En Algérie, la culture de la tomate sous serre s’est imposée comme un pilier stratégique de la production maraîchère, notamment dans les régions sahariennes. La wilaya de Biskra, véritable locomotive de cette filière, concentre une grande partie de la production nationale, grâce à ses conditions climatiques favorables et à l’essor de l’agriculture irriguée.
Synthèse Akrem R.
Toutefois, malgré un potentiel indéniable, la filière peine à atteindre une compétitivité durable. Le cas de Biskra illustre les défis multiples (techniques, économiques et organisationnels) auxquels font face les producteurs, freinant ainsi le développement de ce secteur à fort enjeu pour la sécurité alimentaire et les exportations agricoles du pays.
Dans son mémoire de Magister, présenté à l’Université Mohamed Khider, Mr. Rekibi Fouzi livre une analyse approfondie de la filière, en identifiant les contraintes majeures qui entravent sa compétitivité, allant du coût élevé des intrants à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée.
Le travail de terrain montre que les exploitations moyennes (entre 5 et 20 serres) dégagent les meilleures performances économiques, grâce à un bon équilibre entre maîtrise des coûts, rendement et organisation.
Mais au-delà de ce noyau dynamique, la majorité des exploitants doivent composer avec des charges élevées, une faible valorisation des produits et un accompagnement institutionnel quasi absent.
La main-d’œuvre, principal talon d’Achille
Parmi les contraintes les plus pénalisantes, la main-d’œuvre arrive en tête. Son coût absorbe près de 20 % des charges de production, et sa disponibilité reste problématique.
Les agriculteurs font face à un double déficit : quantitatif (pénurie de saisonniers) et qualitatif (manque de formation technique). En l’absence d’ingénieurs agronomes sur les grandes exploitations, la gestion technique repose souvent sur de l’empirisme.
La transition vers une gestion professionnelle est amorcée, mais le recours à des emplois précaires freine toute montée en compétences durable. Le travail sous serre, réputé pénible, manque d’attractivité, ce qui complique davantage le recrutement, surtout dans les régions enclavées.
Autre point noir : le coût élevé des intrants (semences, engrais, produits phytosanitaires). La tomate Sahra, dominante sur le marché, n’offre pas les rendements les plus compétitifs. Les variétés hybrides importées sont plus performantes, mais leur prix reste dissuasif.
Les agriculteurs minimisent parfois des opérations techniques cruciales, comme le traitement phytosanitaire, pour limiter les dépenses.
Le traitement contre la mineuse de la tomate, notamment, représente à lui seul plus de 6 000 DA par serre, illustrant la pression phytosanitaire constante et le besoin urgent d’alternatives plus durables.
Des infrastructures sous-dimensionnées
Le coût d’installation d’une serre (400 m² avec irrigation goutte-à-goutte) oscille entre 120 000 et 150 000 DA, ce qui freine l’extension des surfaces pour les petites exploitations.
À cela s’ajoute un faible rendement par serre, lié à une mauvaise maîtrise de l’itinéraire technique, du choix des semences jusqu’à la récolte.
Un cadre institutionnel peu incitatif
La majorité des producteurs sont locataires de terres agricoles, ce qui les exclut des dispositifs de soutien public (crédits agricoles, subventions sur les engrais, etc.). De plus, certains distributeurs refusent d’appliquer les aides existantes, aggravant la précarité économique des exploitants.
En somme, la compétitivité de la tomate sous serre à Biskra est bridée par un ensemble de facteurs combinés : coût du travail, pénurie de compétences, charges d’approvisionnement, faible rendement, et accès limité au financement.
Pourtant, l’Algérie dispose d’un avantage comparatif latent, que seule une refonte structurelle, accompagnement technique, soutien à l’innovation, réforme foncière, permettrait de concrétiser. L’heure est à la réflexion stratégique.
Dans une Algérie qui cherche à réduire sa dépendance aux hydrocarbures, la valorisation de cette filière pourrait bien faire partie de la solution.
A. R.