L’économie de la connaissance et de l’innovation, un créneau sur lequel l’Algérie table afin de diversifier son économie. Toute une stratégie est, à cet effet, déjà en place afin de développer ce secteur en retard dans notre pays par rapport au reste du monde, notamment en Afrique.
Par Akrem R.
En effet, depuis 2020, le gouvernement est entré dans course contre la montre pour baliser le terrain aux jeunes génies, à travers l’élaboration d’un cadre juridique «idoine» pour l’émergence d’un tissu de sociétés innovantes connu sous le nom « startups» et, également, les mécanismes pour le financement de ces projets. Toutefois et de l’avis d’experts, beaucoup reste à faire, notamment en matière d’écosystème, nécessitant l’implication de plusieurs secteurs et acteurs.
Selon les derniers chiffres rendus publics, plus de 5 000 demandes ont été recensées en 2022, dont 1 100 ayant déjà obtenu le label « Startup», ou celui de projet innovant, a fait savoir, hier, la directrice chargée des incubateurs au ministère de l’Economie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, Arhab Nassima.
Sur ce point, l’intervenante qui s’exprimait sur les ondes de la radio nationale «Chaîne I» a précisé que la labellisation d’une startup nécessite un certain nombre de conditions, à l’instar de l’innovation, sa forte croissance et son apport pour l’économie nationale. C’est dire que le porteur d’un projet innovant n’est pas automatiquement éligible à un financement du «Fonds algérien des startups».
L’ASF fait de la sélection dans le financement des startups
Selon la même responsable, un nombre important de startups a déjà bénéficié d’un financement. Elles sont en activité et contribue à la croissance de l’économie nationale, en commercialisant leurs services et produits.
«Le fonds algérien d’investissement (ASF) fait de la sélection dans le financement de ce genre de projets innovants, en adaptant le mécanisme du capital-risque comme approche. Ceci s’explique par la contrainte du risque. C’est pour cela que beaucoup de projets innovants et startups sont toujours dans l’attente d’un financement», a-t-elle dit. Arhab Nassima a, en outre, expliqué que les startups labélisées n’ayant pas encore bénéficié d’un financement, doivent s’adapter à la demande du marché afin d’en bénéficier de la part d’ASF.
Les financements passent par « une matrice de prise de décision » avec plusieurs conditions, principalement la réactivité du marché avec les spécificités du service proposé, la capacité des porteurs de projets à le développer, mais aussi, l’aptitude de l’idée à évoluer sur le court terme, en plus d’une marge bénéficiaire au profit de la start-up.
Il est à noter que le Fonds de financements des start-up a financé, jusqu’à décembre 2022, plus de 80 startup algériennes portant le label « projet innovant » et le label « start-up ». Le Directeur général du Fonds, Hachani Okba a noté que, depuis la création du Fonds en octobre 2020, un total de 350 demandes de financement ont été examinées, soit, entre 20 à 25 dossiers par mois.
Le privé appelé à investir dans ce domaine
Il propose trois possibilités de financement, en fonction du type de la start-up concernée, à savoir un financement jusqu’à cinq millions de DA, comme seuil maximal pour les start-up qui viennent de se lancer, un autre financement dédié aux start-up déjà existantes, qui s’élève à 2 milliards de DA, et le dernier est réservé aux start-up plutôt matures, pouvant bénéficier d’un financement allant jusqu’à 15 milliards de DA maximum.
Questionnée sur la possibilité d’atteindre un million de startups et projets innovants en 2023, la directrice chargée des incubateurs s’est montrée optimiste : « Oui c’est possible, notamment avec la création du régime de l’auto-entrepreneur». Ainsi, elle a appelé à l’implication du secteur privé dans le financement de ce genre de projets innovants créateurs de richesse et de valeur ajoutée. D’ailleurs, dans la Loi de finances 2023, des incitations et abattements fiscaux sont accordés aux entreprises qui encouragent l’innovation, les startups et la recherche scientifique. Le ministre de l’Economie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, Yacine El Mahdi Oualid, a fait savoir, jeudi dernier à Alger, que le secteur visait le renforcement des dépenses et du développement afin d’atteindre 3% du PIB dans 5 ans contre 1% actuellement. Pour atteindre cet objectif, le ministre a rappelé que la loi de finances 2023 prévoyait des mesures « très incitatives » concernant les domaines de la recherche, de développement et d’innovation.
S’agissant de l’entrepreneuriat, il est institué un impôt forfaitaire unique (IFU) à hauteur de 5 % pour les activités exercées sous le statut de l’auto-entrepreneur, avec plafonnement du chiffre d’affaires à 5 millions de DA, précise le ministre.
A. R.
Ishak Kherchi, expert en économie: « Il faut renforcer l’écosystème des startups»
L’expert en économie, Ishak Kherchi a indiqué que le secteur en mesure d’apporter un plus pour l’économie nationale, est celui des startups. Notre pays a fait, certes, un pas en avant dans ce domaine, mais « nous n’avons pas encore exploité toutes les potentialités existantes. Pour cela, il est plus que nécessaire d’élaborer une stratégie et une vision à moyen et court termes. Nous avons besoin d’une vision stratégique pour ce que nous voulons réaliser en 2023, 2024 et 2025», souligne-t-il. Pour l’enseignant universitaire, il ne faut pas se concentrer, seulement, sur le nombre de stratups créées. Le plus important, dira Kherchi, c’est que ces entreprises innovantes participent à la croissance du PIB national.
Pour cela, recommande-t-il, il est impératif de renforcer l’écosystème dans lequel évolue la startups. Actuellement, « nous avons seulement les conditions pour la création d’une stratup. Toutefois, ce genre de sociétés innovantes nécessite une série de conditions (inexistantes dans l’immédiat) pour leur réussite», ajoute-t-il. C’est pour cela, réitère Ishak Kherchi, que « nous avons besoin d’une vision stratégique basée sur les mécanismes d’appui à mettre en place pour le lancement et la réussite des startups».
En effet, un grand travail reste à faire afin de développer l’économie de la connaissance et des stratups dans notre pays. D’abord, il faut renforcer l’écosystème de ce secteur, nécessitant l’implication des autres départements et acteurs économiques. Le nombre d’incubateurs actuel est insuffisant. « Il faut aller plus loin. On doit aller vers la création de plus d’incubateurs, notamment, au niveau des universités (le bastion de la recherche)», suggère-t-il, en appelant, également, à l’élargissement de cette expérience vers le secteur de l’enseignement et de la formation professionnelle. « Il y a beaucoup de travaux de recherche dans ce secteur. Nous devons y créer des incubateurs en mesure d’apporter des solutions innovantes à l’économie nationale», a-t-il appelé. A tout cela s’ajoute la nécessité de créer d’autres accélérateurs. « Actuellement, il y a un seul accélérateur. Nous devons créer un accélérateur pour les universités et un autre pour les centres de la formation et enseignement professionnel», affirme-t-il. S’agissant des mécanismes d’appui, l’enseignent universitaire spécialisé dans le domaine de l’entrepreneuriat, a recommandé la création de plusieurs «FabLab». « Nous devons aller vers des partenariats entre les entreprises économiques (publiques et privées) et les chercheurs et innovateurs. Il est à noter sur ce point, que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avait ordonné d’associer les startups au développement des entreprises publiques», indique, Ishak Kherchi.
S’agissant de l’économie de la connaissance, notre interlocuteur a plaidé pour le recours à l’expertise des pays leaders dans ce domaine, à travers le transfert technologique et savoir-faire. « Nous devons donner toute l’importance à ce secteur afin de le développer davantage et de faire sortir notre pays de l’économie de la rente», conclut-il.
Propos recueillis par A. R.