Le développement du secteur minier algérien franchit une nouvelle étape. Invité du Forum de la Radio nationale, Djamel Eddine Choutri, chef de cabinet de la secrétaire d’État chargée des mines, a présenté les réformes et projets destinés à faire des ressources minérales un pilier de la croissance hors hydrocarbures.
Par Nadia B.
«Le dernier remaniement gouvernement al, qui a séparé les hydrocarbures des énergies renouvelables, est un signal stratégique fort. Il place les mines sur le même plan d’importance que les hydrocarbures », a déclaré M. Choutri. «Cela confirme que notre secteur n’est plus un dossier secondaire mais une priorité nationale».
D’ailleurs, c’est dans ce cadre que s’inscrit la mise en place d’un nouveau cadre législatif attractif. Adoptée récemment, la loi 25-12 sur les activités minières est, selon lui, «la pierre angulaire de la relance du secteur». Elle vise à simplifier les procédures administratives, instaurer un guichet unique et fixer des délais légaux contraignants pour l’instruction des dossiers.
«Nous avons mis fin au risque pour l’investisseur qui explore sans être sûr de pouvoir exploiter. Le nouveau texte garantit à l’explorateur un droit prioritaire sur l’exploitation des gisements qu’il découvre», a-t-il expliqué.
La réforme transforme également les titres miniers en actifs mobilisables (cession, location, hypothèque), facilitant ainsi l’accès au financement. Elle assouplit la règle 51/49 dans certains cas, tout en préservant la souveraineté de l’État : «La participation publique restera au minimum de 20 % dans tout projet stratégique».
Des projets structurants pour dynamiser les régions
Lors de son passage au Forum de la Radio nationale « Chaîne I », Djamel Eddine Choutri a détaillé trois chantiers majeurs appelés à changer la carte industrielle du pays. Il a cité notamment le gisement de fer de Gara Djebilet (Tindouf), déjà doté d’une première usine de traitement, qui sera complété par un complexe sidérurgique à Béchar.
«Ce projet réduira notre dépendance aux importations d’acier et créera des milliers d’emplois», a-t-il précisé. Le deuxième chantier est le méga-projet intégré du phosphate (Tébessa, Souk Ahras, Annaba), capable de produire six millions de tonnes d’engrais par an, qui sera connecté au port d’Annaba pour l’exportation.
«Cette mine couvrira les besoins nationaux en fertilisants et fera de l’Algérie un acteur majeur sur le marché africain», a affirmé Choutri, en citant également la mine de zinc et de plomb d’Oued Amizour-Tala Hamza (Béjaïa), destinée à produire 170 000 tonnes de zinc et 30 000 tonnes de plomb par an, qui alimentera les industries locales et générera un excédent exportable.
«Ces projets ne se limitent pas à exploiter nos ressources. Ils créent de la valeur ajoutée locale, stimulent les territoires et consolident l’industrialisation nationale», a-t-il insisté. Questionné, par ailleurs, sur l’exploration et le renouvellement des réserves, le même responsable a annoncé le lancement d’un programme national d’exploration portant sur 26 projets répartis sur 17 wilayas, avec un financement public de 4,8 milliards DA.
Un second plan (2026-2027) couvrira 17 nouveaux sites. «Nous devons renouveler en permanence nos ré- serves pour garantir la durabilité des projets déjà lancés», a-t-il souligné.
L’Algérie prévoit également, ajoute-t-il, d’utiliser les technologies modernes — drones, cartographie 3D, imagerie satellitaire — pour affiner ses cartes géologiques et attirer des partenariats technologiques.
Partenariats, formation et exportation…
Par ailleurs, l’Algérie, qui veut faire de son potentiel minier un levier d’industrialisation, de création d’emplois et de recettes en devises, ambitionne de nouer des partenariats avec des sociétés étrangères afin de dynamiser davantage le secteur des mines, qui ne contribue actuellement qu’à 1 % du PIB national.
Sur le volet « investissements», Choutri a souligné que «le secteur minier exige des capitaux importants et des technologies de pointe», confirmant que des négociations sont en cours avec des sociétés internationales pour l’exploitation des gisements de fer, de phosphate, de manganèse et d’or. «Nous privilégions des partenariats gagnant-gagnant qui garantissent les intérêts de l’État tout en valorisant nos richesses», a-til affirmé.
Les autorités misent aussi sur les joint-ventures public-privé afin de mobiliser l’investissement local. «Depuis que le nouveau code a clarifié les pourcentages de participation et les garanties, de nombreux opérateurs privés se montrent intéressés», a-t-il précisé.
Poursuivant sa présentation au Forum de la Radio nationale, Djamel Eddine Choutri a mis l’accent sur la dimension partenariale et la formation des compétences locales pour accompagner la relance du secteur minier. «Sans ressources humaines qualifiées, nous ne pourrons assurer la pérennité de nos projets. Nous travaillons donc en étroite coordination avec l’enseignement supérieur et la formation professionnelle pour bâtir un vivier d’ingénieurs et de techniciens spécialisés», a-t-il affirmé.
Plusieurs initiatives illustrent cet engagement : ouverture d’un centre de formation à Béjaïa pour le projet de zinc et de plomb d’Oued Amizour, mise en place d’un dispositif spécifique à Tindouf pour préparer l’exploitation de Gara Djebilet, et création d’une école dédiée au marbre et au granit à Skikda, en partenariat avec des opérateurs italiens.
Sur un autre registre, M. Choutri a encouragé l’implication des start-up dans le secteur : «Nous avons reçu plusieurs propositions de jeunes entrepreneurs, notamment sur l’utilisation de drones pour la prospection et des techniques d’extraction plus sûres. L’innovation est essentielle pour moderniser nos méthodes ».
Il a également insisté sur la dimension environnementale, qui est au cœur du dispositif. Pour veiller au respect des normes, l’Agence nationale des activités minières disposera d’une « police des mines » chargée du contrôle technique et sécuritaire sur le terrain.
Enfin, Choutri a insisté sur l’importance de l’exportation pour rentabiliser les grands projets : «Avec la montée en puissance de nos capacités de production, nous préparons l’infrastructure nécessaire, notamment par l’extension des ports d’Annaba et de Jijel, afin d’orienter l’excédent vers les marchés internationaux».
N. B.