Le marché pétrolier enregistre, depuis le début de l’année 2025, une tendance baissière, avec une perte de près de 10 dollars en l’espace de quatre mois. Cette baisse s’est accentuée ces derniers jours à moins de 60 dollars (59,30 dollars le baril durant le weekend dernier), soit le plus bas niveau depuis avril 2021.
Par Akrem R.
C’est, en effet, une situation difficile pour les pays producteurs de pétrole, à l’instar de l’Algérie qui a déjà pris les devant en élaborant une loi de finances (LF 2025) sur un prix de référence de 60 dollars et la mise en place d’un plan ambitieux pour la diversification de l’économie nationale afin de réduire sa dépendance aux hydrocarbures.
Cette baisse des prix à ce niveau actuel reste plus au moins acceptable pour l’Algérie et n’aura pas d’impact négatif sur les prévisions de croissances pour l’année en cours, fixées à 4,2%.
Pour le doyen de la faculté des hydrocarbures et de la Chimie, Boudjema Hamada, cette situation sur le marché pétrolier est conjoncturelle et temporaire, et s’explique par plusieurs facteurs, notamment, la demande mondiale, les tensions géopolitiques, les transitions énergétiques, ainsi que l’évolution des projets liés au secteur de l’énergie.
Lors de son passage sur les ondes de la radio nationale « Chaîne I», il a expliqué que cette baisse des prix était attendue attribuant les fluctuations actuelles des prix à des tensions géopolitiques complexes, de nature à la fois politique et économique, en lien principalement avec les décisions prises par le président américain Donald Trump depuis son retour au pouvoir en janvier dernier.
Ces tensions coïncident également avec une baisse de la demande mondiale et des mutations dans la nature des projets d’investissement dans le secteur énergétique, a ajouté l’intervenant, prévoyant une reprise économique à partir du troisième trimestre 2025.
Cela aura un impact direct et progressif sur le pétrole, évitant une chute brutale des prix, estime Boudjema Hamada, affirmant que selon plusieurs rapports, la reprise pourrait débuter dès septembre prochain, «ce qui devrait entraîner une remontée des prix».
«Il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour les prix du pétrole. Toutes les estimations indiquent qu’ils sont appelés à augmenter dès le début du troisième trimestre de l’année en cours, et pourraient se stabiliser autour de 80 dollars le baril, voire davantage, avant la fin de l’année 2025. Cela serait dû à la croissance économique attendue, à la hausse de la demande mondiale de pétrole, au rapprochement russo-américain, ainsi qu’à la volonté affichée de la Chine et des États-Unis de mettre fin à la guerre commerciale actuelle», a-t-il rassuré.
La décision de l’OPEP+ saluée
L’invité de la radio a, par ailleurs, salué la décision des pays membres de l’organisation OPEP+ d’augmenter progressivement leurs quotas de production à partir du mois de juin prochain, à hauteur de 411 000 barils par jour.
Cette décision vise à inciter les pays non membres de l’OPEP à ajuster leurs propres niveaux de production, indique-t-il, en soulignant que la hausse des prix encourage l’investissement dans les champs pétroliers, tant en matière d’exploration que d’exploitation.
Il a précisé que l’Algérie a obtenu une augmentation de son quota de production de 9 000 barils par jour à compter de juin prochain, une hausse que le pays est capable d’honorer sans difficulté, grâce aux capacités de production de Sonatrach.
Elle s’inscrit d’ailleurs dans sa stratégie de consolidation et de développement de ses ressources énergétiques, a-t-il indiqué, affirmant que cela renforce sa position sur la scène énergétique internationale.
Le doyen de la faculté des hydrocarbures a en outre indiqué que l’Algérie peut également compter sur ses partenaires étrangers, notamment américains, pour l’augmentation de la production nationale et le renouvellement des réserves.
Il a rappelé, au passage, qu’il y a deux semaines, une délégation de Sonatrach, dirigée par son PDG et plusieurs cadres supérieurs, s’est rendue aux États-Unis pour rencontrer des entreprises telles que Chevron, ExxonMobil et Oxy. Ces entreprises disposent de technologies très avancées, notamment pour l’exploitation des ressources fossiles non conventionnelles.
Concernant le marché de l’investissement en Algérie, l’intervenant a affirmé que les conditions sont très favorables et attrayantes pour les entreprises, car l’Algérie jouit d’une stabilité sécuritaire, politique et énergétique.
«Nous sommes aujourd’hui engagés dans un programme économique ambitieux, avec une diversification particulièrement marquée dans le secteur minier. Plusieurs secteurs sont concernés, mais l’énergie reste au cœur de tous ces projets structurants», souligne-t-il.
Cap sur la diversification
Questionné, par ailleurs, sur les répercussions sur l’économie algérienne, Boudjema Hamada a affirmé que l’Algérie, comme tous les pays, a sa propre stratégie qui va dans plusieurs directions, notamment l’augmentation de la production de gaz, le développement des énergies renouvelables, mais aussi de l’hydrogène vert.
Tout cela vise à diversifier les sources d’énergie et à soutenir d’autres secteurs comme l’agriculture et l’industrie, car sans énergie, aucun développement n’est possible, dira-t-il, en affirmant que l’économie algérienne doit également s’appuyer sur des ressources au-delà des matières premières.
«Aujourd’hui, Sonatrach s’oriente vers l’exploitation du phosphate, du zinc et des dérivés pétroliers pour créer davantage de valeur ajoutée et renforcer le budget de l’État», précise Boudjema, affirmant que l’Algérie fait face à de multiples défis énergétiques.
En interne, des efforts sont à consentir pour répondre à la forte demande en gaz et en pétrole, en hausse de 8% annuellement. Des investissements colossaux sont donc nécessaires afin de répondre à cette demande et d’accompagner la croissance économique.
Sur le plan extérieur, l’Algérie est un fournisseur clé de gaz pour l’Europe et «doit honorer ses engagements contractuels», souligne-t-il. L’autre défi à relever, c’est le développement des énergies renouvelables, pour réduire son empreinte carbone.
Le développement de ces énergies est stratégique pour assurer une croissance durable et un système énergétique robuste à l’échelle régionale et internationale, dit-il.
À tout cela s’ajoute la nécessité d’investir dans la sensibilisation et l’efficacité énergétique pour réduire le gaspillage et faire des économies en matière de gaz notamment. «L’Algérie pourrait économiser environ 8 milliards de m³ de gaz par an grâce à un usage plus rationnel, ce qui équivaut à la production d’un important champ gazier. Il faut aussi moderniser les bâtiments pour qu’ils soient plus adaptés aux conditions climatiques. Le transport en commun doit être renforcé pour réduire l’usage des véhicules privés. Il faut intensifier les campagnes de sensibilisation», conclut l’intervenant.
A. R.