Aussitôt annoncée par le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, alors qu’il accompagnait mardi son homologue tunisien, Kaïs Saïed, à l’aéroport international d’Alger, la réouverture des frontières terrestres entre l’Algérie et la Tunisie à partir du 15 juillet prochain a suscité joie et satisfaction des touristes et professionnels du tourisme dans les deux pays.
Par Mohamed Naïli
Intervenue au mois de mars 2020, dans la foulée des mesures prises pour faire face à la pandémie de Covid-19, la fermeture de ces frontières est en effet vécue pendant plus de deux ans comme une décision aux lourdes conséquences sur le secteur du tourisme, non seulement en Tunisie, recevant des centaines de milliers, voire des millions, de visiteurs algériens annuellement, mais aussi en Algérie où des centaines d’agences de voyage se sont spécialisées dans l’organisation de circuits touristiques dans ce pays voisin.
Si, depuis le début du mois de juin dernier, des professionnels du tourisme en Tunisie multipliaient des appels pour attirer l’attention des autorités politiques des deux pays sur la nécessité de reconsidérer la décision de fermeture de ces frontières terrestres, c’est parce que les flux touristiques représentent un potentiel considérable.
Regrettant un manque de visibilité quant à la décision qui sera réservée à cette frontière, Sameh Jerbi, gérante d’une agence de voyages spécialisée dans le marché algérien, déclarait en juin dernier : « On a besoin d’une information claire, s’il y a ou pas une ouverture des frontières, pour pouvoir gérer notre situation, déjà ambiguë. On est tous sous pression. C’est pareil en Algérie, où il existe plus de 1 000 agences de voyages, dont une bonne partie travaille sur le marché tunisien. Depuis des années, on a investi sur ce marché pour essayer de le structurer, on a investi dans la main d’œuvre, dans les technologies pour recevoir un client dans de meilleures conditions. Mais malheureusement, aujourd’hui, tous ces efforts semblent vains. Il faut trouver une solution commune, sinon, ça sera la catastrophe pour les deux pays, c’est le purgatoire sans fin des agences de voyages ».
Il est utile de noter que les flux de vacanciers en provenance d’Algérie représentent une part importante sur le marché touristique tunisien. Selon la présidente de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie, Dorra Miled, sur les 9 millions de touristes qui ont opté pour la destination Tunisie en 2019, soit la dernière saison avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19, 3 millions sont algériens, soit un tiers des flux.
Regards braqués vers l’ouest
Pour l’année en cours, jusqu’à la fin juin dernier seulement, près de 55 000 touristes partis d’Algérie ont déjà été comptabilisés en Tunisie, venant ainsi en 4ème position derrière les Libyens (plus de 810 000), les Français (plus de 300 000) et les Allemands (57 000), selon l’Office tunisien du tourisme (ONTT).
Toutefois, bien que les frontières terrestres demeurent fermées depuis plus de deux saisons, les liaisons aériennes sont opérationnelles entre les deux pays. Néanmoins, les touristes algériens, dans leur majorité, privilégient la voie terrestre pour se rendre dans ce pays voisin. Selon les statistiques de l’Office tunisien du tourisme, 93% des vacanciers algériens qui se rendent dans les villes tunisiennes optent pour le transport routier, et ce, eu égard à la cherté des billets d’avion qui dissuadent une grande partie des touristes. Depuis le mois de mai dernier, les billets d’avion pour des trajets Alger-Tunis ont dépassé le cap des 60 000 DA, que ce soit avec Air Algérie ou Tunisair.
C’est pourquoi d’ailleurs, en l’absence de transport routier, les Algériens n’étaient que 6 500 à se rendre en Tunisie en 2021, ajoutent les statistiques de l’ONTT. Avec la décision de la réouverture des frontières terrestres entre les deux pays, les agences de voyages, tant en Algérie qu’en Tunisie, misent sur un net rebond des flux sur la destination Tunisie.
En outre, de nombreux témoignages de touristes algériens qui se sont rendus ces derniers mois dans des villes tunisiennes préviennent sur beaucoup de changement de la situation socioéconomique dans le pays de Kaïs Saïed. Avec la crise qui frappe de plein fouet l’économie tunisienne ces dernières années et aggravée par les deux années de pandémie, les prix de plusieurs prestations offertes aux touristes ont en effet fortement augmenté, notamment l’hébergement en hôtel, la restauration ou les transports.
Dans tous les cas de figure, depuis le début de la saison des vacances en cours, les professionnels du secteur du tourisme en Tunisie ont le regard tourné vers l’ouest. « La sortie du secteur du tourisme de la crise reste tributaire de l’affluence des touristes algériens et à la réouverture des frontières », déclarait il y a quelques jours Sobhi Saidi, responsable des SRAV (Sections régionales des agences de voyages tunisiennes).
M. N.