Après que le président Abdelmadjid Tebboune eut évoqué, au cours de la dernière campagne pour les présidentielles du 7 septembre passé, la nécessité de la révision du code de la commune et de la wilaya, le gouvernement passe à la phase opérationnelle de ce projet, à savoir, l’installation, le 2 octobre dernier, de la commission chargée de la révision de ces deux codes.
Par Amar Naït Messaoud
La commission est présidée par un ancien chevronné des collectivités locales, Dahou Ould Kablia, ancien wali, à plusieurs reprises, et ancien ministre de l’Intérieur, assisté par le secrétaire général de la présidence de la République, Abdallah Moundji.
En 2018, une autre typologie combinant les deux codes a été entrevue pas le gouvernement, à savoir une loi qui prendrait le titre de « Code des collectivités locales ».
Les événements politiques ayant marqué notre pays depuis cette date avaient renvoyé sine die la révision de ces deux textes fondamentaux dans la vie des collectivités locales.
Aujourd’hui, le temps est venu de se pencher de manière sereine et responsable sur les textes législatifs et règlementaires devant régir la commune et la wilaya dans un contexte politique et socioéconomique nouveau, où le nombre de wilayas de plein exercice est monté à 58, mais gardant le même nombre total de communes (1541).
Les nouvelles perspectives entrevues pour la division administrative du pays tableraient sur une centaine de wilayas et l’augmentation du nombre de communes, avec- une probabilité à prendre avec des pincettes- la suppression des daïras comme structures intermédiaires entre la wilaya et la commune.
Les maux dont souffre la gestion locale ne datent pas d’aujourd’hui, et sont un secret de Polichinelle.
Les autorités supérieures sont les premières à se plaindre des retards et des déficiences de la gestion des communes et des daïras.
Les walis, représentant le gouvernement au niveau local, ne cessent de « réprimander » les maires, et même de suspendre ceux d’entre eux qui sont touchés par les poursuites judiciaires ou qui sont à l’origine du blocage du fonctionnement de la commune.
Les élus locaux peuplant les prisons pour corruption, violation des règles des marchés publics, parfois des affaires de droit commun- se comptent par centaines.
Sortir de la culture de l’assistanat
Les impératifs du cadre de vie des citoyens, de la gestion rationnelle de l’espace et des ressources, du développement local dans un pays de 47 millions d’habitants commandent de créer plus de dynamisme, de réactivité et de souplesse au sein des collectivités locales.
Il s’agit aussi, entre autres, de consolider les recommandations et les instructions des rencontres gouvernement-walis, par lesquelles le gouvernement compte inaugurer une nouvelle ère de la gestion des collectivités locales et du développement local, où les structures de base que sont les commues auront la charge du développement et de création de richesses, auront les moyens et la compétence de gérer les réserves foncières et le patrimoine communal (en lui réservant son sommier de consistance après inventaire complet) et de coordonner l’action et les projets des différents secteurs intervenant sur le territoire de la commune.
Naturellement, autant de missions au profit du développement local et du bien-être de la population ne sauraient être menées à bien sans l’ancrage juridique y afférent, à savoir les prérogatives des élus et de l’exécutif communal.
Cela fait bien des années que les experts e développement, des analystes de terrain, des académiciens et des élus eux-mêmes parlent et insistent sur la nécessité de revoir les mécanismes de fonctionnement des collectivités locales, y compris dans la partie relative au mode d’élection et de délibération du conseil communal afin de prévenir, voire de neutraliser les situations de blocage, comme c’est actuellement le cas dans des dizaines d’APC de notre pays, obligeant les pouvoirs publics, plus précisément le wali, à geler l’assemblée élue et de désigner un administrateur pour la commune, souvent en la personne du secrétaire général de la commune, et parfois, en la personne du chef de daïra.
Par ailleurs, les missions qui incombent aux élus locaux, tout en ayant toujours existé dans les textes, n’avaient pas pu être explorées et exploitées convenablement pendant toute la période de l’embellie financière permise par les recettes pétrolière.
En ces temps-là, le wali demandait des comptes à ses directeurs d’exécutif et à ses maires sur un seul point: le taux de consommation des crédits.
Et ce, dans la plupart des cas, quelle que soit la manière de consommer et la qualité des projets réalisés, si tant est qu’ils aient été réalisés.
Des maires avaient battu les records en matière de consommation de budget, au point de taper directement à la porte de la prison. Les exemples se comptaient par dizaines.
Passer au statut d’acteur responsable
Le résultat des courses, c’est cet état lamentable des infrastructures publiques et des équipements.
Ce sont ces dérives connues en matière de services publics, qu’il s’agisse de l’alimentation en eau potable, des réseaux d’assainissement, des services de la voierie, de l’hygiène et du cadre de vie général, des transports,…etc.
Aux collectivités locales, il est aujourd’hui demandé, non seulement d’améliorer ces services, d’en corriger les malfaçons et de les hisser au diapason des besoins des populations, mais également de créer une économie locale, d’attirer les investisseurs et d’initier le système d’autofinancement.
Ce qui n’a pas pu être réalisé pendant l’intervalle de l’aisance financière du début du 20e siècle, peut-il être réalisé aujourd’hui, dans une ère voulue comme celle de la rationalité financière et de la discipline budgétaire ?
Le gouvernement prend option pour cette nouvelle typologie, en la justifiant par la nécessité d’un développement basé sur l’initiative locale, l’équilibre régional et l’approche participative en intégrant la jeunesse et la société civile.
En même temps que la révision des codes de la commune et de la wilaya, il sera exigé aux élus et gestionnaires locaux de développer une autre culture politique qui mettra un terme aux pratiques bureaucratiques et de corruption.
Sans doute aussi, les pouvoirs publics seront amenés, à une échéance qui reste à fixer, à enrichir et à réviser d’autres textes législatifs afin de permettre de combler le déficit de formation et de mettre un terme à la centralisation excessive de la gestion des territoires et du processus de prise de décision,
A. N. M.