Viandes rouges et blanches : Retour à l’importation

C’est une décision importante que viennent de prendre les autorités publiques, pour assurer un meilleur approvisionnement du marché national en produits carnés. En effet, et pour mieux répondre aux besoins en consommation, et de-là anticiper une éventuelle pression sur le marché, avec son corolaire d’augmentation des prix, le gouvernement a décidé de faire recours à l’importation.

Par Akrem R.

Les différentes mesures prises par le gouvernement durant ces deux dernières années n’ont pas pu stabiliser un marché déjà déséquilibré, surtout que le produit local reste insuffisant pour couvrir les besoins. Les prix des viandes ont atteint des niveaux très élevés et la disponibilité se pose avec acuité, sans compter l’impact sur le cheptel national, d’où cette décision de revenir à l’importation des viandes comme solution transitoire.

La production nationale en viandes blanches et rouges est «insuffisante». Si la chaine de distribution fait défaut, dont les intermédiaires influent négativement sur la stabilisation du marché, en la dominant, les chiffres officiels du nombre du cheptel en 2022 ont montré que le problème est ailleurs. Depuis des années, on parle d’un cheptel de 29 millions de têtes, alors qu’en réalité, nous n’avons que 19 millions !  Ceci résume la situation dont laquelle se trouve le marché local. Donc, le recours à l’importation est devenu une nécessité, en attendant de trouver d’autres solutions plus efficaces et pérennes pour mettre de l’ordre dans les filières d’élevages (ovine et bovine) et également avicole.

En ce sens, le ministère du l’Agriculture a annoncé, dans deux notes adressées hier dimanche, aux opérateurs économiques, le retour de l’importation des viandes rouges et blanches.

En effet, les opérateurs économiques intéressés par l’importation des viandes blanches (congelées) sont appelés à déposer les demandes pour l’obtention d’autorisations sanitaires d’importation via la plateforme numérique (pslmadr.gov.dz), et ce, du 10 au 20 septembre, lit-on dans la note du ministère. Les importateurs doivent présenter un programme annuel d’importation, ajoute la même source. 

En plus des viandes blanches, l’Algérie autorise aussi l’importation des viandes bovines fraîches, réfrigérées et emballées sous vide. Les importateurs peuvent aussi importer de la viande ovine fraîche, réfrigérée et congelée. «L’opération d’importation des viandes est ouverte à tous les opérateurs publics et privés», précise le ministère de l’agriculture dans une deuxième note.

Ces mesures s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle stratégie du gouvernement visant l’approvisionnement du marché en produits alimentaire en quantité suffisante et à des prix «raisonnables». Actuellement, les prix des viandes rouges (à partir de 2000 DA/kg) et blanches (540 DA/kg) sont hors de portée des ménages. Des prix jugés «excessifs» et qui défient les efforts des pouvoirs publics pour la préservation du pouvoir d’achat des citoyens. 

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait donné des instructions fermes à l’Exécutif afin de prendre les mesures adéquates pour la stabilisation des prix et la préservation du pouvoir d’achat du citoyen. Il a souligné clairement que «le citoyen est une ligne rouge, son bien-être est la priorité des priorités». Depuis cette annonce, les procédures d’importations ont été assouplies, tout en protégeant la production nationale. 

C’est dans ce cadre que la commission multisectorielle chargée d’assurer et d’organiser la disponibilité des produits alimentaires de large consommation s’est réunie au siège du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, en présence de cadres du ministère et de représentants des ministères du Commerce et de la Promotion des exportations et de la Pêche et des Productions halieutiques.

Mettre en place une stratégie claire 

Lors de cette réunion, l’accent a été mis sur «l’importance de prendre les mesures nécessaires pour approvisionner les marchés nationaux en produits alimentaires de qualité, notamment les viandes rouges et blanches, les œufs et les produits halieutiques, et assurer leur disponibilité à des prix à la portée des citoyens». «Plusieurs décisions et engagements ont été pris lors de la réunion conformément aux orientations du gouvernement à cet égard», conclut le communiqué.

Questionné sur la décision du ministère pour le retour à l’importation des viandes rouges et blanches, le Professeur Mourad Kouachi, expert en économie et enseignant universitaire, a qualifié cette mesure de solution «conjoncturelle», visant à la régulation du marché des viandes, dont les prix avaient atteint des niveaux inquiétants. Mais, ajoute-t-il, il faut pencher dès maintenant sur l’élaboration d’une stratégie claire pour trouver une solution définitive pour ce problème récurrent. À chaque fête ou événement important (Ramadhan et Aïd) les prix des viandes flambent. Donc, «il faut trouver des solutions radicales pour cette problématique des prix des viandes rouges et blanches et les œufs». Indiquant que les ministères de l’Agriculture et du Commerce ont failli jusqu’à présent dans la mission de la stabilisation des prix et l’approvisionnement du marché. Pour notre interlocuteur, le moment est venu pour la mise en place d’une stratégie claire, soit pour les opérations de la production et l’importation pour la maitrise et le contrôle du marché, sans toutefois pénaliser le producteur et le consommateur.

«Une décision irréfléchie», selon Laala Boukhalfa

Pour sa part, l’expert en agriculture, Laala Boukhalfa, cette décision de retourner à l’importation est «irréfléchie». D’après lui, il faut d’abord faire une étude sur les besoins du marché national avant de lancer une telle opération. «En l’absence d’une étude économique sur les besoins du marchés, cette décision semble un non-sens et ne résoudra pas le problème de la régulation des prix sur le marché. Il faut d’abord connaitre les besoins du marché national afin de connaitre le niveau des importations. Mais ouvrir comme ça l’importation au hasard, ça sera un échec. On a déjà l’expérience de l’importation des viandes rouges durant le mois de Ramadhan. Est-ce que cette opération à fait baisser le prix? Non au contraire, ils ont augmenté et la viande importée proposée au consommateur à 1200 DA est introuvable sur le marché, durant le mois de Ramadhan», souligne-t-il.

Outre la problématique des quantités à importer, il y a également l’absence d’un circuit de distribution fiable, selon cet expert. «Comment cette viande importée sera commercialisée?», s’interroge-t-il.

Pour lui, il est préférable de donner plus d’importance au développement des deux filières (viandes rouges et blanches) en Algérie, en mettant en place une nouvelle organisation et surtout réglementer les prix d’aliments. Laala Boukhalfa a proposé dans ce cadre la subvention des prix du maïs et de soja, deux intrants importants pour la filière avicole. 

«Si nous ressoudons cette problématique des prix des aliments, tous reviendra à l’ordre. Il faut revoir à la baisse le prix d’un quintal à entre 4500 et 5000 DA au lieu de 8000 et/ou 9000 DA. Cela permettra de réduire les coûts de production de 50%. Le plateau d’œufs ne dépassera pas les 300 DA et le kilo de viande blanche ne dépassera pas lui aussi les 260 DA», indique-t-il. Idem pour la filière des viandes rouges, estime cet expert. 

A. R.

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