La guerre commerciale déclenchée par le président Trump, imposant de fortes taxes douanières sur les importations en provenance de la quasi-totalité des pays du monde, n’a pas épargné l’Algérie. En effet, les exportations algériennes vers les États-Unis seront soumises à des taxes douanières au taux de 30 %. Un des taux les plus élevés dans la région MENA. Cependant, selon nombre d’experts en économie, les conséquences n’en seraient pas énormes. Explications.
Par Akrem R.
Selon l’avis de ces derniers, en effet, ces nouvelles taxes n’auront pas un impact majeur sur les exportations algériennes d’une manière générale, d’autant que les exportations de l’Algérie vers les États-Unis ne représentent que 5 % du total de ses exportations. De plus, l’Algérie est largement excédentaire dans ses échanges avec les États-Unis.
Les échanges commerciaux entre les deux pays se sont élevés à 3,5 milliards de dollars en 2024. Pendant la même année, l’Algérie avait exporté vers les États-Unis pour environ 2,5 milliards de dollars de biens et en a importés pour 1 milliard de dollars.
En 2023, les exportations algériennes vers l’Amérique du Nord s’étaient élevées à 411 milliards de dinars (3,09 milliards de dollars), selon les chiffres de l’Office national des statistiques (ONS).
Dans le détail, l’Algérie exporte vers le pays de l’Oncle Sam des produits pétroliers (pétrole et gaz), du fer, du ciment, des pneus et des dattes, et importe principalement des produits industriels et certains produits agricoles.
Malgré ces droits de douane élevés, en outre, les experts soulignent que l’Algérie est capable de trouver facilement des marchés alternatifs, notamment en Afrique et dans l’Union européenne, où la demande pour ses produits est élevée.
Impact limité dans le court terme
Par conséquent, les effets de ces droits de douane sur les exportations algériennes ne devraient pas être importants dans un avenir proche, surtout que des produits compétitifs tels que l’énergie et le fer ne seront pas fondamentalement affectés. Dans ce contexte, l’expert en économie, Abderrahmane Hadef, a estimé que l’impact de ces tarifs douaniers, à court terme, sera limité.
Toutefois, à moyen et long termes, «les risques seront plus importants, notamment, à cause d’une perte de compétitivité des produits algériens émergents, une possible chute des prix du pétrole sur les marchés mondiaux, et une exposition accrue au dollar américain, devise dans laquelle est libellée la majorité des réserves de change de l’Algérie», souligne-t-il.
L’intervenant a souligné également le risque de perte de parts de marché pour les produits algériens en voie de diversification, Dans la mesure où ils deviendraient moins compétitifs face à des concurrents mieux positionnés, notamment dans l’agroalimentaire méditerranéen ou l’acier à bas coût.
À cela s’ajoute le risque de déstabilisation des revenus d’exportations «si les mesures protectionnistes américaines contribuaient à un ralentissement du commerce mondial et à une baisse de la demande en énergie, entraînant une chute des prix du pétrole et du gaz, principaux produits d’exportation de l’Algérie».
La diversification de l’économie nationale s’impose
Face à cette nouvelle donne géoéconomique, trois orientations stratégiques s’imposent, a recommandé Hadef dans son analyse de l’impact des taxes américaines sur l’Algérie.
En effet, il a suggéré l’accélération de la diversification des exportations vers de nouveaux partenaires et secteurs avec une politique d’attractivité des investissements directs étrangers (IDE) plus audacieuse ; le rééquilibrage du panier de devises pour sécuriser les avoirs extérieurs et enfin le renforcement de la diplomatie commerciale et des capacités de négociation économique.
Pour conclure, l’intervenant a indiqué que cette décision américaine agit comme une alerte stratégique pour l’Algérie, qui doit accélérer sa transformation économique pour réduire sa dépendance aux hydrocarbures et s’adapter à un environnement commercial international plus volatil et fragmenté.
Pour sa part, Nemouchi Farouk, Docteur d’État en sciences économiques, a affirmé que les conséquences directes de cette taxation sur l’économie nationale ne devraient pas susciter de sérieuses inquiétudes, puisque les produits exportés par l’Algérie à destination des USA représentent 5,9 % du volume de ses exportations.
Dans un post publié sur son réseau «LinkedIn », Dr. Nemouchi a, toutefois, mis en garde contre les conséquences de ces taxes sur l’Algérie à moyen et long termes. Il a estimé, par ailleurs, dans son analyse, que l’Algérie risque de souffrir d’effets collatéraux qui se situent à trois niveaux.
Effets collatéraux ?
Le premier, dira-t-il, c’est une récession économique mondiale qui aura pour résultat une baisse du prix des hydrocarbures et donc une diminution de nos revenus en devises.
Le deuxième est une guerre commerciale qui va entraîner des ripostes et contre-ripostes et, au final, une hausse effrénée des prix mondiaux, ajoute-t-il.
Quant au troisième impact, c’est une guerre économique qui découle de la remise en cause de l’un des piliers fondamentaux de la mondialisation économique, à savoir, les chaînes de valeur mondiales (CVM).
«Les CVM désignent la fragmentation internationale des processus de production dans un but de réduction des coûts à travers des politiques de délocalisation industrielle dans de nombreux pays. En mettant en place une politique commerciale sévèrement protectionniste, le gouvernement américain risque de provoquer une réaction en chaîne se traduisant par la hausse du coût des consommations intermédiaires qui composent le bien final», détaille Dr. Nemouchi.
Enfin, la quatrième conséquence des taxations douanières est une guerre des monnaies engendrée par la tentation pour de nombreux gouvernements de recourir avec plus de force aux politiques de dévaluation compétitive pour compenser les pertes de parts marché induites par les nouvelles taxes douanières.
Pour lui, les éléments de réflexion proposés dans cette analyse visent à «susciter une prise de conscience des grands enjeux économiques et anticiper les grands chamboulements économiques qui pointent à l’horizon».
A. R.