Salaheddine Rira est expert-consultant, formateur et coach en management Ressources Humaines et Général Manager. Il a une expérience et une expertise dans le management opérationnel de l’entreprise spécialisée dans le management des Ressources Humaines en particulier (Management RH) l’exploitation et le contrôle d’entités économiques activant dans l’industrie automobile, hôtelière et d’autres secteurs d’activité (grande distribution, services…). Dans cet entretien, il nous livre une batterie de solutions liées à l’évolution de la formation professionnelle, en particulier dans le contexte de la numérisation et des métiers ayant trait à l’intelligence artificielle. Ecoutons-le.
Entretien réalisé par Zoheir Zaid
Ecotimes : Le temps passant, beaucoup sont devenus formateurs guettant le moindre besoin des formés. Mais comment séparer dans cette anarchie le bon grain de l’ivraie ?
Salaheddine Rira : L’émergence d’un grand nombre de formateurs, parfois dans un cadre moins structuré, où la qualité des formations peut être inégale. En effet, l’explosion des plateformes de formation en ligne et la diversité des acteurs privés ont rendu l’accès à la formation plus facile, mais ont aussi compliqué l’évaluation de la qualité des contenus et des compétences des formateurs.
Pour garantir le « bon grain de l’ivraie », trois actions sont, à nos yeux, nécessaires. La première « Certification et accréditation des formateurs » : il est essentiel que les formateurs bé- néficient de certifications ou d’accréditations reconnues par des instances officielles (par exemple, des organismes de certification professionnels ou des comités d’expertise sectoriels). Cela garantirait une certaine qualité dans l’enseignement.
La deuxième : « Normes et labels de qualité » : les formations délivrées par des entités privées devraient être soumises à des normes de qualité strictes. L’existence de labels certifiant la qualité des formations permettrait d’assurer que ces dernières répondent aux besoins du marché tout en garantissant des enseignements adaptés.
La troisième et dernière action que nous proposons est : « Suivi et évaluation continue » : une évaluation continue par des parties prenantes externes (par exemple, des experts du secteur ou des organismes de régulation) permettrait de s’assurer que les formations restent pertinentes et de qualité.
Les attestations délivrées par le privé ne sont pas forcément reconnues par le secteur public, donc pas admis dans les postes budgétaires de la Fonction publique. Comment y remédier ?
Vous soulevez un problème fondamental : la non-reconnaissance des attestations délivrées par le privé dans la Fonction publique. C’est un cas de figure qui peut conduire à une inégalité de traitement dans l’accès aux postes publics. Il y a plusieurs pistes à explorer pour y remédier : La « Création de passerelles et de partenariats publics-privés » : le secteur public pourrait créer des partenariats avec des entreprises privées et des institutions de formation certifiées afin de reconnaitre certaines formations spécifiques comme équivalentes à celles dispensées dans les écoles publiques.
Cela permettrait d’ouvrir l’accès à des formations pointues ou novatrices (par exemple en IA, en data science, etc.) tout en maintenant des critères de qualité rigoureux. Nous proposons aussi des « Réformes administratives pour intégrer les formations privées ».
Dans ce cadre, il est nécessaire de réformer les processus de recrutement de la fonction publique afin d’établir des mécanismes d’évaluation et de reconnaissance des formations délivrées par le privé.
Cela pourrait inclure des processus d’homologation ou de validation des acquis de l’expérience (VAE). Enfin, nous sommes pour le «Renforcement de la collaboration entre le privé et le public sur les formations en IA» : l’IA et la numérisation étant des domaines en évolution rapide, une reconnaissance plus flexible des formations privées dans ces secteurs pourrait être une voie pour garantir une montée en compétence rapide des agents publics, tout en favorisant une mise à jour continue des compétences.
Beaucoup de spécialités ont été introduites lors de la rentrée de la session de septembre de la formation professionnelle, mais moins celles liées à la numérisation. Qu’en pensez-vous ?
En dépit de l’introduction de nouvelles spécialités dans la formation professionnelle, celles liées à la numérisation ne semblent pas avoir la place qu’elles méritent, notamment lors de la rentrée de la session de septembre.
Cette observation est très pertinente, car la numérisation est un levier stratégique pour l’avenir du travail et de l’économie. Trois éléments expliquent pourquoi ces formations pourraient être sous-représentées et des solutions pour y remédier.
Le premier : « Pénurie d’infrastructures et de formateurs qualifiés » : la numérisation des formations demande une infrastructure adaptée et des formateurs ayant une expertise pointue. Si ces formations ne sont pas suffisamment représentées, c’est du au manque des ressources humaines et technologiques pour soutenir cette évolution à grande échelle.
« Accélération du processus d’intégration » en est le deuxième : la numérisation doit devenir une priorité dans les programmes de formation, notamment en matière d’outils numériques (programmation, cybersécurité, IA, gestion de données, etc.), mais aussi dans les métiers où la numérisation peut générer des transformations (comme dans l’administration, les secteurs de santé, la finance, etc.). Une révision des programmes de formation pourrait être mise en place pour répondre à ces besoins émergents.
Le troisième et dernier élément figurant dans notre proposition est : « Inclusion de la transformation numérique dans tous les secteurs » : la numérisation ne doit pas être vue comme un domaine à part, mais comme un processus transversal qui impacte tous les métiers.
Ainsi, l’introduction de formations sur les outils numériques ou les compétences liées à l’IA devrait s’étendre à des secteurs traditionnels, afin d’assurer la transformation numérique globale.
Les métiers liés à l’intelligence artificielle devraient être intégrés dans la nomenclature de la formation professionnelle. Quel est votre avis ?
L’intégration des métiers liés à l’intelligence artificielle (IA) dans la nomenclature de la formation professionnelle. En effet, cette démarche semble incontournable pour plusieurs raisons. Nous citerons « le besoin de structuration» : les métiers de l’IA, bien que diversifiés (data scientist, ingénieur en machine learning, spécialiste en éthique de l’IA, etc.), ne sont pas toujours bien définis dans les référentiels de la formation professionnelle. Les intégrer dans la nomenclature officielle permettrait de mieux les structurer et de faciliter l’orientation des parcours de formation pour les apprenants.
Il y a « l’alignement avec les besoins du marché » : la reconnaissance officielle des métiers de l’IA dans la nomenclature favoriserait une meilleure adéquation entre les formations dispensées et les besoins des entreprises. Cela permettrait également aux diplômés de mieux valoriser leurs compétences sur le marché du travail.
Le « Soutien à l’innovation » est aussi un élément à prendre en considération, et ce, à travers l’inclusion des métiers liés à l’IA dans la formation professionnelle, permettant de former des professionnels capables de concevoir, de gérer et d’évaluer des systèmes d’IA, en prenant en compte les dimensions techniques, éthiques et sociales.
Il y a également : « Amélioration des parcours de reconversion ». Il faut savoir que l’IA est un domaine propice à la reconversion professionnelle, notamment pour des personnes venant d’autres secteurs.
En intégrant ces métiers dans la nomenclature de la formation professionnelle, la disponibilité des parcours de formation adaptés et validés serait une chose acquise. En outre, cela facilite l’accès à ces métiers en pleine expansion. Enfin, nous sommes pour l’acte de sensibiliser largement les employeurs et employés sur le respect des données à caractère personnels conformément à la loi 18-07.
Z. Z.