Connus pour être férus d’automobile, les Algériens, qui attendent depuis de longs mois déjà la reprise des importations de véhicules, demeurent circonspects en attendant d’y voir plus clair. Et ce, en dépit des différentes mesures prises par les pouvoirs publics, ces dernières semaines, dans la perspective de donner un nouveau souffle à ce marché longtemps laissé entre les mains des spéculateurs de tout acabit.
Par Nadjib K.
Le ministère de l’Industrie, après plusieurs mois de gestation, a fini par ouvrir une brèche dans la perspective de reprise des importations, tant du véhicule neuf que celui d’occasion (moins de 3 ans). Le texte de la loi de finances complémentaire pour 2021, adopté et publié au journal officiel n° 44, met un terme au suspens longtemps entretenu, en autorisant l’importation des voitures de moins de trois ans. Parallèlement à cela, les conditions et les modalités d’exercice de l’activité de concessionnaire de véhicules neufs, étant validées, le ministère de l’Industrie vient d’inviter les prétendants à l’importation de véhicules neufs à déposer leurs demandes d’inscription au niveau du secrétariat technique du comité chargé du traitement des demandes pour l’obtention d’agrément.
Cependant, si sur le plan légal tout semble être «réglé», il demeure que l’on ne sait pas trop combien de temps faudra-t-il encore attendre pour voir le marché automobile reprendre son cours normal. Si pour les véhicules neufs, quelques semaines au moins sont nécessaires pour l’attribution des autorisations d’importation, il demeure que pour les véhicule d’occasion de moins de trois (3) ans, l’on est encore dans l’attente des textes d’application qu’on ne pourra espérer voir, qu’après l’installation officielle des nouveaux députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), et de là, éventuellement (si changement il y aura), le nouvel exécutif gouvernemental qui se penchera sur la question.
Ceci dit, et selon plusieurs initiés et connaisseurs de ce marché, «tout ce qui se dit maintenant au sujet des prix des véhicules, ou encore de l’impact qu’auront ces importations sur le marché national, n’est que spéculation».
Impact sur le marché local d’occasion
En ce sens, Nadir Kerri, journaliste spécialisé du marché automobile, estime que pour le véhicule neuf, l’impact devra être certain, puisque –du moins pour les véhicules d’entrée de gamme- «on devrait avoir des véhicules, dont la fourchette sera située entre 1.500.000 et 1.600.000 DA, ce qui va contribuer à réduire les prix des véhicules d’occasion sur le marché local». «Cette annonce de dépôt des dossiers, constitue un véritable séisme au niveau des marchés des véhicules d’occasion, dominés par les rabatteurs et autres “suceurs de sang”. Les véhicules d’occasion et autres, assemblés chez nous et qui se vendent à des prix faramineux, connaissent déjà un début de baisse des prix qui va s’effondrer dans les jours et semaines à venir.», prédit-il.
Toutefois, et tenant compte des conditions arrêtées, notamment, lors de la réunion du Conseil des ministres qui s’est tenue le 18 avril dernier, sous la présidence du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, la grosse cylindrée ainsi que le véhicule commercial ne seront pas à la portée de tous, et leurs prix à la vente ne risquent pas de connaitre une baisse. Il faut rappeler, à ce propos, que le chef de l’Etat a mis en avant «la nécessité de prendre en considération les normes de sécurité environnementale et les exigences d’approvisionnement du marché national de carburant, en vue de rationaliser l’importation de véhicules neufs», et insisté sur la cylindrée du moteur des véhicules importés par les concessionnaires et qui ne doit pas dépasser 1,6 litres, avec comme autre condition, «l’affectation d’un quota de 15% du total des véhicules importés aux véhicules électriques».
L’attente des Algérien risque d’être longue
Ceci dit, l’attente des Algériens risque d’être longue et le marché local d’occasion aura encore de beaux jours devant lui. Les raisons sont diverses : si la reprise des importations ne pourra avoir lieu, selon certains analystes du secteur, avant la rentrée sociale, il y a l’autre paramètre inhérent à la dévaluation de la monnaie nationale, qui fera bien la différence. En effet, plusieurs étapes, et pas des moindres, doivent être observées sur le plan procédural, ce qui ne manquera pas de retarder davantage l’échéance. La réglementation en vigueur fait que l’obtention des autorisations d’importation n’est pas une fin en soi, puisque les concessionnaires qui seront autorisés, «sont tenus d’importer des véhicules prototypes pour les homologuer au niveau de la direction des Mines de la wilaya où se situe le siège social de l’entreprise.». C’est à ce moment-là que le concessionnaire pourra ouvrir une ligne de crédit (LC), en déposant, pas moins de 120% de la somme représentant le premier quota d’importation. La mesure étant déjà décriée par certains prétendants à l’importation de par le poids qu’elle a sur leur trésorerie, elle ne demeure pas moins contraignante, tant il faudra encore attendre pas moins de 45 jours pour le transfert de la somme vers les comptes du constructeur comme l’exige une loi qui date de 2017. Puis, bien évidemment, après les vérifications d’usage, les fournisseurs procéderont à la fabrication des véhicules commandés ou d’engager les procédures d’embarquement, dans le cas où leurs stocks le leur permet. Selon les transitaires, la durée du transit, notamment pour les véhicules importés de Chine qui seront les plus présents sur le marché, il faudra compter entre 26 et 40 jours au moins. Ceci dit, si on décompte toutes ces périodes d’attente, et dans le cas où les autorisations d’importation seront attribuées au cours du mois de juillet prochain, les premiers véhicules ne pourront arriver en Algérie, qu’à partir de la mi-octobre dans les meilleurs des pronostics.
Le véhicule de moins de 3 ans n’est pas la panacée
Quant aux véhicules de moins de 3 ans, en plus de la procédure ainsi que des taxes douanières appliquées qui sont encore du domaine de l’inconnu, il faudra penser aux prix d’achat, sachant que des exigences en termes de qualité et de fiabilité, seront de mise. Si on prend l’exemple de la France qui est le marché le plus proche où les Algériens ont l’habitude de s’approvisionner, la moyenne des prix pour les véhicules de moins de 3 ans se situe entre 6000 et 12000 euros. Ainsi, et comme les Algériens de la diaspora ne sont pas autorisés à importer des véhicules en Algérie, et que seuls les résidents y sont autorisés, avec la condition de détenir des avoirs en devises sur leurs comptes bancaires nationaux, il ne faut pas se faire d’illusion quant à l’origine de ces euros : le marché parallèle. Ainsi donc, il faudra au moins une somme allant de pas moins de 1.200.000 DA à 2.500.000 DA, ce à quoi il faudra ajouter les coûts du fret et les taxes douanières applicables. Du coup, le véhicule d’occasion local gardera toujours la côte, tant que l’accès au véhicule importé, n’est pas assuré à des franges importantes de la population.
N. K.