On entend par le terme bancassurance, le produit d’assurance qui est distribué par le réseau bancaire. Ce contrat d’assurance est exigé généralement comme une garantie préalable par ces institutions, avant tout déblocage de crédit. On peut aussi le définir comme étant un contrat mixant, à la fois, les produits bancaires et ceux des assurances, sachant que les banques peuvent créer des filiales propres à elles, spécialisées en assurance.
Par Saïd Si Amara, économiste-Banquier
La bancassurance est née en France dans les années 70, plus exactement, durant la période allant de 1970 à 1972 où le Crédit Mutuel de l’Est a commencé à la pratiquer, occupant ainsi, progressivement, une place sur la scène des assurances dans l’Hexagone. Suite à cette progression le crédit mutuel a créé sa filiale spécialisée appelée Cardif, avant que les autres banques ne suivent.
En Algérie la bancassurance a vu le jour lors de l’approbation de la loi 06-04 du 26/02/2006 modifiant et complétant l’ordonnance 95-07 du 25/01/1995 ; cette loi qui a supprimé la délimitation entre les banques et les compagnies d’assurances, quoique chacune est soumise à son propre cadre juridique, n’a pas empêché, pour autant, pour sa mise en œuvre, le respect du droit bancaire sans transgresser les prescriptions du droit des assurances. Le but escompté de cette nouvelle optique est de booster le marché économique, particulièrement celui des banques et des assurances. La première pour assurer la couverture des risques et la deuxième, pour diversifier son portefeuille en partenariat avec les banques qui assistent et veillent régulièrement à minimiser les risques par leur gestion d’une manière permanente et régulière, car pour celles-ci, la meilleure couverture de des créances est le remboursement qui intervient à temps par ses débiteurs. D’un autre côté, la banque et par le biais de la bancassurance, peut lancer davantage de nouvelles gammes de produits et élargir son potentiel, ce qui implique la croissance de la marge bancaire.
Les avantages de la bancassurance pour la banque
-Les commissions : la banque joue un rôle de distributeur de contrats d’assurance en utilisant son réseau commercial ainsi que son capital humain. Cette prestation est rémunérée sous forme de commissions perçues en fonction du nombre de contrats placés et le montant des primes y afférentes. Ces commissions renforcent la banque par la constitution d’une masse monétaire et d’un stock de valeurs qui est un facteur fondamental pour cette dernière.
-Les ressources humaines : ce mixage entre le métier de banquier et celui de l’assureur, engendre une diversification et une capacité de maîtrise des produits combinés entre ces deux établissements, tantôt pour les risques et tantôt pour leur couverture.
-Renforcement de la relation Client: la commercialisation des produits d’assurance via le réseau bancaire, crée un confort spécifique pour le client qui se retrouve en face d’une institution d’émission qui va mettre à sa disposition des fonds (crédits bancaires) en même temps qu’elle lui assure la couverture de ces fonds en exploitant cette dérogation de vendre les contrats d’assurance par le placement d’un contrat plus adéquat.
-Un outil de diversification : la bancassurance permet aux banques de diversifier leurs produits bancaires à court, moyen, et long terme, et ce, compte tenu de la complémentarité qui existe entre ces deux secteurs.
Les avantages de la bancassurance pour la compagnie d’assurance
-L’accès à de nouveaux clients: généralement, les banques sont très sollicitées par rapport aux compagnies d’assurances et le flux important de personnes au niveau d’une banque, est systématiquement orienté vers les services de la bancassurance pour ceux qui contractent des crédits. Ce procédé implique l’augmentation du portefeuille de l’assurance.
-Rentabilité croissante: le nombre de contrats d’assurance placés par les banques à l’endroit de sa clientèle, implique l’augmentation des primes d’assurances inhérentes, ressources considérables, qui vont renforcer certainement la rentabilité de la compagnie d’assurance.
-L’appréciation des risques : les crédits octroyés par la banque et la gestion des risques liés, sont des facteurs de base qui obligent tout intervenant d’apprécier le risque et de lui donner sans degré de gravité en contrepartie, son niveau de couverture et sa tarification minimale pour bannir toute perte susceptible de créer des déséquilibres.
Les avantages pour le client
-Des prestations adaptées et améliorées: l’accessibilité pour le client à des prestations financières et bancaires, l’une, offerte par la banque et l’autre, par la compagnie d’assurance dans le même endroit en face d’un seul interlocuteur. Il bénéficiera aussi d’une tarification intéressante par rapport à la souscription du même produit en assurance dans le réseau de la compagnie traditionnelle.
En Algérie, et selon l’arrêté du 06/08/2007, les produits d’assurance pouvant être commercialisés par les banques et établissements financiers, ainsi que le niveau maximum des commissions de distributions y afférentes, sont ceux relatifs à :
1- L’assurance Multirisques habitation qui est généralement subordonnée à l’octroi d’un crédit immobilier, soit l’achat d’un appartement ou d’une maison, son aménagement et réhabilitation, la construction d’une nouvelle maison ou son extension.
2- L’assurance Catastrophe Naturelle.
3-L’assurance Crédit.
4- L’assurance des personnes, exigée par les banques pour la couverture des crédits octroyés contre le risque de décès, accidents corporels, et l’insolvabilité.
5- L’assurance agricole.
La Bancassurance en Algérie : les conditions de son développement
Ce produit était à l’origine proposé en complément des produits bancaires. Mais malheureusement, jusqu’au jour d’aujourd’hui, le développement de ce produit n’a pas connu le résultat escompté, tantôt par les banques et assurances, tantôt par les clients de la banque, dont pour plus de 69% du réseau bancaire, leurs clients n’ont jamais été invités à souscrire à ce genre de contrat au niveau des guichets bancaires, ce qui a conduit à son échec pour des raisons humaines et matérielles, dont entre autres, l’absence de la ressource humaine spécialisée chargée de placer ce type de contrat à l’endroit de la clientèle. Par là, je vise particulièrement, la formation d’une manière continue et régulière et l’assistance qui devraient être assurées et prises en charge par la compagnie d’assurance en premier lieu, et ce, compte tenu de son expertise et de sa spécialisation technique et juridique par rapport à l’établissement bancaire, en sus de la mise en place d’une politique associée entre ces deux organes qui se caractérisent par la gestion des risques.
• Le marketing ciblé pour des produits bien définis : des souscriptions simplifiées visant toutes les catégories de clientèle des banques avec des garanties accessibles qui se distinguent par une tarification claire pour des primes peu élevées.
• L’analyse relationnelle en matière culturelle et comportementale : la bonne image des banques, leurs relations privilégiées avec leurs clients et la proximité des réseaux bancaires.
• les textes législatifs et réglementaires légaux et fiscaux favorisant l’épargne individuelle, peuvent ralentir ou accélérer le développement de la bancassurance sachant qu’un produit à dominante fiscale implique l’absence de risques techniques.
• L’existence de produits générant une épargne longue, dont, à titre d’exemple, la retraite.
• L’innovation assurantielle à la charge des assureurs, influe sur l’objectif et l’activité bancaire.
L’étude et l’analyse du portefeuille bancassurance révèlent que l’assurance des personnes, en l’occurrence, l’assurance-vie et l’assurance décès, restent les principaux succès de la bancassurance ; ces produits phares ont réussi à s’imposer comme les leaders sur ce segment, grâce au nombre de crédits distribués par les établissements de crédit et de leasing. De plus, les bancassureurs doivent aujourd’hui réussir leur virage en matière de diversification pour booster cette culture et améliorer davantage ce genre de contrat alors que pour d’autres, ils devraient revoir les autres branches pour élargir leur habilitation assurantielle suivant les règles prudentielles appliquées à la fois, par les banques et celles des compagnies d’assurance.
Il est utile de signaler, qu’actuellement, la commercialisation des polices d’assurance par nos établissements bancaires dans le cadre de la bancassurance, est très restreinte malgré l’initiation et la distribution de nouveaux produits bancaires qui ne trouvent pas en face, un contrat d’assurance adapté. Cette situation oblige forcément les compagnies d’assurances de réfléchir à la conception de nouveaux contrats plus adaptés, selon les besoins et les exigences des banques, du fait qu’elles sont les principaux créateurs du portefeuille-client pour ces compagnies d’assurances.
Néanmoins, dans le contexte à venir, ce ne sera plus un argument suffisant, car l’apparition de nouveaux canaux et processus de distribution va entrainer des données nouvelles et plus précisément celles technologiques qui influeront sur les comportements des clients et, notamment, sur leur parcours d’achat. Un enjeu fort autour de la relation multi canal apparaît donc pour les acteurs qui veulent mettre en place des processus convergents et interruptibles sur tous les canaux (commencer une demande de souscription sur smartphone pour la terminer en agence, exactement là où le client s’était arrêté). Si les banques ont déjà un véritable savoir-faire dans ce domaine, elles vont devoir intégrer davantage leurs offres d’assurance dans leurs projets de «banque digitale». D’autant plus que les données dont disposent les banques sont loin d’être exploitées dans leur totalité. Il réside dans ce traitement, une vraie richesse (habitudes de consommation, composition et évolution de la cellule familiale, état de santé, etc.), qui pourra permettre de diversifier les offres proposées, mais aussi, d’être en mesure d’avoir un time-to-market. Les assureurs classiques ont pris le train tardivement et il appartient donc, aux bancassureurs d’être leaders de l’innovation à ce sujet, afin de répondre à la modification des comportements-client.
Pour finir, les banques devront bien étudier le potentiel assurantiel de leur portefeuille clientèle, quelle que soit sa nature, et les couvertures mises à leur disposition par les compagnies d’assurances, de consolider fortement cette relation partenariale, voire, de créer des filiales spécialisées dans les assurances et réassurances appartenant aux banques pour accompagner.
S.S.A.