Les investissements étrangers dans le domaine des hydrocarbures semblent bientôt de retour. Le terrain est désormais balisé pour les compagnies étrangères activant dans ce domaine, notamment avec, incessamment, l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les hydrocarbures.
Akrem R
Le Président directeur général de Sonatrach, Toufik Hakkar, a annoncé avant-hier à Alger, que les derniers textes d’applications de cette loi, adoptés en 2019, seront publiés dans le journal officiel (JO), au plus tard, le mois d’octobre prochain. Toutefois, les responsables de Sonatrach et du ministère de l’Energie ont pris les devants, en engageant déjà des pourparlers bien «avancés» avec des sociétés et compagnies leaders dans le domaine de la prospection et exploitation des gisements du pétrole et du gaz. Le Pdg de Sonatrach qui s’exprimait au Forum de la Radio nationale, s’est montré, en effet, optimiste quant à la relance de l’investissement dans le domaine et le retour en force des compagnies étrangères en Algérie.
D’ailleurs, annonce-t-il, les premiers contrats, grâce à la nouvelle Loi sur les hydrocarbures de 2019, seront paraphés durant le premier trimestre de 2022. « Nous poursuivons nos négociations avec plusieurs compagnies étrangères pour booster l’investissement dans le domaine de l’énergie, en particulier en pétrole et gaz. Nous sommes également en pourparlers très avancés avec de nouveaux investisseurs et qui ont manifesté leur intérêt à venir s’installer en Algérie», a-t-il souligné, en affirmant que la nouvelle loi sur les hydrocarbures accorde des avantages importants, notamment sur le plan fiscal et également en matière de climat des affaires. En effet, l’investisseur étranger aura face à lui, un seul interlocuteur et partenaire: à savoir, la Sonatrach. Cette nouvelle organisation réduira d’un cran les contraintes administratives et bureaucratiques qui sont les premiers «ennemies» de l’investissement dans notre pays. « La Sonatrach sera le seul et l’unique partenaire de l’investisseur étranger», insiste-t-il.
Cette nouvelle loi qui propose trois types de formules de partenariats, à savoir, le «contrat de concession», «contrat de services à risques» et «contrat de partage de production», devrait mettre un terme à la traversée du désert qu’a connue l’investissement dans le domaine des hydrocarbures. Durant les 16 dernières années (depuis 2005), peu de découverts ont été réalisées en Algérie. Ceci a impacté négativement, les réserves nationales en pétrole et gaz. Les gisements en activité depuis pratiquement l’indépendance, ne sont plus en mesure de répondre aux besoins du pays, que ce soit en termes d’exportations ou de satisfaction du marché local. D’ailleurs, selon les chiffres officiels, l’Algérie avait épuisé près de 60% de ses réserves conventionnelles primaires. Le désintérêt des compagnies étrangères pour l’investissement dans les activités d’exploration pétrolière en Algérie, a entrainé une augmentation des investissements annuels moyens à la charge de Sonatrach. Selon Hakkar, 17 milliards de dollars ont été investis par la compagnie nationale, elle seule, durant les 16 dernières années dans le domaine de l’exploration.
Ainsi, le Pdg de Sonatrach a expliqué le recul de l’investissement étranger dans notre pays par la loi de 2005. En outre, concernant la période de 2019 à 2020, où les investissements étrangers ont connu une régression drastique, Toufik Hakkar, l’a expliquée par la crise sanitaire mondiale. « Même si les textes d’applications étaient fin prêts, les investisseurs n’étaient pas là », a-t-il affirmé, en indiquant que l’investissement mondial dans ce domaine a enregistré une baisse de 1000 milliards de dollars à cause de la crise sanitaire. Cette situation aura sans doute des retombées «néfastes» sur le marché pétrolier. Durant les trois prochaines années, « nous risquons de connaitre une crise en matière d’offre», prévient-il.
Questionné sur le climat des affaires et de l’investissement, d’une manière générale, le Pdg de Sonatrach a été catégorique, en affirmant que la situation n’est pas reluisante. Le climat de l’investissement n’est pas seulement des lois et des réglementations, mais c’est également des pratiques et circulation des capitaux, précise-t-il. Le gouvernement s’attèle sur la question et tente de remédier à cette situation contraignante, rassure, toutefois, M. Hakkar.
Hamza Boughadi, expert en économie : « La nouvelle loi sur les hydrocarbures va attirer de nouveaux investisseurs»
Nul ne peut dénier le fait que les choses se compliquent de plus en plus pour le secteur des hydrocarbures dans le monde, face à une montée de pression de la part de la communauté internationale sur la protection de l’environnement et la nécessité d’accélérer les processus de la transition énergétique vers un modèle de consommation rationnel et propre. Face à ces enjeux majeurs et à cette instabilité, l’Algérie se trouvait, dira l’expert en économie, Hamza Boughadi, dans l’obligation de s’adapter à ces conditions, en mettant en place un cadre réglementaire et fiscal incitative pour les investisseurs du domaine fossile. «D’où l’avènement de cette volonté d’élaborer une nouvelle loi qui peut répondre aux attentes des investisseurs, peut motiver pour des investissements lourds et risqués», a-t-il souligné dans une déclaration à Eco Times.
En effet, la souplesse et l’adaptabilité apportées à la nouvelle loi, va certainement attirer de nouveaux investisseurs étrangers pour des raisons pragmatiques. La première, explique l’intervenant, est liée à la position géographique de notre pays et également, à la stabilité politique et sécuritaire. A cela s’joutent, l’expérience et le savoir-faire acquis par l’Algérie dans le domaine énergétique et à sa bonne réputation.
S’agissant des avantages fiscaux accordés aux partenaires étrangers, conformément aux dispositions de la nouvelle Loi sur les hydrocarbures, Hamza Boughadi a indiqué que ces derniers «ne seront pas si néfastes pour le Trésor public, vu que la production va miser sur l’exportation, donc des revenus en devises, ce qui est contraire, par exemple, pour l’industrie automobile qui était destinée à la consommation local et s’approvisionnait sur le dos des réserves de change».
Ainsi, ajoute l’intervenant, la productivité dans le secteur pétrolier va permettre un rééquilibre de la balance commerciale déficitaire depuis 7 exercices, et va aussi, poursuit-t-il, permettre un ressourcement pour financer les ambitions de l’Etat pour diversifier son économie.
Abderrhamane Hadef, expert en économie: « Il est temps de penser à une loi sur l’Energie»
L’expert en économie, Abderahmane Hadef estime qu’au lieu de penser à réviser la Loi sur les Hydrocarbures, il est temps de penser à une Loi sur l’Energie qui doit s’inscrire dans la stratégie Nationale de transition énergétique.
Ainsi, il a appelé à l’implication des investisseurs étrangers dans la mise en place du programme du Mix énergétique et les obliger à participer à cet effort pour un développement et une exploitation des ressources équilibrée, rationnée et surtout durable. Ce dossier, dira notre interlocuteur, mérite un débat inclusif et la participation de nos meilleurs experts en Algérie et à l’étrangers. « Nous devons éviter les solutions d’urgence et travailler sur un programme qui nous permettra de préserver et, surtout, protéger notre environnement», a-t-il préconisé dans une déclaration à notre journal.
Par ailleurs, Hadef a estimé inutile d’amender des loi sans vision économique. « Je crois que l’inattractivité des investissements étrangers n’est pas seulement due à de mauvaises lois régissant les différents secteur économiques et celui des hydrocarbures en particulier. Il faut bien reconnaître que c’est tout l’environnement national des affaires qui n’est pas du tout propice et favorable au développement et à la prospérité de notre économie. C’est un problème structurel qu’il faut traiter avec objectivité et pragmatisme», a-t-il souligné.
L’expert a suggéré l’engagement de véritables réformes sur quatre thématiques bien définies qui sont : « Les système de Gouvernance (au niveau central et surtout Local) ; Le système financier (la gestion des finances publiques et la Loi sur la monnaie et le crédit) ; L’encadrement juridique de l’environnement des affaires et enfin, la mise en place d’une vraie diplomatie économique, vecteur de la meilleure image de notre pays auprès des partenaires».
Et de conclure : «Continuer à faire des ajustements à chaque fois et sous les contraintes, ne donnera que des signes d’une instabilité juridique chronique et qui aura comme conséquence, un désintéressement total pour de vrais projets de partenariats».
Propos recueillis par A. R.