Beaucoup d’encre a coulé ces dernières années, sur la problématique de l’harmonisation de l’exploitation des ressources hydriques en milieu naturel, mais la situation demeure la même, avec des retombées parfois néfastes qui opposent souvent les objectifs stratégiques de développement à ceux, purement écologiques, de la protection de la nature. A ce sujet, la sonnette d’alarme est tirée.
Par Lyazid Khaber
Au niveau du Djurdjura, l’une des plus importantes montagnes du nord du pays, la question se pose désormais comme une problématique qui appelle des solutions d’urgence. Le plan de gestion du PND (Parc national du Djurdjura), pour 2010-2014, en fait une priorité. Cela en dépit du fait que les autorités administratives, territoriales et/ou nationales semblent branchées ailleurs.
Les «gros sous» partent ailleurs, et les amoureux de la nature peuvent encore attendre des jours meilleurs. La raison de l’urgence est pourtant toute simple, à en croire certains responsables du parc national du Djurdjura. Les conséquences de l’exploitation anarchique de ces ressources risquent de s’avérer dangereuses sur les milieux naturels que compte le parc et sa zone périphérique. A ce niveau, on s’accorde à dire «qu’il est grand temps de revoir la politique d’exploitation des ressources hydriques au niveau de cette montagne», car ses ressources sont de plus en plus objet de convoitise. En effet, le Djurdjura, par ses précipitations importantes et ses sommets enneigés plusieurs mois dans l’année, est considéré comme «un important château d’eau de qualité».
Le nombre de sources recensées, qui est de 332 avec des débits allant de 0,01 à 424 l/s, est une autre raison qui accroît le nombre d’interventions des autorités locales dans la finalité d’assouvir les besoins des populations environnantes en matière d’alimentation en eau potable. A ce stade, il faut noter que nous sommes bien devant un fait accompli, puisque la majorité de ces sources ont été captées avant même la création de l’aire protégée.
Parmi les faits mentionnés comme étant à l’origine de cette menace, les rédacteurs du plan de gestion citent le mauvais choix dans l’exploitation des ressources hydriques disponibles. A ce niveau, ils notent que «les décideurs maintiennent l’AEP gravitaire à partir des sources existantes en majorité dans les territoires du Parc et de sa zone périphérique». Cela au moment où la majorité des sources ont des débits faibles. D’autres dont le débit est fort (comme la source noire à M’chedallah) ont été captées avant la création du Parc.
D’autre part, on retient le fait que l’AEP est gérée de manière anarchique. Cela s’ajoutant à la vétusté des réseaux causant ainsi des pertes considérables dues aux fuites. En final, un autre fait probant boucle la boucle de la dégradation des milieux. Il s’agit de ponctions d’eau à des fins industrielles.
Les responsables du PND sont catégoriques en déclarant que «nous sommes le seul pays au monde utilisant de l’eau potable à des fins d’irrigations et industrielles». En effet, certaines collectivités locales s’accrochent à certains créneaux, pourtant à faible rendement en main d’œuvre, tels que les unités de production d’eau de source, cela, qui d’après les rédacteurs de ce plan de gestion, «conduira inéluctablement à la raréfaction de la ressource et mettra ainsi en péril l’avenir de toutes les populations humaines et animales».
L. K.
Unités écologiques du Djurdjura
Le Djurdjura compte onze unités écologiques ayant été déterminées en fonction de leurs caractéristiques physiques et biologiques. Ce sont là des subdivisions naturelles plus ou moins homogènes de par leurs caractères physiques (nature du substrat, forme de relief, altitude) et biologique (couvert végétal, faune, etc.) parmi les plus importantes unités écologiques et autres groupements de végétaux, on cite, à titre d’exemple, la cédraie de Tala Guilef (Boghni), celle de Tikjda (El Esnam) ou encore la Chênaie verte des Aït Ouabane, constitués de généralement de peuplement pur en altitude et en mélange avec d’autres espèces en aval, à l’instar de l’érable de Montpellier, l’érable napolitain, chêne vert et chêne zen.
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Tissu floral
Le tissu floral du Djurdjura est tellement varié et diversifié qu’il en compte plusieurs espèces en adaptation avec la diversité climatique qui le caractérise. Ce dernier est, selon les différentes études effectuées, constitué par près de quelque 1242 espèces végétales regroupées en 84 familles. L’inventaire de ces espèces, dont au moins 140 sont rares ou menacées, ressort quelque 1100 espèces de spermaphytes (plantes qui produisent des graines) dont au moins 111 espèces médicinales. Ce à quoi s’ajoutent quelque 90 espèces de champignons et 52 autres de lichens.
Ces différentes espèces sont réparties sur 4 stations principales, à savoir la station à Laurus nobilis (laurier noble) de Tala Guilef, la station à Acer (érables de Montpellier et napolitain) aux Aït Ouabane ; la station à Pinus nigra mauritanica (pin noir) à Tikjda et en fin la station à Juneperus sabina (genévrier sabine) à l’Akouker et Issig.
Faune
En dépit des différentes recherches et inventaires faits jusque-là, la faune du Djurdjura demeure méconnue. Les éléments actuellement disponibles font état de l’existence de près de 398 espèces animales, dont 30 espèces de mammifères, 121 espèces d’oiseaux, 17 espèces de reptiles, 5 espèces d’amphibiens, 4 espèces de myriapodes (dont le corps est formé d’une tête suivie d’un grand nombre d’anneaux qui se ressemblent, ex : mille-pattes), 3 espèces de mollusques (invertébrés, ex : la limace) et enfin 218 espèces d’insectes. A noter que cette variété ne manque pas de contenir quelques curiosités qu’on ne trouve nullement ailleurs. Il s’agit, à titre d’exemple, de l’existence de 12 espèces de chauves-souris dont une, la Barbastelle, qui n’est connue que dans le Djurdjura.
Les causes de la dégradation
Certains actes d’agression contre la nature tendent à se généraliser au niveau du Djurdjura. Les différentes études effectuées ressortent un certain nombre d’atteintes ayant contribué grandement à façonner l’aspect naturel de ces contrées. Il s’agit entre autres, de facteur d’origine naturelle (érosions) et anthropique (humaine), dont on cite les défrichements, les incendies, le surpâturage et la surfréquentation des réserves naturelles par les humains. En plus de cette intense activité, le territoire est fortement mis à contribution par l’exploitation anarchique des ressources naturelles du Djurdjura par les riverains ; car dans leur for intérieur, ils sont convaincus que le Parc est un organisme spoliateur de leur montagne. Ce à quoi s’ajoute l’activité touristique considérée des plus intenses notamment avec l’installation en plein cœur de la réserve biosphère de structures touristiques, dont certaines sont érigées dans l’ignorance totale des normes de construction en milieu naturel.