L’Algérie dispose d’atouts considérables pour s’imposer sur la scène agroalimentaire mondiale : terres agricoles vastes et diversifiées, climat favorable et position géopolitique stratégique à la croisée des marchés africains, méditerranéens et moyen-orientaux. Cependant, plusieurs défis persistent.
Par Akrem R.
Pour le Dr. Kahina Mellab, maitre de recherche, Cread, l’industrialisation du secteur agroalimentaire reste un enjeu majeur. «Aujourd’hui, la transformation ne représente que 8% du PIB, ce qui limite la valeur ajoutée générée localement. Dans d’autres pays ave un parcours similaire, un développement plus poussé des industries agroalimentaires a permis d’augmenter la compétitivité des exportations et de mieux répondre aux exigences des marchés internationaux», a-t-elle souligné dans un entretien accordé à la revue de Djazagro (salon professionnel de la production agroalimentaire) qui s’est tenu à Alger du 7 au 10 avril courant.
En effet, suivre cette voie permettrait à l’Algérie de renforcer sa& présence sur ces marchés et de tirer davantage profit de son potentiel agricole. La dépendance aux importations agricoles, notamment en céréales, constitue un autre défi, ajoute l’experte en économie appliquée et en analyse des dynamiques de marché.
«Malgré une production nationale significative, l’Algérie importe encore des volumes importants. Réduire cette dépendance nécessite d’augmenter la productivité et de développer les cultures stratégiques», a-t-elle suggéré.
Et d’ajouter : « es marchés régionaux et internationaux offrent des opportunités prometteuses. L’Algérie, premier producteur mondial de dattes avec une production de 1,2 million de tonnes, possède un fort potentiel dans les légumes, fruits et huile d’olive. Des politiques d’exportation adaptées et des stratégies de valorisation des produits locaux permettraient de renforcer sa position et de conquérir de nouveaux débouchés ».
Actuellement, le secteur agroalimentaire algérien est en pleine mutation. Capitaliser sur ces dynamiques et poursuivre les efforts dans la construction d’un véritable avantage comparatif « feront de l’Algérie un acteur majeur de l’agro-industrie régionale et internationale».
Afin d’améliorer la compétitivité des productions agricoles stratégiques en Algérie, plusieurs actions concrètes sont nécessaires, estime-t-elle. La création d’écosystèmes industriels intégrés est essentielle pour augmenter la valeur ajoutée des produits agricoles.
«Cette montée en gamme vers des produits transformés réduirait la dépendance aux importations et permettrait de conquérir de nouveaux marchés en répondant aux exigences des consommateurs internationaux», affirme Dr Mellab, tout en recommandant la nécessité de mettre en place de certifications de qualité conformes aux standards internationaux pour favoriser les exportations.
«Actuellement, de nombreux producteurs doivent faire certifier leurs produits à l’étranger, ce qui représente un frein et un coût supplémentaire. Une meilleure structuration de ce processus au niveau national renforcerait la position de l’Algérie sur la scène internationale», dit-elle.
Comment accélérer le développement de l’industrie agroalimentaire
Ainsi, le renforcement de la logistique et de la distribution des produits est également un levier essentiel Investir dans des infrastructures modernes de stockage et de transport facilitera l’accès aux marchés internationaux tout en optimisant la compétitivité des produits algériens.
« Il est essentiel d’agir simultanément sur plusieurs axes pour dynamiser le secteur agroalimentaire algérien et renforcer son potentiel à l’exportation», ajoute-t-elle.
Concernant les mesures à prendre afin d’accélérer le développement de l’industrie agroalimentaire en Algérie, Dr Mellab a appelé à s’inspirer de modèles réussis à travers le monde, à l’instar de la Tunisie, l’Egypte et en particulier le Brésil.
«En Afrique du Nord, la Tunisie et l’Égypte se démarquent par des stratégies efficaces dans le secteur agroalimentaire. Ces pays encouragent les petits exploitants agricoles en créant des coopératives, facilitant l’accès aux financements, aux équipements modernes et aux débouchés commerciaux. L’Egypte a notamment investi massivement dans la modernisation de l’irrigation et la diversification agricole, ce qui a significativement amélioré ses rendements et renforcé sa compétitivité à l’export. Au-delà de cette région, le Brésil est un modèle inspirant. Grâce à une industrie de transformation bien développée et à des politiques fiscales et logistiques adaptées, il s’est imposé comme un acteur clé de l’exportation agroalimentaire», souligne-t-elle.
Ces expériences suggèrent plusieurs mesures applicables à l’Algérie : « structurer les groupements d’agriculteurs, investir dans la logistique et renforcer les incitations à la transformation et à T’exportation.
En adaptant ces stratégies aux réalités locales, l’Algérie pourrait accélérer la modernisation de son secteur agroalimentaire et mieux s’intégrer aux marchés internationaux».
La Corée du Sud offre un modèle réussi, le Pays ayant misé sur la technologie et l’innovation malgré une superficie agricole limitée.
Cependant, «ce modèle ne peut être directement transposé en Algérie. Pour notre pays, la priorité est d’élaborer une stratégie agro-industrielle robuste, alliant modernisation et innovation. L’industrialisation du secteur est cruciale pour structurer la production et maximiser la valeur ajoutée. Un soutien accru à la recherche et au développement agricole est nécessaire pour relever les défis climatiques et hydriques spécifiques au pays », dira-t-elle, affirmant que la combinaison entre industrialisation, innovation et adaptation technologique permettra à l’Algérie de bâtir un modèle de transformation efficace, ambitieux et adapté à ses réalités économiques et environnementales.
Des recommandations
Enfin, l’experte en économie a recommandé une série de mesures à prendre afin d’accélérer la modernisation du secteur agroalimentaire en Algérie.
Dr Mellab a d’abord souligné l’importance de l’encouragement des partenariats public-privé qui peut dynamiser les investissements et moderniser le secteur et la création de zones franches dédiées à l’agroalimentaire, inspirée du modèle tunisien, pourrait attirer des investisseurs étrangers tout en stimulant la production locale.
Aussi, l’optimisation de la gouvernance, notamment dans la gestion des subventions, est nécessaire pour garanti l’efficacité des politiques.
L’adoption de solutions innovantes, couplée à un accompagnement des producteurs pour renforcer leurs compétences, constitue une opportunité majeure.
L’innovation technologique, comme l’irrigation intelligente et l’agriculture de précision, où l’Algérie a déjà commencé à progresses, peut considérablement améliorer les rendements et maximiser l’utilisation des ressources.
«Afin de capitaliser sur son potentiel agricole, l’Algérie doit développer des infrastructures de modernes de transformatif et d’exportation, renforcer la qualité et la certification des produits, et s’inspirer des modèles internationaux en les adaptant aux spécificités locales. Avec une stratégie cohérente, le secteur agroalimentaire peut devenir un véritable moteur de croissance économique pour notre pays », conclut-elle.
A. R.
