Le mildiou, dû à «Phytophthora infestans», reste la maladie la plus dévastatrice des cultures de tomate (Solanum lycopersicum L.), provoquant nécroses foliaires, pertes de fruits et mortalité des plants. En Algérie, où la tomate occupe le 4e rang des cultures maraîchères après la pomme de terre, le melon et l’oignon, la pathologie concerne aussi bien les serres hivernales que les champs d’été.
Synthèse Akrem R.
Ce virus continue de menacer sérieusement la filière tomate en Algérie. Cette maladie fongique, capable de détruire des récoltes entières, entraîne chaque année des pertes économiques considérables et un recours coûteux aux traitements chimiques.
Une étude récente, conduite par l’École nationale supérieure d’agronomie (ENSA Alger) et l’Université Saad Dahleb de Blida, apporte un éclairage décisif sur les stratégies à adopter pour limiter l’impact de ce fléau.
L’étude conduite par Sihem Belkhiter, Lyes Beninal et Zouaoui Bouznad (ENSA Alger, Université Saad Dahleb Blida) a évalué la réaction de trois cultivars (Marmande, Saint Pierre et Trakia) à quatre isolats représentatifs de ces lignées.
Les plants, cultivés en serre (20–25 °C), ont fourni, après neuf semaines, des folioles prélevées pour un test in vitro. Chaque foliole a reçu, face inférieure, une goutte de 20 µL d’une suspension sporangiée (5 × 10⁴ sporangies/mL) préparée à partir de cultures pures sur gélose de pois.
Les échantillons ont été incubés à 18 °C dans des boîtes de Petri humides, trois répétitions par isolat. Les chercheurs ont analysé le comportement de trois variétés courantes – Marmande, Saint Pierre et Trakia – face aux génotypes locaux du pathogène (EU\_13\_A2, EU\_2\_A1, EU\_23\_A1), identifiés dans les principales zones de production de pomme de terre et de tomate.
Des tests in vitro ont été réalisés sur des folioles détachées, cultivées en serre et inoculées avec une suspension de spores. Quatre indicateurs ont été suivis : délai d’apparition des symptômes (période d’incubation), délai avant la sporulation (latence), taille des lésions et production de spores.
Les résultats sont sans appel : Marmande, largement cultivé et apprécié pour ses qualités gustatives, s’avère le plus exposé.
Les premiers symptômes apparaissent dès le troisième jour avec certaines souches, les lésions atteignent jusqu’à 377 mm² et la production sporangiée culmine à près de 46 × 10⁴ spores/mL.
Saint Pierre présente un comportement intermédiaire, tandis que Trakia, variété moins diffusée, se distingue par une résistance nette : développement lent des nécroses, surfaces inférieures à 100 mm² et sporulation limitée à 16 × 10⁴ spores/mL.
Du côté des pathogènes, la lignée EU\_23\_A1 se révèle la plus virulente, capable d’attaquer tous les cultivars, alors qu’EU\_13\_A2, très agressive sur Marmande, reste plus modérée sur les autres. EU\_2\_A1, pour sa part, exerce une pression plus faible sur la tomate, confirmant des différences d’adaptation entre génotypes.
Ces enseignements dépassent le cadre scientifique : ils posent les bases d’une stratégie économique pour la filière. La tomate, quatrième culture maraîchère du pays après la pomme de terre, le melon et l’oignon, représente un maillon essentiel pour l’approvisionnement des ménages et des industries de transformation.
Chaque saison, le mildiou impose aux exploitants des traitements répétés, parfois inefficaces lorsque le climat favorise la propagation du champignon ou que de nouveaux génotypes apparaissent. Ces charges pèsent lourdement sur les marges, surtout dans un contexte de hausse des intrants.
Opter pour des variétés mieux adaptées aux populations locales de P. infestans peut réduire significativement ces coûts, tout en améliorant la stabilité des rendements. La diffusion de semences résistantes, combinée à un suivi phytosanitaire rigoureux, permettrait de sécuriser l’offre nationale en tomates fraîches et transformées, d’atténuer la volatilité des prix et de soutenir la compétitivité des exploitations.
Les auteurs insistent toutefois sur la nécessité de compléter ces résultats obtenus en conditions contrôlées par des essais en plein champ, afin d’intégrer l’effet des facteurs climatiques et des pratiques culturales. Ils appellent également à renforcer les programmes de recherche et de sélection variétale, ainsi qu’à sensibiliser les producteurs à l’importance du choix génétique dans la gestion des risques phytosanitaires.
Soutenue par le projet international PoH-MED, cette étude illustre comment la connaissance des interactions entre hôtes et pathogènes peut orienter des décisions stratégiques.
Dans un marché où la tomate génère des milliers d’emplois, du champ aux unités de transformation, sécuriser la production grâce à des variétés résistantes constitue un investissement durable, capable de réduire la dépendance aux fongicides, de protéger l’environnement et de consolider la valeur ajoutée de toute la chaîne.
A. R.