La récupération des fonds détournés durant l’ancien régime est l’une des préoccupations majeures du gouvernement et même un engagement du président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
Mais, l’opération étant particulièrement ardue et sensible, d’aucuns parmi les spécialistes de la question, juristes, notamment, exhortent à un processus de récupération qui privilégierait une action à l’amiable, au lieu de celle autoritaire.
Akrem R
Depuis son arrivé au Palais d’ «El-Mouradia», le chef de l’Etat a décidé de mettre de l’ordre dans la gestion des affaires du pays et de lancer une « rude » bataille contre la corruption, mais aussi, la récupération des Fonds détournés.
Des démarches sont déjà entreprises en interne et avec des pays étrangers, dans ce sens, mais les résultats sont «mitigés peu de biens ayant été saisis, dont, seulement 10 à 15% des crédits bancaires qui s’élèvent à 6 000 milliards de DA, auxquels s’ajoutent les transferts illégaux effectués à travers les banques. Vu les contraintes et la non collaboration des pays destinataires de ces fonds, l’idéal serait, donc, de privilégier le règlement à l’amiable, a recommandé, hier, Dr. KHADRI Hamza, doyen de la Faculté de droit et sciences politiques à M’sila, lors de son passage au forum d’ «El-Wassat». Cette méthode adoptée déjà dans le plan d’action du gouvernement avait montré son efficacité dans plusieurs pays. « Cette approche a suscité un large débat au sein de la société algérienne entre les pour et les contre. Personnellement je penche pour un règlement à l’amiable, et ce, pour deux raisons : premièrement, il est impossible de récupérer tous les biens et fonds détournées à l’étranger en raison de contraintes juridiques (spécificités des lois des pays, contraintes dans la mise en œuvre des conventions signées entre l’Algérie et les autres pays à l’international, etc.) Du point de vue opérationnel, il est difficile d’espérer la récupération des fonds détournés, voire, dans certains cas impossible. Deuxièmement, le règlement à l’amiable permettra d’améliorer l’image du pays et également, le climat des affaires et la captation des investissements directs étrangers (IDE)», détaille-t-il. Toutefois, le règlement à l’amiable doit être encadré par une loi.
Besoin d’un cadre réglementaire
En effet, le gouvernement est appelé, en premier lieu, à la mise en place d’un cadre juridique en détaillant sa démarche et méthode dans la récupération des fonds détournés. «Cette loi doit être adoptée par le Parlement et le Sénat», insiste Dr KHADRI. Ainsi, il faut définir, avec précision, l’organe qui prendra en charge cette mission, ajoute-t-il, en citant l’exemple de l’Egypte qui a opté pour un groupe d’experts placé sous tutelle du gouvernement, et également, de la Tunisie qui a créé un organe de conformité sous l’égide de la Présidence.
« Dans cette loi, qui sera publiée sur proposition du gouvernement ou proposition des députés, l’opération doit être définie et détaillée. A ce propos, l’Algérie est libre dans ses choix. Elle peut créer un organe de réconciliation ou un organe pour le règlement à l’amiable qui peut être confié à l’Autorité nationale de transparence. La loi doit encore fixer le seuil des montants que le concernés par la corruption est appelé à payer. Cela, dans le but de ne pas transformer cette instance en une autorité chargée de dossiers de corruption», a souligné l’expert en questions juridiques et institutionnelles.
L’intervenant a recommandé d’associer des experts dans la fixation des montants que les impliqués dans les affaires de corruption et détournement de fonds publics doivent payer au Trésor public pour bénéficier de l’arrêt des poursuites judiciaires, éventuellement.
L’Autorité de transparence aura un grand rôle à jouer
En somme, le règlement à l’amiable est une démarché de gouvernement adopté dans le plan d’action et «j’ai suggéré aux pouvoirs publics de procéder à un règlement à l’amiable qui reste la voie la plus courte et la plus rapide pour la récupération de l’argent spoliée», ajoute Dr KHADRI.
Un avis que partage l’avocat et l’enseignant universitaire, Dr Hatatache Omar, affirmant qu’en dépit des conventions des Nations Unis, la récupération des biens et fonds détournés à l’étranger reste très difficile. L’orientation générale, dira-t-il, c’est de privilégier le règlement à l’amiable, en faisant savoir que la haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, dont les membres seront bientôt connus, aura un grand rôle à jouer dans cette opération et également dans l’élaboration d’une stratégie nationale pour la lutte contre la corruption. Un phénomène qui a pris des proportions alarmantes nécessitant, recommande Dr KHADRI Hamza, la révision de l’ensemble des lois régissant la passation de marchés publics, le rôle du superviseur financier et les autres organes de contrôle.
A.R.