La vie économique et sociale algérienne, sous toutes ses facettes, est en train de vivre des mutations et des évolutions importantes qui impactent puissamment l’environnement et l’espace dans toutes leurs dimensions, si bien que les projections qui étaient faites, il y a une dizaine d’années, en matière de démographie, d’emploi, d’habitat, d’exploitations des ressources naturelles et d’occupation de l’espace se trouvent dans le besoin d’être réajustées et révisées. C’est une opération qui trouve son champ d’application dans le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT).
Par Amar Naït Messaoud
Ce dernier, institué par la loi de décembre 2001 relative à l’aménagement et au développement durable du territoire, a été adopté en 2010 en tant qu’instrument de planification spatiale équilibrée et d’exploitation rationnelle des ressources (foncières, hydriques, minérales…), avec une exploitation et une distribution intelligente et équitable de l’attractivité des territoires. Le document portant loi du SNAT est l’un des plus volumineux qu’ait dans l’histoire du Journal officiel (106 pages, avec cartes et graphiques).
C’est dire l’importance que revêt l’aménagement du territoire dans la vie du pays et de son économie.
Les enjeux auxquels l’aménagement du territoire de notre doit s’adapter sont sériés en trois axes majeurs. Il y a lieu, en premier lieur, la nécessité de «répondre aux déséquilibres de localisation de la population et des activités dans le territoire». Ensuite, «la mise en attractivité de nos territoires».
Ce volet s’appuie sur l’organisation des espaces de programmation territoriale (EPT), à l’échelle régionale, sur l’émergence des pôles d’attractivité (PA), et sur la création des Zones Intégrées de Développement Industriel (ZIDI) et des villes nouvelles «à partir desquels seront mis en œuvre les mécanismes qui permettront de diffuser la croissance sur l’ensemble du territoire». Enfin, troisième axe, il s’agit de travailler à «la préservation et à la valorisation du capital naturel et culturel de notre pays».
Le 12 mai dernier, dans le cadre de l’avant-projet portant actualisation du SNAT à l’horizon 2030, un workshop a été organisé sous le thème «Urbanisation et développement du territoire de In Salah- Tamanrasset».
À cette occasion, le directeur général de l’aménagement et de l’attractivité du territoire au ministère de l’Intérieur, Madjid Saâda a mis l’accent sur les zones du Sud et des Hauts Plateaux et la place qu’elles occupent dans la politique générale de l’aménagement du territoire.
Il dira que le Schéma national d’aménagement du territoire place ces deux zones géographiques, écologiques et humaines, constituant plus de 80 % du territoire national, «au cœur de sa nouvelle vision stratégique».
Il expliquera que la concentration de la majorité de la population au nord «engendre des problèmes de transport et de pollution, voire des risques naturels, d’où la nécessité de l’actualisation dudit Schéma pour mieux l’adapter aux défis actuels».
La révision du document du SNAT, à l’horizon 2030, constituera une opportunité d’accorder «une importance particulière au développement des wilayas du sud dans le but de réduire les déséquilibres régionaux et de rééquilibrer la répartition de la population», a indiqué Madjid Saâda.
Création de nouvelles wilayas : élément nécessaire mais non suffisant
Immanquablement, la gestion des territoires et des ressources prend aujourd’hui un sens plus aigu et plus expressif, du fait de la combinaison de plusieurs facteurs : nationaux, régionaux et mondiaux. La nécessité impérieuse de la diversification économique et de la garantie de la sécurité alimentaire, le devoir de faire face aux chamboulements géostratégiques régionaux et l’obligation de prendre en compte les effets de la mondialisation des échanges et de leurs corollaires, à l’image des pandémies, aujourd’hui devenues une réalité sanitaire complexe, sont là des éléments de la vie du pays et de son environnement immédiat ou éloigné, qui concourent à la réflexion sur une meilleure gestion du territoire.
Incontestablement, des distorsions demeurent entre les idéaux de l’aménagement du territoire et la situation sur le terrain en matière de répartition des populations et de l’habitat, de la gestion des ressources et des programmes d’équipements publics et d’investissement.
Si les objectifs d’équité régionale ont été toujours proclamés et mis en exergues par les autorités duu pays, il n’en demeure pas moins que des retards et des décalages affectent les équilibres territoriaux. Le président de la République en a fait état à plusieurs occasions au cours de ces interventions et visites.
La nouvelle division administrative, promouvant de nouvelles wilayas, est un élément nécessaire mais non suffisant pour approcher rationnellement la notion d’aménagement du territoire.
Le déficit d’équilibre de la répartition des activités économiques, des investissements, des programmes de développement et des grandes infrastructures est toujours là, malgré de grands efforts de rattrapage déployés dans cette direction au cours de ces dernières années.
Le SNAT, une « constitution » pour la cohérence et l’équilibre territoriaux
Par ailleurs, les grands principes directeurs de l’aménagement du territoire, établissant les vocations des espaces- agricole, touristique, pastorale, industriel…- ne trouvent pas encore toute leur expression sur le plan de la pratique institutionnelle de proximité, de façon à ce que les principes édictés par le SNAT deviennent des règles et outils pratiques et obligatoire entre les mains des gestionnaires locaux et des services techniques.
De même, l’hypercentralisation du processus de prise de décision, le faible pouvoir des élus locaux et des différents démembrements de l’État plaident mal pour la bonne gouvernance locale.
Les prochains codes de la wilaya et de la commune, actuellement en préparation, sont censés réduire certaines distorsions liées à la gestion des collectivités locales. Mais, il restera à faire l’effort de faire du Schéma national d’aménagent du territoire- avec ses déclinaisons d’espaces de programmation territoriale (EPT) et de plans d’aménagement de wilaya (PAW)- un instrument de gestion ordinaire d’où s’inspireront la politique budgétaire/fiscale, la politique de la ville et de l’habitat, de la gestion des ressources naturelles (forêts, espaces de pâturage, eau), la politique des énergies renouvelables…etc.
Les études relatives aux espaces de programmation territoriale se donnent pour objectif de «dégager les axes prioritaires d’intervention et d’équipement» des territoires considérés, «d’inscrire l’évolution maîtrisée» de ces régions dans « une véritable vision stratégique à l’horizon des vingt prochaines années ».
Il s’agit de « réorganiser » les territoires en vue de «dynamiser et pérenniser leur développement», par la mise en en cohérence des politiques de l’État et des collectivités locales en matière d’aménagement et de développement durable du territoire.
Comme, il s’agira également de « promouvoir une complémentarité économique, sociale et institutionnelle intra-régionale et interrégionale, concertée et volontariste », selon les orientation de ces études.
Quinze ans après l’adoption du SNAT, censé assurer, dans le cadre du développement durable, le triple équilibre de «l’équité sociale, de l’efficacité économique et de la soutenabilité écologique à l’horizon 2030», le temps est sans doute venu de faire du document du SNAT un bréviaire, une «constitution», dans chaque département ministériel, tout en assurant la connexion et les passerelles intersectorielles nécessaires à l’harmonie et à la cohérence générales de la gestion du territoire.
A.N.M.