Les mutations induites par les nouveaux modes de consommation, ayant impliqué notamment de nouvelles pratiques d’emballage, et l’exacerbation des préoccupations liées à la protection de l’environnement ont fini par entrainer l’avènement d’une nouvelle branche d’activité qui enregistre des succès indéniables d’année en année. Il s’agit bien évidemment de l’industrie de recyclage du plastique, aluminium, papier, verre et autres matières.
Par Mohamed Naïli
Basé sur la récupération des emballages usés, de bouteilles, boites en aluminium, cartons et autres, le recyclage fait travailler des centaines, voire des milliers de collecteurs, qui sillonnent les grandes villes et les périphéries des agglomérations à travers tout le pays. Créneau d’investissement par excellence, des porteurs de projets disposant de capitaux sont, eux aussi, de plus en plus nombreux à s’intéresser à l’activité de recyclage, avec la création de centres de tri et unités de transformation de dimensions de plus en plus grandes et modernes au niveau des zones industrielles dans plusieurs wilayas.
C’est dans cette dynamique que la jeune PME AluVerPlas, au statut juridique d’Eurl, vient d’être lancée et basée dans la zone d’activité de Tala Athmane, à une vingtaine de kilomètre à l’est de la commune de Tizi Ouzou, spécialisée dans le recyclage de quasiment tous les déchets (aluminium, canettes, verre, plastique et autres). En à peine quelques années d’activité, cette entreprise qui a nécessité des investissements de l’ordre de 800 millions de dinars et « spécialisée dans la récupération, le stockage et le recyclage » ne fait que s’affirmer en élargissant son champ d’intervention et son réseau de collecteurs, même au-delà de la wilaya de Tizi Ouzou.
Le succès de l’Eurl AluVerPlas dans son domaine d’activité se confirme à travers notamment ce message qu’elle vient de poster sur sa page Facebook : « Chez AluVerPlas, les prix ont fortement augmenté, désormais elle achète de l’aluminium, du plastique, PET, la ferraille, le carton, les batteries usagées à des prix les plus intéressants. De plus, elle se prépare pour acheter d’autres déchets. Elle sélectionne actuellement les meilleurs collecteurs et elle établira avec eux un partenariat fructueux et à long terme ». Le message est suivi de numéros de téléphones, adresse mail, et indication du lieu d’implantation de l’unité pour inciter les collecteurs à s’y rapprocher.
L’activité de récupération de déchets devient ainsi un créneau par excellence offrant des opportunités de création d’emploi au profit de milliers de jeunes mais aussi des travailleurs et fonctionnaires qui exercent cette activité de collecte en plus pour s’assurer une source de revenu complémentaire.
Des retards dans le recyclage du verre
Vu leurs marges de bénéficie qui ont significativement augmenté, les entreprises de recyclage semblent proposer des prix de récupération de déchets de plus en plus attractifs. Ils sont ainsi de l’ordre de 100 dinars le kilogramme pour l’aluminium, comprenant les canettes de boissons, 35 dinars/kg pour le plastique PET (bouteilles d’eau en l’occurrence), 50 dinars/kg le plastique ordinaire. Les caisses de transport de marchandises en plastique sont achetées au prix de 50 dinars/kg lorsqu’elles sont de couleur noire et 60 dinars/kg pour les autres couleurs, tandis que les déchets sous forme de bâche et cellophane sont achetés entre 40 et 50 dinars/kg selon la qualité.
Eu égard à l’engouement que ne cesse de susciter cette activité, l’entreprise en question est ainsi parvenue en l’espace de quelques mois seulement à signer pas moins de 1 200 conventions avec des récupérateurs, que ce soit des particuliers, de groupes collectifs de différentes régions du centre du pays, mais aussi quelque 350 comités de villages qui, eux aussi, s’intéressent de plus en plus à cette activité dans le souci de lutter contre la prolifération de décharges sauvages et d’éliminer les déchets qui se répandent dans la nature.
Comme l’explique le propriétaire de l’Eurl AluVerPlas, M. Rachid Salah, ces différents types de déchets, une fois recyclés ou transformés, sont d’une grande utilité pour divers usages dans plusieurs domaines. Par exemple, « le verre recyclé sert au carrelage, à l’habillage de façades de constructions, de peinture fluorescente des autoroutes, de dos-d’âne qui pourraient réduire de 60% le nombre d’accidents de la circulation » dira-t-il en guise d’illustration de l’utilité de ces déchets et de l’importance de l’activité de recyclage.
Au-delà de son aspect économique, l’activité de récupération des déchets, leur recyclage et leur transformation est motivée aussi par la prise de conscience quant à l’urgence de la protection de l’environnement qui gagne de plus en plus des pans de la société. Néanmoins, de point de vue des spécialistes en la matière, d’importantes insuffisances perdurent encore, notamment au niveau de la réglementation et de l’organisation de ce créneau jusqu’à parvenir à instaurer un véritable système d’économie circulaire.
A ce propos, Arezki Chenane, professeur à la faculté des sciences économiques de l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, tout en citant l’exemple des déchets en verre qui viennent d’être intégrer au programme national de gestion des déchets solides municipaux (Progdem), lancé par le ministère de l’Environnement dans le cadre de la stratégie nationale environnementale (SNE), relève que « les types de traitement qui y sont proposés ne sont pas identifiés de manière claire », avant de regretter que « les déchets de verre s’amoncellent dans tous les coins et recoins des rues et déposés de manière anarchique. C’est ainsi que toute solution pour leur traitement doit s’appuyer sur l’élaboration d’un diagnostic de la situation pour définir une stratégie multi-acteurs et multi-secteurs. »
Dans le domaine des déchets en verre, le premier responsable de la PME AluVerPlas, lui aussi, souligne des retards dans la création de codes relatifs à l’activité de récupération du verre au niveau du Centre national du registre du commerce (CNRC). « L’opération tarde à voir le jour malgré nos multiples écrits et autres interventions pour libérer l’activité de recyclage du verre qui n’existe pas encore chez nous», déclare M. Rachid Salah qui déplore la situation. En conséquence, à présent, le verre est récupéré à titre gracieux.
M. N.
Déchets ménagers : Un volume de 20 millions de tonnes à l’horizon 2035
La gestion des déchets constitue à la fois un défi majeur, dans le sens où elle est l’une des priorités de toute nouvelle politique écologique visant à la lutte contre la pollution et la préservation de l’environnement, mais aussi un marché ayant un fort potentiel à mettre en valeur.
Selon une étude réalisée par le ministère de l’environnement, à l’horizon 2035, l’Algérie produira un volume de 20 millions de tonnes de déchets ménagers assimilés (DMA). Laquelle quantité qui a été évaluée à 13 millions de tonnes en 2018.
Cette forte croissance des volumes de déchets ménagers, selon la même étude qui démontre que la production des DMA passera de 0,8 Kg/habitant/jour en 2016 à plus de 1,23 kg/hab/jour en 2035, s’explique par la « conjugaison de la croissance de la population, qui atteindra 50 millions d’habitants en 2035 d’une part, et du développement du potentiel économique, d’autre part ».
Pour ce qui est de la gestion de ces volumes de déchets, l’étude du Département ministériel en charge des questions environnementales souligne que « le taux de valorisation en recyclage et compostage reste à un niveau bas, ne dépassant pas 10 % (2018) pour les DMA (déchets ménagers et assimilés, ndlr). Si cette situation reste inchangée, elle entrainera inévitablement une augmentation substantielle des déchets destinés à l’enfouissement ».
Toutefois, il est utile de souligner que, ces dernières années, la situation a enregistré des progrès relatifs en matière de développement de réseaux d’entreprises spécialisées dans la valorisation et le recyclage des déchets.
M. N.