Parmi les activités qui sont censées contribuer à la diversification de l’économie nationale et qui sont inscrites sur le tableau de bord du gouvernement, le tourisme occupe une place de choix. Après la Décennie noire de l’insécurité et la pandémie du coronavirus, le secteur du tourisme entend se déployer pour créer une meilleure attractivité de la destination Algérie, aussi bien pour la partie septentrionale du pays (plages, montagnes, forêts, curiosités naturelles, sites culturels et cultuels,…) généralement sollicitée en saison estivale, que pour la partie Sud, sollicitée à partir de l’automne, et plus spécialement au cours des vacances de fin d’année et des fêtes européennes de Noël et de la Saint-Sylvestre.
Par Amar Naït Messaoud
Dans la nouvelle stratégie développée par le secteur touristique, le tourisme intérieur n’est pas en reste. On compte sur le déplacement des jeunes Algériens à l’intérieur de leur pays pour le dé- couvrir et pour assurer les échanges culturels entre les régions.
Outre les grandes infrastructures d’accueil et d’hébergement, aussi bien publiques que privées, qui peuvent s’avérer inaccessibles pour les bourses modestes, une solution alternative est en train de faire son chemin, étant consacrée actuellement comme procédé réglementaire, protégé par la loi, après qu’il a été longtemps pratiqué de manière informelle.
Il s’agit de la formule dénommée «logement chez l’habitant » introduite par la circulaire interministérielle n°01 du 16 Juin 2012 relative au logement chez l’habitant « comme formule d’hébergement touristique ».
Ce type de résidence est défini par le ministère du Tourisme comme étant « la formule par laquelle le propriétaire d’une habitation met à la disposition d’une ou plusieurs personnes, à titre onéreux et temporaire, toute ou partie de sa propriété assortie de prestations ».
Le texte de la circulaire précises les conditions présidant à la conclusion d’une telle convention entre le touriste et le propriétaire du logement, ainsi que les critères d’habitabilité de ce dernier (espace, hygiène, sécurité, équipement, services,…).
Depuis que cette formule a été officiellement adoptée, sortie de l’informel, elle a été accueillie favorablement, non seulement pas les propriétaires des appartements ou villas situés en ville, proches des plages, mais également par un certain nombre de ménages ruraux, vivant en zones de montagne et nourrissant, depuis de longues années, l’espoir d’aménager leurs maisons en petites auberges d’accueil, en gites de séjour pour touristes, ou bien encore, en gites d’étape (halte) sur les circuits de randonnées. Le parcours des propriétaires n’a pas été de tout repos.
Les aides sollicitées auprès des pouvoirs publics restaurer et aménager des anciennes demeures rurales, en montagne, et parfois limitrophes des forêts, n’ont pas toujours été comprises et appréhendées en tant qu’instrument de développement touristiques, créatrices d’activités et d’emplois dans les zones de montagne.
Il a fallu la persévérance et la ténacité de certains initiateurs, particulièrement sur le massif du Djurdjura (wilayas de Bouira et Tizi Ouzou), pour voir les premières et modestes infrastructures, jouant le rôle de gîtes touristiques de séjour ou de gîtes d’étape se concrétiser sur le terrain.
Les réseaux sociaux s’en sont saisis rapidement, avec une profusion inouïe, entraînant avec eux les chaînes de télévision Les vidéos et reportages réalisés sur ces sites ont, non seulement commencé à susciter les premiers mouvements touristiques de la part des jeunes, y compris des familles, mais également à installer un certain esprit d’émulation chez les propriétaires des maisons rurales en montagne.
Néanmoins, une grande partie du tourisme de montagne et forestier continue s’exercer en dehors de ces « points de chute », tenant plutôt d’une certaine anarchie dont les impacts, déplorables à plus d’un titre, sur la nature, la faune, la flore et les équipement ne se sont pas fait attendre.
L’impact d’un tourisme anarchique
Autour des lacs de barrages ou de retenues collinaires, sur les pics les plus élevés de la montagne, dans les belles pelouses et les magnifiques alpages à l’ombre des houppiers de cèdre, sous les grands rocs, jusqu’à même la bouche de certains gouffres karstiques connus de nos montagnes (à l’image de celui d’Assouel, une dépression d’alpage du Djurdjura), des déchets solides, inertes (plastique, fer, aluminium, papier, verre,…), organiques ou autres jonchent les sol. On en est arrivé à obstruer l’entrée d’un gouffre karstique avec des bouteilles.
Des incendies ont pris dans la forêt dès l’installation de campeurs, ou à leur sortie, parce qu’ils ont utilisé des barbecues pour prendre leur repas de « villégiature ». Les vrais randonneurs des montagnes, les amateurs disciplinés de ski ou spéléologie, risquent, dans la confusion générale, d’être confondus avec les comportements irresponsables de ces « faux touristes » qui polluent la nature et agressent sa biodiversité.
Les habitats de certains animaux sont détruits, piétinés ou incendiés ; la densité de ces mêmes animaux est réduite en peau de chagrin, d’où une sérieuse perturbation de la chaîne trophique responsable de l’équilibre écologique dans nos forêts et nos montagnes.
La nécessité de mettre fin à ces dépassements « écocides » et l’impératif de canaliser le tourisme rural (montagneux/forestier) pour l’inscrire dans le respect des règles de la nature et de ses principaux éléments (flore, faune, air, eau, paysages, curiosités naturelles,…) et dans le respect aussi des populations rurales riveraines, ont conduits les experts du tourisme à introduire le concept d’écotourisme : un tourisme responsable, respectueux de la nature et défenseurs des valeurs écologiques.
L’heure de l’écotourisme
L’écotourisme est un concept qui a les faveurs des médias, des bureaux d’étude et de l’administration depuis au moins deux décennies.
L’émergence de ce concept est la conséquence d’un certain nombre de dérives du tourisme de masse, quasi anarchique, obéissant à la seule règle de l’offre et de la demande via les agences de voyage et les tour operators. Le résultat sur le terrain n’a pas tardé à faire voir une
dommageable disjonction entre les besoins, bien légitimes, de récréation et de loisir, voire de villégiature, d’une part, et l’impact de cette activité humaine sur l’environnement, et particulièrement sur la partie vivante de cet environnement : le faune et la flore. L’activité humaine liée au tourisme et qui porte atteinte aux milieux naturels- y compris les sites « inertes » (grottes, gouffres, sommets de montagne, sables de plage et du désert,…)- n’est pas uniquement celle générée par les flux de touristes en déplacement, mais également celle représentée par l’installation d’infrastructures logistiques ou d’intendance liées au tourisme sur les endroits même où se trouve la « matière première » touristique, à savoir les sites naturels, les lieux de curiosité, les sites culturels ou cultuels dignes de visite,..etc,.
Autrement dit, l’un des principes de l’écotourisme est de savoir disposer intelligemment les infrastructures de séjour en dehors des circuits touristiques jalonnés par les sites de visite.
L’exception peut être envisagée pour les petites installations respectueuses de l’écologie (gites de montagne, min-auberges dans des massifs forestiers, avec des sentiers de randonnée bien identifiés dotés de guides).
Le respect de la nature et de l’environnement en général, ainsi que le souci de la fluidification et de la maîtrise des flux touristiques, commandent d’aller vers un découplage net des infrastructures de séjour avec les sites touristique.
Là où ces deux éléments sont confondus, la voie est généralement ouverte aux dérapages générés par les flux de visiteurs, à l’image des scènes vécues sur les sites des Parcs nationaux de Chréa, de Theniet El Had ou du Djurdjura.
En plaçant les infrastructures de séjour à l’écart des sites de visite (par exemple, dans les petites villes du piémont, qui vont bénéficier de l’impact commercial de ces installations), l’on pourra même conférer une dimension, voire une plus-value de « rusticité » et de caractère agreste à l’activité touristique par la multiplication des gîtes et le transport à traction animale (carrioles).
En installant des structures de séjour adaptées dans les villages des piémonts, cela constituera une incitation certaine aux populations rurales riveraines à développer leur économie en produits agricoles du terroir en produits d’artisanat, qui sont le pendant culturel de l’activité touristique sur les sites ruraux (forestiers ou montagneux).
A. N. M.