La Fondation Club Avenir (FCA), fondée en 2002 par l’éminent Professeur Taïeb Hafsi, avec MM Ahmed Aina et Bachir Halimi, ne cesse, au fil des années, de reconnaître, récompenser et encourager l’excellence de la communauté algérienne et maghrébine établie au Canada. Pour l’année 2020, plus d’une dizaine de personnes ont été primées par cette fondation. Eco Times revient, à travers une série d’entretiens avec tous les acteurs ayant marqué et marquent actuellement cette organisation. Pour la présente édition, nous vous proposons un entretien avec le nouveau président du conseil d’administration, le professeur Sofiane Baba. Nous vous donnons également rendez-vous, dans nos prochaines éditions, avec Tina Sebti, présidente-directrice générale de la FCA ainsi que les membres fondateurs.
Entretien réalisé par notre correspondant à Montréal (Canada)
Salah Benreguia
Eco Times : Vous êtes nommé président du Conseil d’Administration de la Fondation Club Avenir. Pouvez-vous nous présenter votre organisme ?
Sofiane Baba : La Fondation Club Avenir (FCA) est une organisation philanthropique à but non lucratif qui valorise et récompense l’excellence des communautés algériennes établies au Canada. La Fondation est l’une des plus anciennes organisations algériennes au Canada, avec 19 ans d’existence. Les Fondateurs – Ahmed Aina, Bachir Halimi et Taïeb Hafsi – souhaitaient, au début des années 2000, contribuer à donner une plus grande visibilité aux réalisations remarquables de la communauté algérienne établie au Canada. À l’époque, les Algériens étaient encore peu nombreux au Canada et la société d’accueil ne semblaient pas réaliser leurs contributions au développement socio-économique du pays. C’est ainsi qu’ils se sont lancés dans cette aventure modestement. Les premières rencontres de la Fondation se tenaient dans le sous-sol d’une maison.
La mission de la FCA gravite autour d’un mot essentiel: l’excellence. Valoriser l’excellence de nos concitoyens algériens établis au Canada est notre mot d’ordre. Cela est resté inchangé depuis la création de l’organisation. Nous le faisons gratuitement et à titre purement bénévole sans aucun bénéfice financier, sinon la satisfaction de contribuer au développement de notre société.
Derrière cette ambition de valoriser l’excellence de la communauté algérienne d’ici résident deux objectifs complémentaires: rehausser l’image de la communauté algérienne au sein de la société d’accueil et impulser un cercle vertueux au sein de notre communauté en leur donnant des exemples de réussite. Ces exemples sont bien souvent le fruit de grands sacrifices et d’abnégation.
Quel rôle joue la Fondation Club Avenir ?
La Fondation joue un triple rôle de valorisation et d’encouragement de l’excellence de notre diaspora, de renforcement du tissu social, intellectuel et entrepreneurial, et de rayonnement de notre communauté auprès de la société d’accueil. Forte de ses réalisations, de sa constance et de la générosité de ses bénévoles, la FCA tient à poursuivre cette mission et renforcer son rôle.
Il existe de nombreuses autres organisations algériennes au Canada qui font un travail remarquable. Chacune à sa manière occupe un rôle essentiel dans l’épanouissement de notre communauté au Canada. D’ailleurs, il a parfois été reproché à la FCA de rester trop proche de sa mission de départ. C’est en réalité parce que nous avons l’intime conviction que la valorisation et l’encouragement de l’excellence sont des batailles qui doivent être menées. Les moyens d’y parvenir évolueront au fil des années, mais la mission reste à nos yeux, légitime. Les grands pays se sont développés grâce à leurs entrepreneurs: de Martin Luther King à Rachel Carson en passant par Bill Gates et Mohamed Yunus. Il nous faut valoriser et encourager ces entrepreneurs. À long terme, nous serons tous gagnants !
Finalement, je ne saurai trop insister sur le fait que la FCA se veut optimiste et positive: notre rôle est d’abord et avant tout constructif. Nous voulons construire avec nos concitoyens algériens d’ici et la société d’accueil. En encourageant l’excellence des Algériennes et des Algériens au Canada, nous contribuons aussi au renforcement des capacités de la diaspora algérienne, à même de contribuer au développement en Algérie d’une manière ou d’une autre. Contribuer à cet optimisme est pour nous clé et nous tirons notre plus grande satisfaction de l’optimisme et de la fierté que nous suscitons chez nos compatriotes, comme en témoigne le père de l’un de nos lauréats 2020: «Je tiens à vous féliciter pour la superbe organisation du gala virtuel, excellent travail… Je tiens à féliciter tous les lauréats et tous les bénévoles de la Fondation en vous souhaitant beaucoup de succès… J’ai suivi le gala à côté de mon fils avec beaucoup d’intérêt, je suis très fier d’être Algérien en écoutant l’intervention de tous les participants, le génie Algérien peut percer partout dans le monde, tout est à votre honneur.»
Pouvez-vous nous parler de vos différents évènements que la Fondation Club Avenir organise habituellement?
C’est en effet, à travers une série d’événements annuels que la FCA tente de réaliser au mieux sa mission. Deux événements majeurs sont à souligner: le Gala d’Excellence annuel et le Souper-bénéfice. Ce sont plus de 60 bénévoles dévoués qui consacrent généreusement de leur temps pour la réalisation de l’ensemble de ces événements qui font rayonner notre communauté algérienne auprès de la société d’accueil. C’est grâce à eux que la Fondation existe et nous ne saurons les remercier suffisamment.
Le Gala d’Excellence est un événement qui nous permet de dévoiler les lauréats des Prix d’Excellence annuels. C’est un événement qui se veut festif avec une cérémonie de remise des prix à laquelle contribue l’élite de la société d’accueil. Nous avons organisé 18 éditions et plus de 200 participants assistent régulièrement à ce Gala.
Le deuxième événement majeur est le Souper-conférence, qui est notre événement de réseautage et de collecte de fonds annuels. Chaque Souper-conférence est organisé autour d’une thématique particulière avec des panélistes d’horizons variés. La Fondation accorde une importance particulière à l’entrepreneuriat, qu’il soit économique, culturel, communautaire ou encore institutionnel. C’est souvent le thème retenu pour le Souper-conférence annuel.
La FCA organise également tous les ans des appels à candidatures pour l’octroi de bourses visant à financer la réalisation d’études jugées utiles à la communauté. L’objectif étant d’aller vers une représentation réelle de la communauté maghrébine au Canada et au Québec ; de mieux localiser les raisons des succès des personnes issues de cette communauté et des difficultés rencontrées dans les différentes sphères de leurs vies. À titre d’exemples, les études récentes ont examiné le portrait de l’entrepreneuriat de la diaspora algérienne, le tissu associatif maghrébin au Canada, et l’analyse des facteurs de réussites professionnelles des Maghrébins au Canada. À travers ces études, la FCA souhaite apporter à la communauté, aux nouveaux arrivants, aux institutions du pays d’accueil et des pays d’origine, des outils facilitant l’intégration sociale et professionnelle ainsi que la circulation des connaissances de part et d’autre de l’Atlantique.
Enfin, d’autres événements de moindre envergure comme des webinaires sont également régulièrement organisés par la Fondation pour souligner la journée internationale des droits des femmes ou encore pour marquer d’importants jalons dans le développement sociohistorique de l’Algérie.
Depuis 2002, la Fondation Club Avenir organise un concours annuel permettant de récompenser et d’encourager l’excellence des membres de la communauté algérienne établis au Canada. Cette année, en dépit des circonstances particulières (Covid-19), votre organisme a tenu à célébrer l’évènement, à travers une rencontre virtuelle, en présence des différents lauréats. Comment se fait la sélection des candidatures et sur quels critères sont-ils sélectionnés?
La pandémie nous a effectivement invités à revoir la formule de notre Gala annuel en 2020. Au-delà du format virtuel de ce Gala inédit, c’est aussi sa formule qui a été revisitée afin de permettre aux lauréats de relater davantage leur parcours pour le bénéfice des participants. Si le Gala est un moment clé pour la FCA sur une base annuelle, c’est notamment grâce au travail du Comité de Nomination et de Sélection. C’est l’un des nombreux comités de la FCA qui travaillent, bien souvent dans l’ombre, pour concrétiser la mission de la FCA. En l’occurrence le Comité de Nomination et de Sélection travaille durant environ 10 mois pour identifier les membres de notre communauté qui excellent et les accompagner dans le processus de mise en candidature.
La FCA attribue annuellement trois prix (Palme d’Or Club Avenir, Grand Prix Jeune Potentiel, et Prix Spécial Entrepreneuriat au Féminin) et six distinctions (personnalité exceptionnelle, réussite professionnelle hors du commun, contribution artistique hors du commun, contribution sportive hors du commun, service communautaire hors du commun, service média communautaire hors du commun). Les critères de sélection varient d’une catégorie à l’autre et l’ensemble des critères sont publiquement disponibles sur notre site Internet. Cela dit, de manière transversale, la FCA souhaite attribuer ces prix et distinctions à des personnes qui ont contribué à améliorer la capacité d’intégration des Canadiens d’origine algérienne dans leur pays d’accueil à travers leurs grandes réalisations et l’excellence de leur parcours.
Les membres du Comité de Nomination et de Sélection sont eux-mêmes rigoureusement choisis afin de respecter quelques fondamentaux: professionnalisme, transparence et rigueur. Plusieurs membres de ce comité sont souvent des lauréats qui ont eux-mêmes été récompensés, ce qui rend le processus plus légitime. Les bénévoles qui contribuent à ce comité s’y engagent pour une durée de deux ans, ce qui permet au comité de se renouveler continuellement. Enfin, il est à noter que le Comité de Nomination et de Sélection nomine les candidats et établit un classement préliminaire, souvent le fruit de débats et d’un vote. Le Conseil d’administration de la Fondation constitue ensuite un Grand Jury ad-hoc – composé de membres indépendants de la FCA – pour examiner et valider les choix proposés par le Comité de Nomination et de Sélection. C’est donc un processus transparent, rigoureux, juste et légitime.
On parle beaucoup de la diaspora algérienne vivant à l’étranger et de ses capacités à donner un plus aux efforts de recherche et de développement déployés en Algérie. Concrètement, quel apport pourrait donner cette diaspora à l’Algérie, un pays qui a toujours besoin de ses enfants?
Je pense que la réponse à cette question est claire comme l’eau de roche: l’Algérie peut bénéficier, et doit bénéficier, de l’aide de tous ses enfants, incluant ceux à l’étranger. Toutes les Algériennes et tous les Algériens établis au Canada que je connais souhaitent contribuer à l’Algérie. Il n’y a aucun doute là-dessus. Le problème, de mon point de vue, se situe davantage de l’autre côté de l’Atlantique. Il y a bien souvent de trop grandes barrières bureaucratiques et administratives qui découragent même les plus enthousiastes. La diaspora peut surtout être utile en co-créant des ponts permanents et constructifs de transfert de connaissances et d’expériences avec des concitoyens établis en Algérie. La diaspora à elle seule ne peut rien faire, car elle est bien souvent déconnectée de la réalité algérienne quotidienne. C’est donc un travail de collaboration: la diaspora doit nécessairement collaborer avec des acteurs locaux, chacun amenant sur la table des compétences variées et complémentaires.
Cela dit, il n’y a pas de recettes magiques pour le développement socio-économique, mais il y a des expériences qui ont mieux fonctionné que d’autres. À mes yeux, la diaspora algérienne au Canada peut contribuer au partage d’expériences positives dans une multitude de domaines, mais je prioriserai ici ce qui me semble être le plus urgent pour notre pays: la modernisation de l’administration publique, le développement d’un écosystème entrepreneurial durable, le renforcement des capacités entrepreneuriales et managériales de nos entrepreneurs et hauts fonctionnaires, le développement de nos institutions d’enseignement supérieur en valorisant davantage la recherche dans les sciences sociales et en particulier en management.
S. B.