Said Taflis est ingénieur polytechnicien et économiste à l’Université d’Alger, il est spécialiste des performances managériales et technologiques. Actuellement, Taflis est gérant de DEMAX EXPERT. Rencontré lors du Forum Algérien de la Maintenance Industrielle (FALMI), qui s’est tenu le 18 juin 2025, à Alger, Said Taflis qui fait partie du Comité technique du FALMI, qui, sous la houlette de Leila Ziouani et la Bourse Algérienne de Sous-Traitance et de Partenariat (BASTP), a pu réussir le pari de lancer le débat sur la quasi-totalité des aspects de la maintenance industrielle en Algérie.
Entretien réalisé par Zoheir Zaid
Ecotimes : Quelle est la place de la Maintenance Industrielle dans le contexte économique ?
Said Taflis : La croissance économique est intimement liée à une industrie pérenne soutenue par des facteurs de production fiables et performants.
Les managers sont souvent confrontés à un dilemme :
- produire en vue de satisfaire des commandes commerciales et tirer le maximum de profit
- disposer d’équipements en état de marche continu.
Réduire la maintenance industrielle à une simple fonction sous tutelle de la production engendre un antagonisme entre la production et la disponibilité ainsi que la fiabilité des équipements.
Facteur de continuité des activités de toute industrie et du fonctionnement durable du matériel, la maintenance ne pourra s’imposer, si elle n’est pas tributaire, sur le plan organisationnel et financier, de la production.
En effet, les managers dans la majeure partie des cas considèrent la maintenance source de dépenses supplémentaires, alors qu’elle contribue de façon directe à l’accroissement de la productivité et génère ainsi des gains significatifs par la réduction des pannes inopinées et l’immobilisation des équipements de production.
Maintenance industrielle, fonction ou métier ?
La maintenance n’est pas simplement une fonction dans l’organisation, mais plutôt un métier à part entière.
La maintenance industrielle joue un rôle important dans la productivité et la croissance économique. A cet effet, le concours de tous les acteurs concernés directement ou indirectement doit être pris en compte tels que les producteurs, les fabricants de pièces de rechange, les sous-traitants, les organismes de contrôle technique, les centres de recherche et de développement, les centres universitaires et de formation professionnels, les institutions à travers la promulgation de lois et règlements techniques, les organismes de normalisation et de certification, les assurances, ….
La maintenance industrielle repose également sur le cycle de vie et de durabilité d’un équipement. Qu’en pensez-vous ?
La vie d’un équipement repose sur les principaux cycles qui sont :
- l’acquisition,
- l’exploitation / usage,
- la mise à la réforme / destruction
Afin de garantir la pérennité et la durabilité d’un équipement, il y a lieu d’optimiser son exploitation en rapport avec les objectifs stratégiques en compromis avec les critères essentiels : accroître sa durée de vie, améliorer sa disponibilité et ses performances et réduire les coûts de défaillance, donc améliorer la productivité et les prix de revient,
A noter que lors de l’usage, deux éléments essentiels interviennent dans le coût de l’équipement, à savoir : le coût d’exploitation et le coût de maintenance.
Quelle est le rôle des compétences dans la maintenance industrielle?
Afin d’avoir une bonne stratégie de maintenance industrielle et un transfert de savoir – faire, il y a lieu d’assurer une formation appropriée ciblée en fonction du secteur d’activité en plus du cursus académique et professionnel ; réaliser un coaching rapproché par les équipementiers avec appropriation efficace du fonctionnement et de la maintenance de l’équipement ; disposer de poly compétences au regard de la multitude de spécialités auxquelles fait appel la maintenance industrielle. Mais pas que.
Il faut aussi garantir la capitalisation des connaissances à travers des solutions informatiques appropriées, telles que la digitalisation et la GED (Gestion électronique des documents) évitant ainsi la déperdition des acquis, et passer à la maintenance 4.0 avec digitalisation et numérisation des organismes.
La maintenance et la montée en compétences sont des aspects complémentaires et essentiels pour la réussite d’une entreprise.
En investissant dans le développement des compétences de ses employés, une entreprise peut améliorer sa performance, attirer et retenir les talents à long terme, et renforcer sa compétitivité.
La Normalisation : facteur de développement économique et commercial, Pourquoi selon vous ?
La normalisation a principalement comme objectifs le développement économique et industriel ainsi que les échanges commerciaux.
Plusieurs sociétés ou organisations de maintenance algériennes se sont ainsi mises à niveau par rapport à des normes en fonction des objectifs assignés par les décideurs et finissent par être certifiées ou accréditées.
La normalisation confère aux entreprises et les parties prenantes œuvrant dans divers secteurs, un langage commun, la standardisation des pratiques et méthodes managériales et techniques et facilite ainsi les échanges aussi bien au niveau national (par le biais des normes NA), régionales ou internationales (cas des normes ISO).
Toutefois, il y a lieu de prendre en considération comme exigences ; les textes législatifs et réglementaires applicables aux niveaux des marchés de destination, ce, outre les normes relatives au secteur d’activité concerné.
Qu’elle place pour la maintenance 4.0 en Algérie ?
La maintenance 4.0, également nommée « Smart Maintenance », adopte des technologies avancées telles que l’internet des objets (IoT) et l’intelligence artificielle (IA) dans le but d’optimiser les opérations de maintenance des entreprises. En exploitant les données, la maintenance 4.0 améliore la performance des machines industrielles dans plusieurs secteurs.
Elle repose sur l’intégration de technologies numériques comme :
- l’Internet des objets (IoT)
- l’intelligence artificielle (IA)
- le Big Data
L’IoT joue un rôle crucial en permettant la collecte de données en temps réel à partir de divers capteurs intelligents installés sur les équipements. Ces données collectées sont ensuite analysées pour détecter les anomalies et prévenir les pannes avant qu’elles ne surviennent.
Ces nouvelles technologies permettent :
- une surveillance en temps réel des équipements industriels,
- une maintenance prédictive pour éviter les pannes,
- une automatisation accrue des tâches de maintenance.
Des projets de smart maintenance sont déjà opérationnels ou en cours de mise en place dans certaines sociétés dans le domaine de l’électronique, l’électroménager, l’agro-industrie, l’industrie pharmaceutique et la plasturgie pour ne citer que ces exemples.
Néanmoins, plusieurs défis restent à relever à cet effet, cas de :
- généralisation de la fibre optique dans les zones industrielles et d’activités,
- protection des données dès lors ou le cloud virtuel se généralise de nos jours engendrant des pertes de données et de confidentialité,
- formation spécifique et mise à niveau des compétences et qualification requises au développement de la maintenance 4.0, collecte et exploitation des données y compris contre les cyber-attaques ;
- disposer d’une organisation garantissant des relations gagnant-gagnant entre la société et l’équipementier à même d’assurer l’accès aux solutions soft accompagnant l’équipement.
Quelles sont, selon vous, les principales actions pour rehausser l’intégration des technologies au service de la maintenance industrielle ?
La principale action est l’intégration de l’IA dans la maintenance industrielle, mais aussi l’impératif de posséder des logiciels spécifiques développés par des compétences locales.
Le rôle de l’analyse des besoins des entreprises, des bourses de sous-traitance et des pouvoirs publics, demeure primordial. Inclure les prérequis dans le cahier des charges et élaborer une cartographie des besoins sectoriels d’industrie 4.0, sont des actes à ne pas négliger également.
La collaboration entre acteurs de la maintenance industrielle passera par le renforcement des liens entre université et entreprise, la valorisation et concrétisation des résultats des recherches dans le domaine de la maintenance 4.0.
La mission régalienne de l’Etat, notamment par la mise en place du modèle de maintenance 4.0, le développement de la base de données de sous-traitants activant dans la fabrication de pièces de rechange, ne doit pas être sous-estimée.
Le recherche et développement (R&D) est un pilier pour faire épanouir la maintenance industrielle : orienter les startups vers les recherches sur des besoins des différents secteurs en matière de maintenance 4.0, et implanter la R&D au sein des PME/PMI pour booster la maintenance 4.0.
Par ailleurs, afin d’assurer la préservation des données, il faut optimiser la sécurité des données.
Z.Z.
