Réouverture du marché des viandes rouges et blanches à l’importation : Quel impact sur la production nationale ?

En dépit des résultats positifs enregistrés ces dernières années par le secteur agricole, des filières à l’instar de celles des viandes rouges et blanches restent encore à développer davantage. La production nationale de ces deux produits, prisés par les ménages, notamment durant les périodes sensibles comme le Ramadhan, demeure insuffisante. 

Par Akrem R.

En effet, des déficits importants sont enregistrés sur le marché, dont la production nationale en viande rouge qui est de 10 000 tonnes, alors que la demande dépasse les 50 000 Tonnes. Une situation qui s’est répercutée négativement sur les prix qui connaissent une flambée sans précédent.

Le poulet est, ainsi, cédé actuellement à plus de 520 DA/kg. Quant à la viande rouge ovine, son prix a dépassé tous les niveaux en frisant les 2800 DA/KG. Idem pour la viande bovine qui frôle les 2000 DA/kg. Des prix qui reflètent une situation difficile et complexe que traversent ces deux filières avicole et viandes rouges. 

Une refonte et une réorganisation s’impose avec acuité afin de renforcer la sécurité alimentaire du pays. Les différentes stratégies mises en place par les pouvoirs publics ont montré leurs limites et n’ont pas abouti à mettre de l’ordre dans les deux filières dominées jusque-là par de petits éleveurs activant dans l’informel. 

Il est, donc, difficile de les contrôler et de déterminer les coûts de production, d’autant que la plupart des intrants sont importés. L’équation est donc difficile et le gouvernement doit adopter une approche pragmatique, en prenant en considération, à la fois, la préservation du pouvoir d’achat du consommateur et de l’appareil productive nationale.

C’est sur ces deux éléments que les pouvoirs publics doivent travailler et prendre des décisions adéquates. En clair, l’importation massive risque de casser l’appareil de production nationale et de mettre en péril notre sécurité alimentaire à long terme.

Selon l’enseignant-chercheur de l’institut national d’Agronomie (INSA), Ali Daoudi, le recours à l’importation doit être bien étudié et ne doit pas engendrer la casse de notre appareil de production. 

Pour lui, le recours au marché international n’est pas la solution idoine, prônant une réelle et efficace relance de la filière nationale. Cette dernière doit se faire sur une visibilité à long terme bien réfléchie d’autant que celle-ci est éminemment stratégique. 

«Le recours à l’importation doit être inscrite dans la stratégie globale de consommation de la viande rouge nationale tout en régulant les moments de crises de cet appareil», a précisé Daoudi dans une déclaration à la radio nationale « Chaîne III». 

Durant ce mois de ramadhan, rappelle-t-on, des quantités importantes de viandes rouges ont été importées et mises sur le marché à un prix plafonné à 1200 DA. Une décision qui a été prise lors d’un Conseil des ministres afin d’approvisionner le marché national et de sauvegarder le cheptel local. 

Investir dans la production d’aliments 

Les maux de ces deux filières sont connus. Le premier point de fragilisation est lié à l’alimentation de bétail. L’Algérie qui fait face aux effets du changement climatique, avec une pluviométrie en net recul, est contrainte de recourir de plus en plus à un marché international volatile  pour l’importation d’aliments de bétail et avicole (mais, soja et autres).

«Si on devait faire le diagnostic, largement partagé parmi les professionnels de la filière, le premier élément de fragilité essentiel demeure l’alimentation de bétail», déplore l’intervenant.

En plus, « nous avons un déficit structurel de plus en plus chronique en fourrage. En ce sens, tout est à faire pour développer les segments de la filière. Pour la développer, explique-t-il, il y a une marge de progression, mais très limitée.

Car, poursuit l’orateur, nous comptons un pays où les fourrages naturels sont de plus en plus rares ou les steppes sont en dégradation et nous subissons des sécheresses récurrentes, sous l’effet du changement climatique, qui empêchent la production des fourrages en parties cultivées dans des espaces irrigués.

Ainsi, l’importation est devenue, selon lui, un recours structurel systématique, citant en exemple le cas de l’orge et du soja, pour rendre disponible l’alimentation de bétail en général. « La filière algérienne est ainsi devenue bien intégrée dans le marché mondial par les intrants alimentaires pour le cheptel national ovins et bovins », déplore également l’analyste. Concernant la filière avicole, l’élément dominant est que cette filière de petite taille.     

Nécessité d’un accompagnement de l’Etat

L’autre impératif, de son avis, c’est d’élever les petits éleveurs avicoles au niveau des grands éleveurs qui pilotent la filière pour fonctionner selon les normes industrielles internationales tout en maitrisant les techniques de maitrise industrielle, selon un topo semi-intensif qui valoriserait éventuellement des produits locaux proposés à des prix abordables aux consommateurs locaux, à qui il faut un accompagnement et une valorisation de savoir-faire. 

«Il faut faire émerger des champions nationaux de tailles relativement importantes associés à des partenaires internationaux pour maitriser le modèle agroindustriel et faire des économies à l’échelle», préconise-t-il, insistant sur l’impératif de segmenter cette filière par la conversion de dizaines de petits éleveurs qui créent de l’emploi et de la richesse, entre semi artisanale et semi intensif, afin d’offrir une productivité améliorée en insistant sur la visibilité à long terme pour les producteurs. »

De même pour la viande rouge qui souffre de l’absence d’information concernant le nombre des producteurs et les besoins nécessaires par cheptel nous incitent, selon Daoudi, à réfléchir de manière sereine et efficace à une stratégie diversifiée qui prend, cas par cas, la chaine de valeur de la filière viande. Il est à rappeler qu’un recensement général du secteur agricole sera lancé incessamment au courant de ce premier semestre 2024.

Ce dernier est considéré comme étant un outil de collecte de données statistiques complètes sur le secteur. Et sur la base de ces données que des politiques vont être mise en place pour le développement des différentes filières agricoles.

A.R.

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