Malgré un premier échec, le gouvernement entend relancer l’industrie automobile en Algérie. Selon le ministre de l’Industrie, Ahmed Zeghdar, notre pays est capable de fabriquer des voitures localement. Il a annoncé, à cet effet, qu’il rencontrera des responsables d’entreprises et d’usines internationales dans ce domaine, la semaine prochaine, pour rouvrir sérieusement le dossier, et ce, en marge de la cérémonie d’installation des membres du CNESE mardi dernier.
Par Akrem R.
Le ministre de l’Industrie a, par ailleurs, déclaré : « Nous sommes capables de fabriquer des voitures localement, et l’expérience portera sur les voitures qui répondent au marché algérien, des voitures électriques et certains hybrides».
Il a également souligné que «le choix des partenaires se fera de manière rationnelle, de façon à ce qu’il serve le produit local et réponde aux exigences du marché intérieur, et profitable au Trésor algérien, à travers l’exportation vers l’Afrique ». Le ministre de l’Industrie a rappelé que «la demande équivaut à 350.000 véhicules par an, en plus de l’exportation, surtout après l’activation de l’accord de libre-échange au niveau du continent africain. Ahmed Zeghdar a ajouté : « Il y a un travail sérieux en préparation à ce niveau, et les grandes marques internationales qui fabriqueront des voitures en Algérie seront bientôt dévoilées une fois qu’un accord sera trouvé.
Eviter les erreurs du passé
Mais la question qui mérite d’être posée est relative à la stratégie ou vision à mettre en place pour atteindre ce «rêve» et combien d’années doit-on attendre pour voir enfin une voiture «made in Algeria» au lieu d’un véhicule en kits ?
La première expérience « ratée» vécue par l’Algérie, laisse planer des doutes quant à la réussite du projet. D’ailleurs, et selon les chiffres du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, les projets de montage de voitures ont coûté un budget énorme de 3,2 milliards de dollars pour le Trésor public ! Le chef de l’Etat a, depuis son arrivé au Palais d’El Mouradia, dénoncé ses projets qui ne rapportent rien à l’économie nationale et, pire, c’est le Trésor public qui continue de subir des pertes à travers les avantages fiscaux accordés à ces «faux» investisseurs, dont la plupart sont, d’ailleurs incarcérés. Suite à cela, une décision courageuse a été prise par le gouvernement pour l’arrêt de ce genre d’activité, en imposant aux constructeurs un taux d’intégration de 30% et la suppression des avantages fiscaux.
Toutefois, ce chiffre d’intégration de plus de 30% est jugé trop élevé par les constructeurs installés en Algérie et impossible à atteindre dans le court terme. L’absence d’un tissu national spécialisé dans la sous-traitance, en est la principale raison.
Beaucoup de spécialistes du domaine automobile avaient conseillé les autorités à investir d’abord, dans la fabrication de pièces de rechange avant de se lancer dans l’industrie automobile. Les équipementiers sont toujours absents du pays. Et le cahier des charges, élaboré par l’ex-ministre de l’Industrie, Ferhat Aït Ali, a signé la fin de l’embryon de construction automobile. Les Coréens Kia et Hyundai, l’Allemand, Volkswagen, lâchent l’affaire et mettent la clé sous le paillasson. Renault reste, mais son usine est à l’arrêt. En dépit de tout cela, les autorités ne lâchent pas prise et comptent relancer l’industrie automobile.
Pour l’expert en économie, Abderrahmane Hadef, l’Algérie doit avoir d’abord une stratégie à long terme concernant l’industrie mécanique d’une manière générale, et particulièrement pour l’industrie de l’automobile. En effet, les pouvoirs publics doivent avoir une vision claire sur ce domaine, tout en limitant le nombre de constructeurs entre 2 à 3 seulement. «Pour ne pas répéter les erreurs du passé, il faut faire le choix en toute souveraineté sur des marques qui peuvent apporter de la valeur ajoutée à l’économie nationale et des alliances stratégiques et partenariats étrangers d’envergure», a-t-il souligné.
Ceci garantira une meilleure gestion et maitrise du dossier. Ainsi que, ajoute-t-il, de réaliser des projets à long terme et d’aller ensemble sur le marché international, africain notamment.
Aller vers des partenariats stratégiques
Notre intervenant a également mis l’accent sur la nécessité d’aller vers des alliances stratégiques qui peuvent donner lieu à des partenariats bien étudiés. « Quand on parle d’un partenariat bien étudié, c’est réaliser des projets vraiment intégrés qui vont répondre aux besoins nationaux et se projeter sur l’international et sur le marché régional», a-t-il souligné.
À cela s’ajoute, la mise en place d’une organisation particulière et le choix de l’implantation de ce genre de projet, parce que, dira-t-il, « cette organisation va entrainer un nombre d’opérateurs et d’acteurs dans le domaine de la sous-traitance». Hadef a également recommandé de préparer des zones franches, dotées d’un certain nombre d’avantages et de facilitations pour une meilleure attractivité. En outre, l’aspect de l’évolution technologique doit être pris en considération, si on veut avoir des projets pérennes et durables. Nous devons intégrer l’aspect innovation et ne pas rester dans un modèle classique de voitures. A cet effet, nous devons nous projeter sur la voiture électrique et le système technologique».
Pour sa part, Hamza Boughada, expert en économie, a indiqué que ce dossier est entouré de trop d’ambigüités. Pour lui, si l’Etat veut lancer cette industrie, indique-t-il, il doit mener des négociations avec des marques connues mondialement et régulariser le dossier des anciens projets, outre prendre en compte la question des infrastructures. Cette opération d’assainissement permettra d’avoir une visibilité du dossier et facilitera la relance de l’activité, tout en profitant des infrastructures déjà réalisées.
Notre interlocuteur a également préconisé d’investir dans la voiture électrique. Selon Boughadi, le processus est le plus maitrisable et est d’avenir. Pour illustrer ses propos, il a cité l’exemple de la Chine qui a investi grandement dans ce type de voitures, devançant, sur ce terrain, les fabricants traditionnels. En somme, dira-t-il, « il faut vraiment se lancer sur des bases solides et scientifiques, tout en s’appuyant sur nos capacités matériels et ressources humaines (compétences locales »
A R.