La problématique de l’inclusion financière et le rôle du secteur privé dans le financement de l’investissement, a été, hier, au centre d’un atelier organisé par le Conseil nationale économique, social et environnemental (Cnese).
Par Akrem R.
En effet, la bancarisation de l’argent circulant dans la sphère informelle, estimée à 10 000 milliards de DA (90 milliards de dollars), est une opération complexe et difficile. Des actions concrètes doivent être prises par les différents intervenants en passant des pouvoirs publics, Banque d’Algérie, institutions financières et notamment, l’adhésion de la population.
Il ya lieu d’abord, de mettre en place une stratégie nationale en y engobant tout le monde, a recommandé, hier, Habib Attia, un financier du Fonds monétaire arabe, en précisant que l’inclusion financière n’est pas le souci du ministère des Finances, ou de la Banque centrale ou du CNESE. Mais, c’est tout le monde qui doit être inclus dans la définition de la stratégie et dans sa concrétisation, indique-t-il. Et d’ajourer : « C’est un exercice qui peut prendre entre 6 mois à un an». En outre, précise-t-il, l’opération de l’inclusion financière sera lente et risque de prendre jusqu’à 5 ans pour commencer à avoir les premiers résultats. À cet effet, il faut commencer, en procédant à la mise en place des écosystèmes et ne pas se limiter seulement, à la révision du cadre réglementaire de la Banque d’Algérie (BA). L’autre axe sur lequel l’Algérie doit investir fortement, est dans la sensibilisation et la culture financière au sein des différentes couches de la société. « Nous devons accorder une importance capitale à l’éducation financière en développant des programmes pour les jeunes, les femmes, les chefs d’entreprises. Dans certains pays, des manuels sont mis en place dans les écoles», a détaillé Habib Attia. En clair, les banques algériennes sont appelées à faire leur mutation vers le digital, puisque, « on ne peut pas bâtir l’inclusion financière sans le digital».
L’intervenant a préconisé d’investir dans les nouvelles technologies et moyens de paiement innovant, à l’instar du E-mobil et paiement par internet. «Tous les ingrédients sont réunis. 4/6 des Algériens ont un Smartphone et avec une pénétration de 60% internet, l’Algérie peut facilement développer ses nouveaux modes de paiement. Il suffit juste de mettre au diapason notre système financier», a-t-il expliqué, en estimant que l’ère de la carte de crédit est presque révolue. Dans les 10 années prochaines, elle va disparaitre. À cet effet, il faut se focaliser sur les nouvelles technologies et solutions de paiement innovantes. D’ailleurs, indique-t-il, des leaders mondiaux, à l’instar de «Visa», pensent déjà à aller au delà des cartes de crédit. Actuellement, le système bancaire algérien propose des offres peu adaptées aux besoins des segments à faible revenu. Pour ce même intervenant, il est temps d’aller vers la création de la Banque postale. Algérie Poste possède un réseau dense et une base clientèle intéressante.
Par ailleurs, d’autres intervenants ont mis l’accent sur la généralisation de la finance Islamique qui reste un levier important de l’inclusion financière. Dans ce cadre, Boubaker yaki, du groupe de la Banque islamique de la région de l’Afrique subsaharienne, a recommandé de permettre aux banques classiques d’offrir les produits de la finance islamique à travers la mise en place des guichets islamiques ; de mettre en place des réformes pour capter les fonds à travers les haj saving scheme : cas de la Malaisie; émettre des sukuks pour le financement des infrastructures pour permettre à ceux qui sont réticents à la finance classique, d’investir leurs épargnes ; de développer l’industrie de l’assurance et de la réassurance islamique ; de promouvoir les entreprises de leasing et d’encourager les industries technologiques à se pencher sur les FINTECH islamiques.
Financement de l’investissement : Le Privé appelé à s’y impliquer
Le président du Conseil national économique, social et environnemental, Rédha Tir, a rappelé que l’organisation d’un atelier sur l’inclusion financière et le rôle du secteur privé dans le financement de l’investissement, vise la réconciliation des citoyens algériens et des opérateurs économiques avec les institutions financières du pays et contribuant ainsi à la relance économique et celle de l’investissement, sur lesquels s’attèle le Gouvernement.
Ainsi, ce rendez-vous est une occasion, dira-t-il dans son allocution, de partager l’expérience des différents opérateurs dans la perspective d’aboutir à une démarche consensuelle et pratique à même d’aboutir à l’amélioration du climat des investissements et à la relance économique. «L’objectif de transformer notre économie d’une situation de dépendance de la rente des hydrocarbures, dont les fluctuations des prix ont à chaque fois mis le pays en difficulté, à une économie plus diversifiée et plus résiliente, est une priorité des hautes autorités du pays, mais il ne peut pas être atteint qu’à travers une dynamique soutenue d’investissement et en particulier l’investissement du secteur privé», a-t-il souligné, en affirmant qu’il est temps que ce secteur privé ne compte plus, uniquement, sur le financement public. Le privé doit compter sur lui-même pour financer son propre développement, et ce, en plaçant les mécanismes adaptés, a -t-il plaidé, en soulignant que des sommes colossales, estimées à plusieurs milliers de dinars, circulent en dehors des canaux formels, notamment bancaires, et font perdre des opportunités importantes aux opérateurs économiques dans le développement de leurs affaires. Pour le président du CNESE, il devient donc impératif, au secteur privé, de s’organiser et de mettre en place, et en utilisant les instruments existants ou à innover, des mécanismes permettant le drainage des fonds oisifs vers les investissements à forts potentiels.
Dans ce cadre, il a rappelé, à titre d’exemple, que le cadre réglementaire des fonds communs de placement « FCP » mis en place depuis 1996, instrument, à l’instar des coopératives d’épargne et de crédit, ne semble pas être attractif et, de ce fait, de nouvelle pistes devraient être explorées afin de trouver la mécanique adéquate, à même de permettre d’organiser cette intermédiation financière entre les agents excédentaires et ceux ayant des besoins de financement. « Il est primordial que l’Etat, ainsi que les grandes entreprises publiques reviennent sur le marché pour la levée des fonds nécessaires au financement de leurs infrastructures/investissements, et ce, en recourant à l’émission de bons financiers pouvant contribuer au développement du marché et le rendre attractif», a-t-il énuméré. D’autres instruments, comme la Microfinance ou encore, la finance Islamique, comme industrie à part entière, peuvent également jouer un rôle important dans l’inclusion financière et le développement du marché financier, a-t-il conclu.
A. R.