers l’Espagne, outre la question de son prix qui s’en est trouvé sérieusement concurrencé par celui du Qatar et des USA… Ceci dit, en dehors des échanges gaziers, je crois qu’il beaucoup à faire en termes de partenariat avec l’Espagne. Il faut savoir, qu’aujourd’hui, ce pays excelle dans l’engineering industriel, entre autres, au moment où nous avons grand besoin de développer notre tissu industriel. Il y a aussi des possibilités de partenariat dans le domaine de l’agriculture et du savoir-faire espagnol en la matière, et autres secteurs économiques hors celui du gaz. Ceci dit, cependant, rien ne pourra se faire sans l’application de nos lois. Avec l’adoption de la loi de finance complémentaire, nous avons prétendu que la règle des 51/49 sera supprimée, que le financement extérieur sera désormais permis, mais rien de cela n’est en vigueur, puisque aucun texte d’application n’a été émis dans ce sens. Il faut, donc, que l’on ouvre rapidement notre économie, surtout que les prétendants se bousculent au portillon… Il faut savoir que l’Algérie est un pays vierge en termes d’opportunités d’affaires, avec ses 44 millions de consommateurs, qui atteindront bientôt les 50 millions, ses avantages en termes de coûts comparatifs très attractifs par rapport aux autres pays du pourtour méditerranéen, sa profondeur régionale avec l’Afrique, etc.
Mais cela reste sur le papier… Il va, donc, falloir parfaire notre climat des affaires, stabiliser notre législation, intégrer les normes internationales pour attirer les investissements étrangers, etc. Par conséquent, je pense que la visite de la délégation espagnole est venue nous «secouer» en quelque sorte dans ce sens, et c’est une bonne chose.
Entretien réalisé par Hakim Outoudert