L’adoption des nouveaux statuts des secteurs de l’Éducation et de la Santé par les deux chambres du Parlement (APN et Conseil de la nation) constitue, avec la régulation du procédé de l’importation par « cabas », l’un actes législatifs majeurs de l’année 2025 qui auront un impact de poids sur les conditions sociales et le pouvoir d’achat de dizaines de milliers de fonctionnaires. La loi de finances 2025, élaborée dans le cadre du cadrage budgétaire triennal 2025-2026, prend en charge ce changement de statut des fonctionnaires de la santé et de l’éducation, avec toute l’incidence financière qui en résulte.
Par Amar Naït Messaoud
Au cours de ces deux dernières années, l’Assemblée populaire nationale s’est déployé sur d’autres dossiers sociaux et économiques afin d’initier des mises à jour dans leur composantes réglementaires et apporter des adaptations en accord avec l’évolution générale du pays et de sn économie.
L’on sait que, avant d’atterrir sur le bureau de l’Assemblée, les avant-projets de loi bénéficient de tout un processus d’élaboration et de validation.
Les avant-projets de loi que le gouvernement dé- pose sur le bureau de l’instance législative sont généralement issus du travail et propositions des secteurs concernés, représentés par les différentes administrations publiques.
Ces mêmes secteurs administratifs ont leur « prolongements » au niveau de l’APN à travers les commissions permanentes spécialisées : commissions des affaires économiques, du développement, de l’industrie, du commerce, de la planification, de la culture, de la communication, du tourisme, de la jeunesse et des sports, de l’activité associative, de l’agriculture, de la pêche, de la protection de l’environnement, de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, des affaires religieuses, des transports et des télécommunications.
Avec la typologie d’ordonnances, de lois, de décrets présidentiels, de décrets exécutifs, d’arrêtés, d’instructions, de directives, etc., l’Algérie aura produit, depuis plus de soixante ans, un important volume de documents législatifs et réglementaires (lois, codes, régimes) relatifs à la vie économique, sociale et culturelle du pays. Mais, le développement économique et social est loin de se suffire d’une législation aussi bien intentionnée soit-elle.
La loi, le droit, c’est aussi un rapport de force au sein de la société et des institutions du pays, autrement dit, cela relève de la politique. Sous le régime du parti unique et de la « démocratie populaire », l’Algérie a connu les comités de gestion, la Gestion socialiste des entreprises, le syndicat unique, puis, quelques années après, le Statut général des travailleurs (SGT).
L’économie commençait déjà, dés le début des années 70’, à prendre, discrètement puis ouvertement, les contours de la rente pétrolière au détriment d’une diversité économique traditionnelle que représentaient l’agriculture et l’élevage, les produits du terroir et l’artisanat. Le système de salariat induit par les « industries industrialisante » avait provoqué la deuxième vague d’exode des populations après celle de la guerre de Libération.
La «libéralisation» cahoteuse du PAS
Avec l’ouverture politique initiée en 1989, et surtout avec son pendant de libéralisation économique, les « anthologies » des lois et règlements algériens tombaient comme des châteaux de cartes ; car, elles ne correspondent plus à la nouvelle réalité de la société.
La loi sur l’autonomie des entreprise publiques promulguée en 1988 n’a pas encore eu le temps d’être mise à l’épreuve dans toute son étendue qu’elle fut rejointe par les lois sur la monnaie et le crédit et les lois sur la privatisation des entités publiques.
Le Plan d’ajustement structurel (PAS), imposé par le FMI à l’Algérie dans le cadre du rééchelonnement de la dette extérieure, entraîna son lot de suppression d’emplois, de chômage et de recul de niveau de vie.
Le gouvernement introduisit, dans la foulée, la loi sur la retraite anticipée, laquelle avait provoqué une hémorragie historique dans la ressource humaine des entreprises publiques et au sein de l’administration.
La rapidité avec laquelle les lois sur les investissements, particulièrement étrangers, ont été bouleversées –notamment par des mesures gouvernementales au début de 2009 et par la loi de finances complémentaire de la même année ainsi que la loi de finance de 2010- n’a d’égal que la précipitation avec laquelle a été ouvert le champ économique national dans le contexte des conditionnalités du PAS.
Dans le sillage de l’affaire Khalifa Bank, plusieurs mesures ont été prises par les autorités pour prévenir des cas similaires d’escroquerie. D’autres banques privées avaient mis la clef sous le paillasson suite à l’application d’une réglementation plus stricte.
Le secteur bancaire « boudera » l’investissement privé jusqu’en 2024, lorsque le CPA et la BDL émirent des titres de participation à l’intention des acteurs institutionnels et des investisseurs privés. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, vient de suggérer, par le biais de sa rencontre avec la presse organisée au début de la semaine en cours, que les détenteurs de capitaux informels peuvent créer leurs propres banques.
C’est façon de « régulariser » leur situation vis-à-vis de l’administration et de la fiscalité et de contribuer à la richesse nationale par la politique du crédit et la création d’emploi, en sus du payement des impôts.
Encadrer les nouvelles réalités sociales
En tout cas, la relation entre les structures ou les entités économiques ainsi que de leurs activités avec la notion de droit prend de plus en plus de relief et d’acuité au point où elle a donné naissance à des spécialités d’enseignement : droit économique, droit comptable, droit fiscal, droit douanier, droit de gestion publique, contentieux, droit du travail, etc.
La nécessité de réformes et de mises à jour continue des lois et règlements régissant les différents segments de l’économie concernés par les changements s’impose dans le corps de nos institutions au fur et à mesure qu’apparaissent de nouvelles activités ou que d’autres activités sont appelées à des changements dans leur manière d’être déclinées.
C’est ainsi que ce processus de changement ne peut faire l’économie de profondes réformes de la justice de façon à ce qu’elle réponde aux nouveaux besoins générés par les transformations sociales.
Ces réformes sont à identifier aussi bien au niveau institutionnel représentant la haute pyramide de l’État (Constitution, Assemblée populaire nationale, Sénat) qu’au niveau des structures chargées de rendre la justice et d’effectuer les arbitrages (cours, tribunaux et auxiliaires de justice).
Avec l’entrée de l’Algérie dans l’économie de marché, de nouveaux besoins, inconnus il y a quelques années, s’expriment sur le plan de l’élaboration des réglementations et des législations.
Le contrôle de la qualité des marchandises à l’importation (principalement les médicaments, les produits vétérinaires et phytosanitaires, les produits alimentaires, la pièce de rechange…) pour faire face aux risques sanitaires et à la contrefaçon constitue, à n’en pas douter, un chapitre important de nouvelles mesures législatives que le pays a été amené à confectionner.
Il en est de même des nouvelles formes de criminalité (cybercriminalité), de trafic de drogue et d’immigration clandestine. Imparablement, la configuration qui s’annonçait au début des années 2000 pour l’économie algérienne exigeait la réforme des lois et des modes de gestion.
Les lois sur l’autonomie des entreprises publiques, la loi sur la monnaie et le crédit et tout l’arsenal législatif qui suivra- avec la libéralisation des métiers des auxiliaires de la justices (notaires, huissiers, commissaires aux comptes, commissaires-priseurs) – constituent un début des réformes de la justice combien nécessaire à l’accompagnement des changements économiques et sociaux.
Vers un chantier législatif
Les nouvelles réalités économiques et sociales ont ainsi ouvert un grand chantier législatif relatif au commerce, aux transactions foncières, au monde associatif, aux collectivités locales (codes de la commune et de la wilaya).
D’autres dossiers ou secteurs d’activité ont aussi imposé ou imposeront bientôt des changements de lois qui sont autant de réformes progressives mais irréversibles dans le secteur de la justice.
L’informatisation des services, la téléphonie mobile, la généralisation de l’Internet, la presse indépendante, la protection du consommateur, la défense de l’environnement et du patrimoine culturel, la défense des règles de l’urbanisme, la bioéthique et la déontologie médicale, l’usage des stupéfiants, la lutte contre les nouvelles formes de criminalité, la modernisation de la fiscalité, l’investissement étranger, l’institution du droit des affaires, les relations avec les groupement régionaux (UE, Afrique, Monde arabe), sont, entre autres, les nouveaux défis qui se posent au secteur de la justice en Algérie et qui exigeront de nouvelles compétences et une stratégie de spécialisation comme cela se passe dans les autres pays du monde.
Sur ce chapitre, l’on ne peut plus faire abstraction des besoins en formation charriés par les nouvelles missions qui incombent au secteur judiciaire.
Des écoles spécialisées en droit du travail, en droit fiscal, en droit foncier ou en droit des affaires ne devraient pas être vues comme un luxe dans un pays qui compte mettre sur orbite le maximum de réformes économiques qu’exigent l’étape d’évolution actuelle et le nouveau contexte de l’économie mondiale. De même, la création de tribunaux commerciaux et de tribunaux ou sections en droit foncier sera, sous peu, une nécessité qui imposera son poids.
A. N. M.