Si l’Algérie avait su tirer profit de ses potentialités naturelles, le tourisme aurait été sa plus grande chance ! Encore plus porteuse que le pétrole, l’agriculture ou l’industrie. Fausse ou vraie, cette affirmation mérite aujourd’hui réflexion et étude.
Par Boubekeur Abid, ex-Cadre du Tourisme
Le secteur touristique national peine encore à décoller, en raison de pesanteurs, notamment de la présence étatique encore importante, caractéristique de notre pays, alors que l’offre privée reste assez atomisée avec peu de moyens. La rente pétrolière, la bureaucratie, les mentalités et les problèmes sécuritaires en sont les principales explications.
Outre ces aspects, la filière souffre de ses managers, de la qualité médiocre des services, de l’insuffisance de la qualification de sa main-d’œuvre et de la faible initiative privée. La crise que vit l’Algérie en matière de tourisme, n’est pas le résultat d’une fatalité, mais la conséquence directe des errements de tous les responsables qui se sont succéder dans le secteur, pour le moins, n’avaient pas les compétences requises et le savoir-faire, pour gérer un tel secteur stratégique.
Presque rien n’a été fait pour la formation des jeunes, des moniteurs et des cadres spécialisés dans l’accueil, l’accompagnement et l’orientation des touristes. Encore moins pour amener les Algériens à saisir le sens réel du tourisme et s’interroger comment ces derniers l’envisagent. Seraient-ils «fiers et repoussants» par exemple, du point de vue mentalité ou comportement, envers le touriste étranger? Ont-ils des difficultés à bien s’y prendre avec lui? Qu’est-ce qui peut les déranger chez lui: la mixité, la liberté, la modernité, l’incompatibilité des traditions, la peur de la corruption des mœurs de leur société par l’argent de la devise, etc.? Qu’en est-il de notre diaspora, nos émigrés? Enfin, quel regard posent-ils sur leurs voisins Tunisiens et Marocains en ce qui a trait à ce point précis?
Nous avons toujours soutenu qu’il ne peut pas y avoir de conquête touristique des marchés extérieurs, sans la sensibilisation de l’environnement à la mentalité touristique et sans un minimum de connaissance de l’Algérie par les Algériens eux-mêmes. Les placards publicitaires de nos professionnels vantant les charmes d’ailleurs sont assez significatifs de l’indigence de nos esprits, de la faiblesse de nos idées et de la recherche de la facilité dans l’action et l’entreprise.
Nos responsables n’ont développé aucune stratégie nationale efficace en ce domaine dans le cadre d’une alternative totale au Tout-Pétrole. Avant toute prise de décision et toute mise en œuvre d’une politique touristique pour l’avenir, il faudrait bien faire une analyse critique de tout ce qu’il a été réalisé à ce jour.
Le tourisme doit occuper une place de choix dans le développement de l’économie national. Il contribue grandement dans la création d’emplois, en particulier pour les femmes, les jeunes, les communautés rurales et les populations autochtones, et a de nombreux liens avec d’autres secteurs (Agriculture, Transport, BTPH, Télécommunication, High-tech, etc.).
Le secteur du commerce, de la restauration et de l’hôtellerie sont les plus investis par les femmes et les jeunes dans leur quête d’entreprendre. Ils entreprennent, en grande partie, dans l’informel.
Une crise de l’importance de la pandémie de la COVID-19 a eu un impact économique et structurel considérable sur le tourisme en général, étant donné que le tourisme implique en amont et en aval presque tous les autres secteurs économiques avec une grande inquiétude en ce qui concerne le risque de perte d’emplois.
L’importance du sous-secteur de la restauration parmi les activités informelles varie dans notre pays d’une région à une autre. Malheureusement la fermeture pour cause de COVID-19 impacte non seulement le sous- secteur, mais aussi toute sa chaine de valeurs et l’emploi créé à cet effet. Par conséquent :
•L’arrêt du fonctionnement des restaurants entrainerait, à très court terme, une fermeture définitive des unités de production dont la taille ne permet pas de supporter longtemps les charges de location.
•La restauration fait vivre des millions de petits producteurs maraichers, éleveurs, pêcheurs, etc.…, car dépendant en grande part de sa commande. La fermeture des restaurants a entrainé ces producteurs dans la précarité.
Pour ce qui est des agences de voyages, dans leur grande majorité, exercent dans la billetterie et, de manière secondaire, dans d’autres activités (réservation des hôtels et services à l’aéroport). Toutes les agences de voyages sont affectées par la fermeture des aéroports ou la limitation des vols des compagnies aériennes. La COVID-19 a eu pour effet l’annulation des voyages et l’obligation du remboursement.
La paralysie des activités touristiques a également pour corollaire la revue à la baisse des recettes directes et indirectes des collectivités territoriales qui bénéficient d’un certain nombre de taxes plus ou moins liées au tourisme. La baisse des arrivées touristiques dans les hôtels, suite à la COVID-19, impactera certainement les budgets des différentes communes.
Le ministre des finances a énuméré les pertes du secteur durant cette période de pandémie, en indiquant que les hôtels privés et les agences de voyages et de tourisme ont subi des pertes estimées à 27,3 milliards de dinars.
C’est un défi commun que l’on ne peut affronter qu’ensemble, le redressement de notre économie nécessite une action collective à une grande échelle. Cette pandémie vient s’ajouter à d’autres facteurs défavorables au développement du tourisme dans notre pays.
Introduction
Notre pays tente d’avoir une place au soleil dans le marché mondial au regard de ses atouts etpotentialités. Quel type de tourisme est prioritaire ? A notre avis aucun n’est à négliger.
Il y a le balnéaire, le tourisme d’affaires et de ville, le thermalisme, de soins et de santé très recherché, le culturel et le cultuelle. Avec un produit d’appel qui est le tourisme saharien.
«On n’a pas à choisir. Il faut un mix car l’Algérie est diverse».
Les pouvoirs publics doivent concevoir des politiques visant à maximiser les bénéfices économiques environnementaux et sociaux du tourisme, tout en réduisant les tensions qui apparaissent quand sa croissance n’est ni planifiée, ni gérée.
Pour étendre les bénéfices économiques et autres, pour créer de nouveaux produits visant à prolonger la saison touristique, et pour favoriser la productivité, une meilleure utilisation des ressources et une plus grande stabilité de l’emploi sont nécessaires.
Afin que ces initiatives aient les effets escomptés, le pays doit renforcer les mécanismes de coordination et de mise en œuvre, garantir la mise en œuvre de politiques touristiques durables, modernisent les textes applicables, adoptent des solutions numériques.
Au niveau des administrations centrales et locales, le bricolage, l’activisme et le laxisme doivent disparaître et laisser la place à une réflexion saine et sereine pour l’élaboration et l’exécution des plans de développement touristique. Celles-ci doivent obéir à une vision lointaine de l’Algérie, en prenant impérativement en considération son histoire, sa culture et ses traditions. «On doit respecter le passé sans pour autant négliger l’avenir», dixit Brad Herzog.
Une coordination entre les différents secteurs intervenant sur le territoire est plus que jamais nécessaire pour une gestion intégrée et durable, indispensable pour répondre aux aspirations des estivants et touristes dans leur quête d’un cadre naturel beau et équilibré, avec un service d’accueil touristique de qualité et accessible aux différentes catégories sociales.
Il s’agit surtout de sortir des dogmes politiques et régionalistes et d’en finir avec l’assistanat, les contraintes sociologiques, les divisions entre les wilayas et les calculs politiques. Le constat sur le terrain est alarmant, le comment faire pose problème. Il est temps de se débarrasser de cette fierté démesurée.
Si à travers le monde existent de nombreux lieux magnifiques, il est à noter que l’Algériecompte également des sites féériques et splendides. Du pur bonheur ! Découvrir ainsi :
•Tlemcen et son héritage islamique,
•Profiter du parc naturel Gouraya à Bejaia,
•Séjourner à Hammam Bou Hanifia et admirer Hammam Bou Hadjar,
•Prendre un bain à Ain Ouarka à Ain Sefra, et profiter de la quiétude et le calme del’Oasis de Tiout et admirer les dessins rupestres de cette région.
•Marcher le long des balcons du Ghoufi et El Kantara, pour arriver à Biskra.
•Arpenter le mont Chelia ou les montagnes du Djurdjura en Kabylie,
•Discuter avec des jeunes sur le site antique de Tipaza, de Timgad et de Djamila,
•S’arrêter pour photographier les nombreux monuments de Timgad Batna, la muraillebyzantine de Tébessa, les ruines de M’Daourouch à Souk Ahras,
•Contempler Oran depuis Santa-Cruz ou profiter des plages de Béni-Saf et celle d’El Kala,
• Voir Annaba avec la placette le Cour au centre-ville et sa basilique «Lalla Bouna»,
• Jijel avec sa corniche, ses plages dorées, ses parcs naturels et ses grottes,
•Sans oublier, notre merveilleux Sahara avec son plus beau coucher du soleil au Monde.
On peut ainsi se rendre compte de la richesse inégalée de l’Algérie ! Une richesse à la mesure du 10ème plus grand pays du monde, qu’est l’Algérie un pays continent.
Les touristes du monde entier seraient ravis de visiter tous ces paysages naturels exceptionnels et ces lieux historiques uniques. A nous de créer les conditions pour les accueillir et tirer profit de ces richesses naturelles, historiques et culturelles. C’est une manne pour l’état, les investisseurs et l’emploi des jeunes. Cela peut aussi contribuer à améliorer la qualité de vie des citoyens et ouvrir de nouvelles opportunités de coopération internationale. A nous de tirer parti de tous ces joyaux dont la nature nous a dotés.
Nos responsables n’ont pas pris conscience du rôle moteur des voyages et du tourisme pour la création d’emplois, la croissance économique et le développement. Très peu se sont relativement engagés en élaborant une vision et une stratégique globale du tourisme, ou même simplement en adoptant les initiatives de facilitation des voyages qui mettent en œuvre des approches variées telles: la simplification du traitement des visas, l’amélioration des procédures de passage aux frontières , visa à l’arrivée, etc.
De nombreux obstacles qui freinent encore l’expansion du tourisme en Algérie ont été clairement identifiés et débattus, il s’agit notamment des questions foncières liées d’une part, à la disponibilité des terres et d’autre part, à la manière dont les droits fonciers sont transférés. On observe d’autres contraintes telles que l’accès au financement pour les investisseurs, en particulier les promoteurs d’entreprises, un environnement juridique et fiscal qui n’octroie pas assez d’avantage spécifique, un environnement sécuritaire au Sud qui peut rendre tout investissement incertain, les processus et les lourdeurs bureaucratiques restent présents à des degrés divers tels que:
– L’absence d’un cadre légal, institutionnel voire administratif incitatif à l’investissement (facilité douanière, avantages fiscaux, foncier, etc.);
– L’insuffisance des capacités de l’ensemble des acteurs institutionnels ;
– L’absence d’une valorisation et d’une transformation des produits locaux ;
– Forte concentration des établissements hôteliers et touristiques dans les grands centres urbains limitant ainsi le tourisme intérieur ;
D’autres contraintes limitent l’impact du tourisme dans presque tout le pays à savoir :
– Absence ou insuffisance de protection des aires protégées et vestiges ;
– Faible valorisation et aménagement des ZET;
– Faible implication des autorités et des populations Locales ;
– Faiblesse de la gouvernance dans les espaces destinées au tourisme cynégétique ;
– Faible valorisation de l’offre halieutique ;
– Faible valorisation sur le plan muséographique ;
– Absence de politique communautaire et nationale en matière de culture ;
– Faible protection et valorisation des sites culturels ;
– Faible capacité hôtelière haut de gamme ;
– Faible valorisation du potentiel à travers l’aménagement des stations balnéaires, Ports de plaisance quasi inexistants ;
– Absence de guide de montagne et touristique;
– Problèmes de financement, de sponsoring et de partenariat.
On doit réfléchir à une nouvelle politique régionale et territoriale, qui peut fixer les socles pour une meilleure répartition des avantages des recettes touristiques dans un contexte endogène de solutions innovantes aux problèmes locaux.
En effet, le renforcement des compétences des territoires et de leurs capacités d’interventionleur permettrait de réaliser une meilleure planification de leur développement.
Cela impacterait sur la préservation et la valorisation des aires protégées et les ZET, qui seraient intégrées dans cette planification en ce sens qu’elles se situent et appartiennent à des territoires qui sont parfois marginaux.
Il s’agit d’un changement de vision qui renverse l’ordre d’intervention, ce n’est plus les programmes liés aux aires protégées et les ZET, qui agiront dans le sens du développement local mais les territoires eux-mêmes qui, à travers leurs actions, lui donneraient une impulsion nouvelle est bénéfique à leur population locale.
«Il n’est de véritable déception que de ce qu’on aime, et je n’aurais absolument pas la force de supporter d’être déçu par ce que j’aime.» Les Enfants humiliés (1940) de Georges Bernanos
A. B.
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