La découverte par les peuples d’Afrique des richesses naturelles, culturelle et humaines des différents pays composant ce continent de plus d’un milliard et demi d’habitants, est une belle perspective que l’actualité politique et économique du continent tend à installer dans un futur espéré raisonnable. Indubitablement, les échanges économiques d’investissement et la multiplication des transactions commerciales intra-africaines sont de nature à hâter ce mouvement en l’inscrivant dans une logique de connaissance mutuelle et de renforcement des liens humains.
Par Amar Naït Messaoud
Pour un certain nombre de pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, la camisole économique, financière et parfois militaire de la Françafrique est en train de s’effilocher à grands traits. C’est une occasion pour les peuples concernés, dans la foulée de leur autonomisation, de s’ouvrir sur les pays voisins et même sur les contrées les plus excentrées du continent.
En matière d’activité touristique en Afrique, le secteur, qui commence à émerger en tant que marché intra-africain et riche échange humain entre les pays du continent, représente plus de 21 millions d’emplois, quatre touristes internationaux sur dix sont africains, selon une évaluation faite par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) dans un rapport intitulé «le tourisme au service d’une croissance transformatrice et inclusive». Rapportée au seul espace subsaharien, cette évaluation fait état de deux tiers de touristes africains visitant la région sur l’ensemble des touristes reçus.
Le tourisme intra-africain semble ainsi prendre une nouvelle tendance, laquelle, peu à peu, infléchir la traditionnelle extraversion régnant dans ce secteur.
L’on se souvient lorsque l’écrivain et dramaturge Kateb Yacine déplora notre méconnaissance du continent africain, le nôtre. Il regrettait alors, c’était au début des années 80 du siècle dernier, lorsque le souvenir du 1er Festival panafricain de 1969 commençait quelque peu à s’oblitérer, le fait qu’il pouvait connaître les peuples et les hommes de culture d’Europe et du monde occidental en général, sans pouvoir jeter les passerelles directes avec des écrivains, des poètes ou des hommes de théâtre des pays africains voisins immédiats ou proches de l’Algérie.
De son côté, l’anthropologue sénégalais, Cheikh Anta Diop, estime qu’«il est indispensable que les africains se penchent sur leur propre histoire et leur propre civilisation, et étudient celles-ci pour mieux se connaître».
Les anciennes puissances coloniales s’étaient contentées d’exploiter abusivement les ressources naturelles des pays africains occupés et à réprimer toute velléité de résistance ou d’esprit d’indépendance.
En grande partie, ce sont justement les mouvements de résistance qui ont fait rapprocher les peuples africains entre eux depuis la fin des années 1950.
La révolution algérienne avait noué de solides relations avec les libérateurs des pays africains. Lors de la Conférence panafricaine de Léopoldville le 25 août 1960, les militants Omar Oussedik et M’hamed Yazid y furent présents avec des militants de la cause algérienne issus d’autres horizons, à l’image de Frantz Fanon et Serge Michel.
Par-delà les conflits et les migrations clandestines
Paradoxalement, c’est pendant le bouillonnement révolutionnaire de ces pays que le continent africain fit brasser les profils, les cultures et les espérances des peuples. Les solidarités dans l’entreprise de libération- même pour les pays où la décolonisation a eu lieu de manière ‘’pacifique’’- ont nourri l’idéal africain pour des peuples s’estimant inexorablement liés par le destin d’une communauté.
Les grands militants africains, à l’image de Nkrumah (qui participa, en 1945 déjà, au premier congrès panafricain), de Patrice Lumumba et de bien d’autres encore ont voulu donner sens au panafricanisme face aux tentations des anciennes métropoles coloniales de maintenir leur mainmise sur l’économie et la culture africaines, et face également à la présence coloniale qui persistait jusqu’au milieu des années 1970 pour certains pays régions du continent, à l’image de l’Angola et le Mozambique.
L’Algérie qui avait apporté son soutien à ces pays dans leur lutte anticolonialiste, les réunit à Alger dans le cadre de la 4ième édition de la Foire commerciale intra-africaine (IATF 25).
Outre les volets commerciaux liés aux échanges de produits et marchandises, dans le cadre de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) ou en dehors de celle-ci, le volet du tourisme africain impose aujourd’hui sa nécessité.
Les peuples africains sont appelés à se connaître autrement que par les conflits et les migrations clandestines. L’Algérie, en matière de position géographique, appartient, tout à la fois, au domaine méditerranéen et au domaine sahélo-saharien.
Les deux ensembles géographiques ont leurs dimensions africaines et, de ce fait, connu leurs heures d’échanges et de brassages continentaux qui ont contribué à l’enrichissement des cultures et de la mémoire africaines.
L’une des clefs les plus précieuses aujourd’hui pour favoriser les échanges touristiques- et, pour l’Algérie, de mettre en valeur son potentiel d’attractivité touristique-, c’est d’abord de convoquer la mémoire historique des échanges médiévaux entre notre pays et les pays de la profondeur africaine, particulièrement les pays du Sahel, à travers, par exemple, le commerce caravanier qui allait de Ouargla, Adrar et Tamanrasset vers Tombouctou, et même jusqu’au Soudan.
Par une lumineuse initiative, l’Algérie de réactiver avec certains pays du Sahel de valider le commerce du troc, dans un monde pourtant dominé par les payements bancaires et dans une zone encore écrasée par l’archaïsme du franc CFA.
C’est là une mesure, parmi tant d’autres, qui permettent le rapprochement des pays africains en dehors des anciennes tutelles coloniales.
Un continent, berceau de l’Humanité, à redécouvrir
L’Algérie a aussi inauguré, dès 1978, la route de l’Unité africaines (la Transsaharienne), destinée à relier Alger au Golfe de Guinée, sur le territoire du Nigéria. À ce projet, ont adhéré par la suite d’autres pays, ceux concernés par les « bifurcations » d’une route appelée à favoriser le commerce, les échanges humaines et culturels et le tourisme.
Outre le tourisme classique, destiné à la découverte du monde et à vivre des sensations fortes liées à la nature et aux curiosités culturelles dont regorge notre pays, entre l’Algérie et une partie de l’Afrique existe une relation spéciale, de caractère religieux, celle établie par la tariqa tidjania, dont la capitale est Aïn Madhi, à Laghouat, et les prolongements se trouvent en Afrique sahélienne et en Afrique de l’Ouest.
Un tourisme cultuel dessine, dès à présent, ses premiers linéaments, basés sur une histoire d’échange et d’allégeance très dense.
Ainsi, l’Afrique, berceau de l’Humanité, est appelée aujourd’hui à être mieux connue et revisitée par ses propres enfants sans aucune tutelle morale ou intellectuelle venant d’ailleurs.
Pour le cas de la destination Algérie, la question se posera sous peu de savoir comment faire évoluer les migrations clandestines actuelles- générées par la pauvreté, l’insécurité et les changements climatiques- en un puissant potentiel d’échange et de découverte des peuples des pays concernés.
L’Algérie offre, dans ce cadre, la diversité que peut permettre et dévoiler une superficie de 2,4 millions de kilomètres carrés ; des étages bioclimatiques bien distincts en progression latitudinale, une géomorphologie de montagnes, de plateaux et de plaines ; une présence humaine plongée dans l’histoire la plus reculée et ayant ses vestiges les plus prégnants aux portes de l’Afrique sahélienne (Tassili des Ajjers, le massif du Hoggar) ; une spiritualité accordée au rythme et aux valeurs de l’Africain du Nord, loin du zèle et de l’extrémisme,..etc.
A.N.M.
