Warning: mysqli_query(): (HY000/1194): Table 'wp_options' is marked as crashed and should be repaired in /home/ecotimesdz/public_html/wp-includes/class-wpdb.php on line 2351
Le pouvoir des dirigeants dans l’entreprise : Entre illusion et réalité - ECOTIMES

Le pouvoir des dirigeants dans l’entreprise : Entre illusion et réalité

Le pouvoir des dirigeants dans l’entreprise : Entre illusion et réalité

Le code de commerce fixe un cadre général, mais ne définit pas de manière précise les pouvoirs des dirigeants dans une société par actions (SPA). Ainsi, tant pour le président directeur général que pour le conseil d’administration, le législateur indique qu’ils sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Toutefois, ils les exercent dans la limite de l’objet social et sous réserve de ceux expressément attribués par la loi aux assemblées des actionnaires.

Dès lors, afin d’éviter tout risque de confusion, il semble nécessaire de clarifier les prérogatives de chaque organe. Dans cette perspective, nous commencerons par analyser les pouvoirs du conseil d’administration, avant d’examiner ceux du président directeur général.

  1. Les pouvoirs du conseil d’administration (articles 617 à 640 du code de commerce)

Les principales attributions dévolues au conseil d’administration sont les suivantes : la nomination et la révocation du président du conseil et des directeurs généraux, la détermination de leur rémunération, la répartition des sommes représentant des jetons de présence et les tantièmes, ainsi que l’autorisation des cautions, avals et garanties. 

Les pouvoirs du conseil sont issus du code de commerce, mais les statuts peuvent les aménager ou les compléter, dans les limites des règles impératives de la loi. Il s’agit d’aménagements personnalisés qui permettent une répartition adaptée des compétences, en tenant compte des équilibres managériaux et du poids économique des actionnaires.

En droit algérien, même si certaines décisions relèvent du conseil d’administration, le code de commerce lui confère, en outre, les pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. (Article 622). 

Pris à la lettre, l’article 622 du code de commerce pourrait laisser croire que le conseil d’administration dispose d’un pouvoir général d’action.

En réalité, ce pouvoir est soumis à plusieurs restrictions : d’une part, il ne peut empiéter sur les prérogatives de l’assemblée générale, seule habilitée à modifier les statuts ou à prendre certaines décisions essentielles.

D’autre part, il ne peut agir que dans le cadre de l’objet social et des pouvoirs reconnus au président-directeur général.

En pratique, le conseil d’administration délègue l’essentiel des pouvoirs de gestion au président directeur général. Cela illustre le rôle limité du conseil, dont l’action épisodique semble peu conforme à l’étendue des pouvoirs que la loi lui reconnait.

Ainsi, le contenu de l’article 622 du code de commerce selon lequel le conseil est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, apparait vidé de sa substance. Il y a comme un décalage entre les textes et la réalité managériale.

Si en théorie, le conseil à qui l’on attribue, à tort selon nous, la responsabilité de la stratégie et de la supervision des décisions, en pratique, l’essentiel du pouvoir réside entre les mains du président-directeur général, lorsqu’il y a cumul des fonctions, ou entre celles du directeur général en cas de dissociation des fonctions.

Pour de nombreux juristes et auteurs doctrinaux, la force du conseil ne constitue qu’une illusion de pouvoir, davantage théorique et symbolique que réelle et effective. En vérité, le conseil d’administration apparait souvent comme un organe de validation, entérinant les décisions prises ailleurs, par les véritables détenteurs du pouvoir managérial.

Ce constat est encore plus vrai dans les entreprises publiques, où les administrateurs ne sont ni actionnaires, ni détenteurs d’actions de garantie. 

A travers un exemple relevant des attributions du conseil d’administration, nous essaierons de mettre en lumière la faiblesse, voire le caractère illusoire de ses prérogatives. En effet, la détention majoritaire du capital par un actionnaire peut annihiler toute autorité managériale du conseil d’administration, le réduisant à des pouvoirs résiduels, en marge de ceux que la loi lui accorde pourtant. 

La concentration du pouvoir économique entre les mains de certains actionnaires affaiblit considérablement le rôle du conseil, limitant son intervention à une fonction symbolique. Cette situation soulève des interrogations quant à l’effectivité du principe de libre révocabilité dévolue au conseil ? Que peut réellement faire ce dernier face un président directeur général, actionnaire majoritaire et détenteur du pouvoir économique ? La perte d’indépendance des administrateurs s’explique souvent par leur faible participation au capital. 

Ainsi, le conseil, censé exercer une fonction de contrôle et de contre-pouvoir, se voit contraint de suivre les instructions de l’actionnaire majoritaire, véritable maitre de l’affaire. Placés dans une position de grande vulnérabilité, les administrateurs se contentent alors d’attendre les orientations des décideurs, devenant de simples exécutants qui entérinent des décisions préétablies, sans possibilité de réflexion ni d’analyse critique. Les délibérations du conseil se réduisent, dans ces cas-là, à de simples échanges informels, dépourvus de profondeur ou de pertinence.

En outre, dans les sociétés familiales, les liens de sang unissant les membres du conseil d’administration peuvent altérer l’objectivité des décisions prises, lesquelles peuvent alors apparaitre dénuées de fondement réel et entachées d’une suspicion légitime quant à leur sincérité. 

Les administrateurs, influencés par les liens familiaux, perdent leur indépendance et leur libre arbitre. Dans ce contexte, les intérêts supposés convergents entre actionnaires majoritaires et minoritaires réduisent les possibilités de débat contradictoire.

Lorsqu’il existe une proximité familiale forte, comme entre un fils administrateur et un père actionnaire non membre du conseil, il est peu probable que le premier exerce une véritable autorité sur le second. Cela soulève la question de l’opportunité du maintien d’un conseil d’administration dans les petites structures familiales où son rôle de contre-pouvoir apparait symbolique. 

Enfin, le retrait de certains administrateurs du processus décisionnel peut s’expliquer aussi, par un manque de compétences techniques ou de maitrise des enjeux complexes auxquels l’entreprise est confrontée. 

La légitimité du conseil d’administration repose sur la compétence, la connaissance et le savoir, l’assimilation des techniques de gestion modernes et la justesse des décisions prises. L’administrateur se doit de connaître les aspects juridiques et financiers et plus généralement les concepts managériaux. Autant d’éléments cognitifs qui peuvent contribuer efficacement à la pérennité et au succès de l’entreprise.

  1. Les pouvoirs du président directeur général (art 638 du code de commerce) 

Selon l’article 638 du code de commerce, le président du conseil d’administration assume, sous sa responsabilité, la direction générale de la société. Il est dans l’hypothèse du cumul des fonctions mandataire social en tant que président du conseil, et le manager principal en tant que directeur général. Dans ce cadre, il est à la fois le pilote stratégique et le gestionnaire opérationnel de l’entreprise.

En qualité de président, il préside les réunions du conseil d’administration, en assure la discipline, veille à la bonne organisation des travaux. 

En tant que directeur général, il est responsable de la mise en œuvre de la stratégie, de la gestion quotidienne, du recrutement, du licenciement, de la négociation des contrats, de la passation des commandes et de la représentation de la société en justice. Il est à l’instar du conseil d’administration, investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société.

Après avoir passé en revue les forces et les faiblesses de chacun des organes, Il est aisé de constater la nette distinction entre les prérogatives et la force managériale du président directeur général et celles du conseil d’administration : le premier est doté d’un pouvoir effectif et réel ; le second, dont les attributions restent circonscrites, n’a pas de véritable impact sur les décisions stratégiques.

En définitive, l’analyse des attributions respectives des organes met en évidence une nette opposition entre, d’une part, un pouvoir exécutif dominant, fort de son ancrage managérial et de sa puissance économique, et, d’autre part, un pouvoir collégial représenté par le conseil d’administration, absent du processus décisionnel et éloigné des réalités fonctionnelles. Le maintien du conseil d’administration soulève la question de la légitimité d’un organe privé de tout pouvoir opérant et d’influence réelle. Ne doit-on pas, dès lors, repenser l’architecture organisationnelle de la société par actions, en l’adaptant à sa taille et à son importance stratégique ? Un modèle dual, conseil d’administration/président directeur général, ne devrait être réservé qu’aux grandes entreprises influentes, confrontées à des enjeux managériaux et financiers complexes.

L.HAMIDI
Docteur en droit

Quitter la version mobile