Les déclarations du ministre de l’Agriculture et du développement rural, jeudi dernier, à l’Assemble nationale sur les subventions dédiées à l’alimentation destinée aux cheptels ovins a fait réagir d’autres catégories d’éleveurs, comme les aviculteurs et les producteurs laitiers.
Par Mohamed Naïli
Le premier responsable du secteur, Abdelhafidh Henni, vient de révéler, en effet, devant les députés, que le montant destiné à la subvention des quotas d’orge fournis aux éleveurs de la filière ovine s’élève à 6 milliards de dinars/mois, soit une facture de pas moins de 72 milliards DA annuellement. En quantité, cette subvention, calculée sur la base du nombre de brebis seulement dont dispose chaque éleveur, correspond à une ration moyenne de 18 kg/tête (brebis)/jour, à raison de 600 grammes d’orge/tête/jour depuis 2021, après avoir été auparavant de 300 grs/tête/jour seulement.
Interrogé sur ce point, M. Madjid Yahia, éleveur avicole affirme d’emblée : « L’aviculteur n’a d’autres sources d’approvisionnement que le marché libre et parfois les circuits parallèles ». Sollicité pour plus d’explications, pour savoir s’il bénéficie, éventuellement, de subventions indirectes, sans cacher sa déception, il dira : « L’éleveur de volaille n’a aucune subvention, ni directe, ni indirecte, sur l’aliment ».
Tout en décrivant une situation asphyxiante dans laquelle évolue une grande partie des éleveurs, du fait de la hausse spectaculaire des prix des intrants, cet éleveur spécialisé dans la production d’œufs (poules pondeuses) dans la région de Tizi-Ouzou, où il dispose d’une batterie de près de 20 000 poulettes en phase de production, regrette l’attitude des pouvoirs publics qui « ne regardent le producteur que pour le pointer du doigt sur la hausse des prix du poulet ou des œufs ».
Des prix excessifs sir le marché parallèle
Pour mieux illustrer l’ampleur de la crise qui affecte la filière dans la conjoncture actuelle, M. Yahia citera les prix atteints ces derniers mois par les différents produits intégrés dans la production de l’aliment de volaille, dont le maïs qui se négocie sur le marché libre entre 6 600 et 7 400 Da/quintal, alors que son prix en temps normal est de 2 500 DA, le soja a atteint la fourchette des 10 000 à 12 000 DA/q au lieu de 6 000 – 7 000 DA/q. Au sujet du soja, il regrette de telles hausses alors que ses fabricants locaux sont exonérés de la TVA, et ce « sans parler de la qualité du produit qui laisse à désirer ». L’autre produit qui suscite l’étonnement des éleveurs, ajoute M. Yahia, est le son que les minoteries sont chargées de céder à un prix fixe de 15 00 DA/q, alors que « nous devons le payer en 2ème ou 3ème main (auprès des revendeurs, ndlr) à 4 500 DA. Ce qui est anormal, c’est que le son est un déchet issu de la production de la farine et de la semoule, mais il coûte plus cher que ces deux produits ». Autant de facteurs qui font que, dit-il, « nous travaillons à perte depuis plusieurs semaines. Avec toutes ces hausses, le coût de revient des œufs est de 420 DA/palette de 30 unités, alors que sur le marché de gros, elle est cédée à 350 DA, ce qui nous fait une perte sèche de 70 DA ».
Les éleveurs bovins, eux, non plus, ne bénéficient pas de subventions directes sur l’aliment, ce qui les contraint à s’approvisionner sur le marché libre à des prix qui, parfois sont triplés, voire quadruplés, que ce soit pour l’aliment composé (maïs, soja, etc.) ou le foin.
Pour ce qui est de la filière ovine, dont l’effectif s’élève à près de 30 millions de têtes, nombreux sont les spécialistes en la matière qui s’interrogent sur les prix de la viande ovine excessivement élevés, atteignant les 2 000 Da/kg, malgré autant de subventions accordées aux éleveurs, alors que dans la production de lait, la contribution de cette filière demeure marginale.
Du côté des pouvoirs publics, en déclarant devant les membres de la première chambre du parlement, jeudi dernier, qu’une révision des rations distribuées aux éleveurs est en cours de préparation au niveau de son Département, le ministre de tutelle laisse-t-il présager un espoir de voir les subventions de ce type bénéficier à toutes les catégories d’éleveurs ?
Enfin, la régulation du marché des produits de large consommation passe inéluctablement par la redéfinition des objectifs de la politique des subventions destinées non seulement à protéger les prix des produits finis mais aussi et surtout des intrants et matières premières au profit des producteurs pour réduire les coûts de production, comme c’est le cas des subventions destinées à l’alimentation animale. M. N.