Malgré de grands efforts déployés en direction des zones de montagne sur le plan du développement local (cadre de vie, infrastructures de base, soutien au secteur agricole,…), aussi bien dans les anciens programmes que dans le récent programme des zones d’ombre, des insuffisances et des retards continuent à grever ces zones qui, avec les deux Atlas (tellien et saharien), touchent 453 communes réparties sur 28 wilayas, selon l’arrêté interministériel du 16 mai 1993.
Par Amar Naït Messaoud
La loi du 23 juin 2004, relative à la protection des zones de montagnes dans le cadre du développement durable, apporte d’autres critères techniques qui permettent de mieux appréhender, sur le terrain, la notion de zone de montagne et les règlements de gestion, d’aménagement et d’intervention dans ces reliefs particuliers où vivent plus de dix millions d’habitants.
Sur la base cette législation, des études ont menées par le Centre national des études en économie appliquées (CENEAP) en vue d’une délimitation exacte des zones de montagne, avec la participation des sévices techniques des wilayas et des élus locaux.
Parmi les grands problèmes auxquels sont exposées les zones de montagne, figurent, en priorité, les phénomènes liés à la stabilité des sols, principalement es glissements de terrain et l’érosion hydrique. Ces deux phénomènes, avec les incendies de forêts, constituent un défi majeur pour les aménagistes, les gestionnaires des territoires, les responsables techniques et administratifs locaux et les élus.
Ce défi, avec ses déclinaisons ou ses variantes, s’est largement amplifié au cours de ces des deux dernières décennies en raison des changements climatiques à l’occasion desquels les températures moyennent de l’année augmentent, les journées ou les semaines caniculaires s’accroissent dans l’année, les pluies se raréfient et/ou subissent des bouleversements profonds de ré- partition sur les quatre saisons.
D’où un cycle végétatif (floraison, fructification) fort perturbé dans sa marche normale, l’amenuisement de la couche arable du sol (avec disparition des réserves organiques et minérales), la chute de rendements agricoles, la diminution de la biodiversité (biomasse, capital cynégétique), la menace sur les habitations et les infrastructures, etc.
Ce sont là, en définitives, des facteurs qui induisent la chute des revenus des foyers ruraux et les mouvements d’exode vers les villes.
L’érosion des sols de montagne, la fragilisation des talus de routes qui tombent en lambeaux boueux sur la chaussée dès les premières pluies de printemps, les inondations des agglomérations situées en aval de massifs montagneux, la perte de la valeur agrologique des sols dans les zones agricoles et l’envasement des barrages et retenues collinaires, tendent à devenir des fléaux chroniques dont la raison commune demeure la perte du couvert végétal (déboisement) en raison de plusieurs facteurs anthropiques dont les plus connus sont les incendies, l’urbanisation incontrôlée, les défrichements et les pratiques agricoles inadaptées (labours dans le sens de la pente, céréaliculture traditionnelle de montagne).
Dérèglement du régime des eaux
Le volume de pluies tombant sur un versant de montagne, particulièrement dans le contexte des changements climatiques où il peut pleuvoir l’équivalent d’un semestre en l’espace de 24 heures (comme ce fut pour la région de Bechar au début de l’automne dernier), crée un nouveau régime, destructeur, des eaux.
En effet, le dérèglement du régime des eaux, suite à la disparition du couvert végétal, montre ses effets les plus patents sur les terrains déclives (en forte pente), où se produisent différents types d’érosions : en nappes, linéaire, en griffes (ou rigoles).
Les villes algériennes situées au pied des massifs montagneux, même éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres de la source d’écoulement des eaux, ont bien connu, au cours de ces dernières années, le phénomène de la montée du niveau des eaux dans les cours passant par les quartiers ou situés en périphérie, jusqu’à inonder des maisons, des bâtiments, des routes et des places publiques.
Le phénomène se trouve combiné et amplifié, depuis quelque temps, avec la gestion approximative des canalisations, avaloirs, regards d’égouts, et par les centaines de tonnes de déchets, détritus et gravats qui obstruent le moindre passage naturel des eaux de pluies.
À cela s’ajoutent naturellement les constructions anarchiques, qui font fi des règles primaires d’urbanisme de façon à boucher tous les conduits pluviaux.
Au lendemain des années d’insécurité de la Décennie noire, la perte, par les incendies, de la couverture végétale, particulièrement les espèces forestières, sur les montagnes telliennes, été aggravée par la dilapidation des terrains forestiers par les opérations de défrichement, réalisées par des riverains de la forêt.
Ce qui avait ouvert la voie à des occupations illicites de terrains domaniaux. Là, on a vu des constructions s’élever (habitations, hangars, poulaillers arages d’ateliers,…).
Ce qui donna du fil ç retordre aux agents de l’administration des forêts dans leur mission de police forestière consistant à protéger le patrimoine forestiers et à réprimer les délits et toute forme d’atteinte à l’intégrité de ce patrimoine.
Programmes combinés pour la réhabilitation de l’espace montagneux
L’État, par le truchement de ses différentes structures déconcentrées sur le terrain (administration des forêts, directions de l’agriculture, Haut-commissariat au développement de la steppe,…) a fait de grands efforts, à partir du début des années 2000, pour mobiliser les fonds nécessaires pour le développement des zones de montagne dont les programmes, variés, se sont présentés sous différents intitulés : Projets de proximité de développement rural, programmes sectoriels, projets de coopération avec la FAO, la Banque mondiale, le FIDA,…etc.
Les projets, managés par des techniciens, consistent, en mettant le cap sur le grand objectif qui est la restauration des terres de montagne, à combiner toutes les actions destinées à reconstituer les paysages ruraux de montagne à travers le soutien à l’arboriculture fruitière, les reboisements forestiers, les plantations pastorales pour restaurer les parcours (terrains de pâturage), la stabilisation des berges des cours d’eau par des seuils mécaniques (gabions) et des plantations forestières feuillues, la réfection/réhabilitation de réseaux de banquettes et gradins réalisés au cours des années 60’ et 70’.
Ces projets destinés directement à l’intervention- biologique et mécanique- sur les sols et terrains dégradés, sont prolongés et complétés par des actions de désenclavement des bourgades et des exploitations agricoles (ouverture et aménagement de pistes), mais aussi par des actions conçues au bénéficie des ménages ruraux tendus vers l’amélioration de leurs conditions de vie et de leurs revenus (mobilisation de l’eau par la réalisation de mares, le captage de sources, la construction de points d’eau, l’installation de canaux d’irrigation, la réalisation de puits ; soutien pour l’acquisition de ruches, de petits élevages,…).
L’intégration des ménages ruraux dans les actions de restauration de terrains de montagne s’avère une condition sine qua non de la réussite des projets, et cela pour deux raisons au moins : les habitants des hameaux éloignés de la montagne sont porteurs d’un savoir faire ancestral qui ne demande que d’être sollicité et encouragé pour qu’il éclose de nouveau et se combiner avec le avoir technique mobilisé par les pouvoirs publics ; ensuite, il est prouvé, à travers le monde, qu’une population qui voit ses conditions de vie et ses revenus s’améliorer, y compris dans le domaine de l’éducation et de la culture, est moins encline à dégrader son milieu de vie.
Au contraire, elle sera la partenaire de l’administration et des collectivités locales pour la protection et l’amélioration continue de l’environnement en général et de sa première source de vie, à savoir le sol, en particulier.
A. N. M.