L’évolution de l’économie algérienne au cours des cinq dernières années appelle immanquablement une reconfiguration de ses partenariats avec l’étranger, que ce soit les pays pris individuellement ou bien les regroupements régionaux tel celui de l’Union Européenne. Il se trouve que, justement, ce dernier regroupement régional-entité politique et économique à la fois-, est le plus prégnant dans le partenariat de notre pays avec l’étranger. Signé en 2002 et entré en vigueur en 2005, l’Accord d’association Algérie-UE a vécu moult aléas liés à la configuration de l’économie algérienne de l’époque, dont le moteur exclusif était les ressources pétro-gazières, ce qui avait déteint de manière négative sur les bienfaits attendus par l’Algérie d’un tel partenariat.
Par Amar Nait Messaoud
Les nouvelles connexions commerciales de l’Algérie avec des partenaires extra-européens (Chine, Turquie…) ont également bouleversé la donne des relations économiques et commerciales avec l’Europe. Après une période d’observation -l’année 2020 était supposée être le moment de la création de la zone de libre-échange, suivie d’un certain « flottement », l’Algérie se dit prête à aller vers la révision de l’Accord d’association en lui conférant de nouvelles bases d’un partenariat-gagnant-gagnant.
Le président. Abdelmadjid Tebboune a affirmé, fin janvier dernier, que la révision de l’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union Européenne (UE) «ne résulte pas d’un conflit, mais vise à soutenir les bonnes relations entre l’Algérie et l’Union européenne en tant que partenaire économique sur la base du principe gagnant-gagnant», ajoutant que cette révision «s’impose au regard de la réalité économique actuelle, sachant que depuis son entrée en vigueur, en 2005, les exportations de l’Algérie étaient basées principalement sur les hydrocarbures, alors qu’aujourd’hui, nos exportations hors hydrocarbures se sont diversifiées et étendues à d’autres domaines, notamment la production agricole, les minerais, le ciment et les produits alimentaires et autres».
Une taxe pour arrêter la saignée
À partir de 2018, l’Algérie a établi quelques règles pour limiter les importations qui commençaient à peser sur les finances publiques et à faire fondre les réserves de changes.
Avec l’entrée en vigueur du droit additionnel provisoire de sauvegarde (Daps), touchant 1095 produits, on sort du régime du « contingentement » instauré par le gouvernement en 2016-via les licences d’importation visant à réduire la facture d’achat à l’étranger-, pour aborder le régime de la limitation d’importation par le moyen d’une taxe grevant les produits achetés de l’étranger selon la place que chaque produit occupait dans la hiérarchie des besoins de la société et de l’économie.
Entre ces deux régimes, par lesquels le gouvernement tenait à matérialiser sa volonté d’endiguer la saignée affectant les réserves de changes du pays, on est passé par une phase intermédiaire et éphémère, celle du régime de l’interdiction, consistant, pour les pouvoirs publics à dresser une liste de presque 900 produits interdits à l’importation. Cette procédure est abrogée de facto suite à l’instauration du Daps.
L’intention compréhensible et le souci légitime du gouvernement de réduire la facture des importations- dans un contexte, il faut le souligner, où la production nationale était loin de pouvoir suppléer aux opérations d’importation-, font face à deux réalités qui constituent une adverse fortune.
Il y avit d’abord la difficulté de l’appareil économique national à répondre favorablement au niveau des besoins de consommation de 43 millions d’Algériens.
Les investissements productifs diversifiés dont on parlait sans cesse au niveau de la haute administration, n’avaient pas encore atteint le rythme nécessaire pour réaliser cet objectif.
Ensuite, sujet dont on parle si peu, contrairement à la période du milieu des années 2000 où il posait réellement moins de problèmes : l’Accord d’association avec l’Union européenne, signé en 2002 et entré en vigueur le 1er septembre 2005, portant sur les abattements des droits de douanes pour des milliers de produits d’origine du territoire de l’Union européenne.
On a eu le loisir de constater que, curieusement, parmi toutes les « circonstances aggravantes » qui entouraient la crise des recettes extérieures à partir de crash du marché pétrolier de 2014, l’accent n’avait pas été suffisamment mis sur ces démantèlements tarifaires, sous forme de franchises douanières progressives- les listes sont établies annuellement- jusqu’à l’instauration de la zone de libre- échange, prévue d’abord en 2017, puis renvoyée à 2020, puis tombée dans les oubliettes.
Un euro exporté contre cinq euros importés
Le sujet avait été « rafraichi » par des opérateurs espagnols qui exportaient leur céramique vers l’Algérie, matière intégrée dans la liste des produits devant subir la nouvelle taxe douanière, le Daps, instauré par le gouvernement dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2018.
Ainsi, l’association espagnole des fabricants de carreaux et pavage céramique (Ascer) de la région Castillon (Espagne) avait qualifié cette taxe de « barrière » empêchant l’écoulement de la marchandise espagnole en Algérie, sachant que le marché de la céramique espagnole en Algérie représentait à l’époque la 4ème destination de ce produit à travers le monde, soit, par exemple, pour l’année 2017, une valeur de 123,4 millions d’euros, pesant d’un poids insoutenable sur les réserves de changes algériennes, outre le fait que la production nationale était pénalisée dans ses projets de relance et de développement.
Un tel sujet ne constitue, en réalité, qu’une infime partie, un épiphénomène, d’un grande enjeu du commerce extérieur algérien, handicapé par un patent déficit de la balance commerciale.
Avec l’Union européenne, l’Algérie entretenait une relation commerciale largement déséquilibrée, avec des importations en direction de notre pays qui représentaient près de la moitié du montant annuel des importations globales. En 2017, les achats faits à partie de l’Europe étaient évalués à quelque 20 milliards de dollars.
Les analyses des mouvements du commerce entre les deux entités établissait que, pour des exportations de la valeur d’un euro exporté vers le territoire de l’UE- dont l’écrasante majorité est constituée d’hydrocarbures-, l’Algérie en importait 5 euros.
Une révision qui s’impose
Déjà, en pleine aisance financière, entre 2005 et 2010, les autorités politiques, les gestionnaires de l’économie nationale et les experts algériens avaient eu l’occasion de déplorer les insuffisances grevant l’Accord d’association, et surtout le peu d’empressement de la parie européenne à concrétiser certains engagements en matière d’investissements productifs.
L’Algérie était vue comme un pays-continent, avec, à l’époque, une population de 35 millions d’habitants (47 millions aujourd’hui), qui avait acquis un pouvoir d’achat intéressant grâce aux recettes pétrolières. Dans ce genre de situation, les calculs mercantiles étaient faciles à établir.
La révision de l’Accord d’association, prévue au cour de l’année 2025, est destinée à rééquilibrer le partenariat économique et commercial avec l’Union Européenne sur la base d’une relation gagnant-gagnant, en tenant compte de la nouvelle architecture de l’économie nationale-plus diversifiée et ayant des ambitions à exporter des produits autres que pétro-gaziers- et en tenant compte également des autres partenariats qu’elle a établis déjà à travers le monde.
A.N.M.