Suite aux récentes crises alimentaires répétitives, on observe une tendance manifeste orientée vers des circuits de consommation garants d’une consommation de « prise de conscience » garante d’une alimentation durable, saine et sécurisante.
La région d’origine constitue alors un point de repère parmi d’autres pour le consommateur.
Elle serait, à ses yeux, une source possible en matière de sécurité alimentaire compte tenu de ses caractéristiques particulières susceptibles de lui garantir : typicité et originalité des produits et un circuit de vente clairement identifié associé.
Par (1) M’hamed MERDJI (2) Djamel GUEMACHE (3) Saida Iachouchen (*)
Une région d’origine protégée de plus par : une labélisation, un cahier des charges rigoureux, des organismes de contrôles qui en assurent la provenance des produits ainsi que la transformation et le conditionnement, ne peut que tirer vers le haut l’image de ses produits aux yeux de consommateurs de plus en plus frileux quant à leurs choix.
C’est le cas actuel de la figue séchée de Beni MAOUCHE, de l’olive de SIG et des dattes de TOLGA.
Cette crise sanitaire et le confinement associé dans plusieurs pays a conduit à une accélération des ventes électroniques couplées à une livraison la plupart du temps à domicile. Cette nouvelle donne pourrait éventuellement mettre en péril les marchés paysans traditionnels ou la vente directe, sans compter les risques de pratiques mensongères associés à une hypothétique région d’origine ou liés à la sécurité alimentaire (ingrédients dangereux, risques d’allergies, problème de contrôle de la fraîcheur et date limite de consommation, etc.)
Ce qui pourrait contrebalancer ce risque de dérive vers le e-commerce pourrait être dans un premier temps ce fameux concept de consommation responsable qui est le fruit d’un processus lié à l’évolution du contexte général du développement durable et de plus en plus en vogue en Europe et dans la plupart des autres pays.
Nous assistons à l’apparition d’un consommateur mutant qualifié aujourd’hui de
« consomm’acteur »et qui est en mesure de poser ses exigences pour une meilleure consommation qualifiée à son tourde « consomm’action ».
Nous avons affaire à un consommateur responsable qui prend en compte à la fois les considérations écologiques, économiques et sociales avant d’assumer son acte politique : acheter en restant en conformité avec ses valeurs.
Il a également conscience qu’il ne fait pas cavalier seul car il intègre dans sa réflexion l’intérêt collectif pour une meilleure protection de l’homme, de la terre et des générations futures et ce, de manière à assurer non seulement sa sécurité alimentaire mais également garantir la provenance des produits et la transparence de leur composition ainsi qu’une interrogation concernant le processus de production engagé (technique, environnemental et social).
Ce changement dans le comportement de consommation oblige de plus en plus les acteurs politiques, économiques ainsi que les organisations internationales à établir des cahiers des charges stricts et mettre en place une réglementation portant sur les produits consommables.
Cette consommation à la fois responsable et de masse justifie alors le succès de l’agriculture biologique et une « consomm’action » axée sur les valeurs d’éthique, d’écologie et de commerce équitable dans le calcul du producteur.
Les deux motifs : écologie et santé s’ajoutent probablement à d’autres, à savoir le refus de la tyrannie des marques qui imposent des styles de consommation ou certaines occasions de consommation quasiment programmées et parfois établis dans certains rites observés.
Les pratiques de la consommation responsable prennent parfois des orientations assez surprenantes tels que l’apparition de nouvelles catégories sociales comme celle des créatifs dits naturels, selon Ray et Anderson, qui consistent à respecter non seulement l’écologie et le bio mais également la médecine douce.
L’industrie agroalimentaire, si elle veut assurer sa pérennité, ne peut ignorer aujourd’hui que cette consommation dite responsable est classée selon trois catégories et trois niveaux d’exigences selon les types de consommateurs :
-tout d’abord la consommation réfléchie qui cherche à protéger à la fois les emplois et les métiers traditionnels mais qui préconise également de résister parallèlement au phénomène de la mondialisation,
-puis la consommation éthique qui veille, quant à elle, sur à la juste répartition des richesses,
-et enfin la consommation alternative qui se préoccupe des questions d’écologie et de protection de la planète.
L’Impact particulier de la région d’origine sur la sécurité alimentaire
Après les scandales successifs observés dans de nombreux pays, notamment en France, la sécurité alimentaire devient de plus en plus une préoccupation majeure des consommateurs.
Dans une économie de marché mondialisée, le marketing produit qui fait référence à la région d’origine peut constituer alors une stratégie viable et valable parmi d’autres lorsque l’on met l’accent sur le caractère local lié à des dimensions historiques et géographiques de manière à fabriquer une identité « produit » et rassurer ainsi le consommateur sur sa provenance pour le rendre ainsi identifiable et distinctif par rapport à d’autres.
A travers le monde beaucoup de produits correspondent à une région bien précise faisant office d’indicateur de qualité.
Un produit de terroir est donc lié à une zone bien identifiée par une zone géographique, dont le sol, le climat, l’altitude, la pluviométrie, sont des indicateurs d’appartenance d’un produit a une zone géographique bien précisés.
Pour rappel, plusieurs produits appartenant à la wilaya de Bejaïa sont identifiables justement au travers de leur région d’origine : la figue séchée de Beni Maouche est un produit labéliséqui correspond aux normes indiquées dans les cahiers des charges et validée par des organismes de contrôlefiables.
Mais la dimension géographique est insuffisante pour l’indentification d’un produit quand la dimension culturelle et historique sont absentes. Le sentiment d’appartenance, la sensation de vivre l’époque de ses ancêtreset l’hommage culturel aux grands-parents, le maintien de la culture et de l’histoire sont autant d’éléments qualitatifs supplémentaires qui entrent en ligne de compte. Le fait donc d’assurer un héritage assure une certaine typicité, fruit d’une construction sociale.
La région d’origine permet, au final, de garantir l’authenticité des produits, une certaine sécurité chez les consommateurs et une forme de reconnaissance de la typicité des produitsqui les protège aussi contre les usurpations et les malfaçons.
La région d’origine constitue également un levier de sécurité alimentaire ou chaque producteur est responsable des conditions d’hygiène qui règnent dans son atelieret doit donc s’assurer que les denrées alimentaires qu’il met sur le marché ne présentent pas de risque pour la santé du consommateur. Des obligations de résultat sont également exigées et il appartient à chacun de choisir les moyens adaptés à mettre en œuvre pour y parvenir.
Des produits de terroir algériens « labellisables »
Pour mieux valoriser des produits de terroir Algériens et garantir une économie rurale qui protège le consommateur,certains font l’objet de l’attribution de labels Indication Géographique (IG) et d’Appellation d’Origine (AO).
Les pouvoirs publics sont pleinement en phase avec les attentes du consommateur algérien ou autres car ils ont adopté, à juste titre, une politique de certification afin de labelliser plusieurs produits en provenance de différentes régions et susceptibles de répondre aux sigles IG et AO.
Ce sont des produits typiques de différentes zones géographiques caractérisées par des aspects techniques et culturels spécifiques. Ils permettent une différenciation et une protection des produits contre les usurpations et constituent également un levier pour l’exportation sachant que les consommateurs français ou européens sont familiarisés avec ce type de signalétique.
(*)Colloque national sur :
Les risques de la consommation numérique : entre prévention et réglementation
Le 27 FÉVRIER 2023 Université de Bejaia
MERDJI M’hamed est Docteur en sciences de gestion
Professeur de marketing à Montpellier Business School et expert à l’international
GUEMACHE Djamel est Docteur en management
Ecrivain-chercheur