Comme chaque année, après le passage d’une catastrophe de feux de forêt, des appels pour des campagnes de reboisement et récupérer les vastes étendues de couvert végétal réduites en cendre sont lancées de toutes parts. Néanmoins, ces initiatives suffiront-elles pour éviter au patrimoine forestier de périr? Assurément pas. Ces opérations de reboisement, parfois menées dans un cadre plutôt «festif», sont loin d’être, à elles seules, la panacée en la matière, diront les spécialistes dans le domaine forestier.
Par Mohamed Naïli
De par sa consistance physique, le secteur des forêts n’est pas à l’abri des vulnérabilités, sachant que, sur plus de 238 millions d’hectares dont est composé le territoire national, le domaine forestier n’en compte que 4,1 millions d’hectares, soit un taux global de couverture de moins de 1,8%.
Dans le détail, en se référant aux données fournies par la DGF (Direction générale des forêts), cette superficie a connu, grâce aux opérations de nouvelles plantations et des extensions réalisées, une croissance de 1,1 million d’hectares, puisqu’en 1962, le portefeuille forestier a été de l’ordre de 3 millions d’hectares, selon cette source.
La répartition des superficies forestières par espèces fait ressortir que «les 4,1 millions d’hectares de patrimoine forestier se compose de 1,42 million d’hectares de forêts, de 2,41 millions d’hectares de maquis et de 280.000 hectares de jeunes reboisements», fait ressortir le décompte réalisé par la DGF, en précisant que «les principales espèces d’arbres qui le composent sont le pin d’Alep, avec 69% et le chêne liège 21%».
En outre, en 2018, la DGF a fait état d’une superficie supplémentaire d’«un million d’hectares de terres à vocation forestière dont les procédures d’intégration au domaine forestier national sont en cours». A présent aucun bilan n’a été fourni quant à l’avancement de cette procédure.
Pour ce qui est du renforcement du portefeuille forestier et son extension, il est utile de se pencher sur le PNR (Plan national de reboisement) mis en œuvre en 2000 avec des objectifs à atteindre à échéance 2020 comprenant la plantation de plus de 1,2 million d’hectares repartis respectivement en «près de 900.000 hectares de protection des bassins versants et lutte contre la désertification, plus de 250.000 hectares d’arbres productifs, près de 155.000 hectares de forêts d’agrément et de récréation, 75.000 hectares à vocation industrielle et enfin 33.000 hectares de plantations de brise-vents». En 2020, soit à l’échéance dudit programme, la DGF a fait état de réalisation d’un peu plus de 520.000 hectares dans le cadre du PNR, soit la réalisation de 42% des objectifs tracés.
Les maquis occupent près de 60% des espaces forestiers
De son côté, le ministère de l’Agriculture et du développement rural, dans le cadre de la mobilisation pour la compensation des pertes engendrées par les feux de forêt de ces derniers temps, prévoit la plantation de plus de 11.000 hectares d’arbres à fruits secs et de grenadiers durant la prochaine campagne de plantation 2022-2023, dont le lancement est prévu dès le quatrième trimestre de l’année en cours. Selon les précisions de la Direction du développement agricole et rural dans les zones arides et semi arides au département de Henni, ce programme comprend plus de 1.500 hectares de grenadiers, plus de 4.000 hectares d’amandiers et près de 4.500 hectares de pistachiers.
Par ailleurs, une étude réalisée en 2019 à l’université UC Louvain en Belgique sur la gestion de l’environnement dans les pays en développement souligne, pour ce qui est de l’Algérie, que «pour assurer l’équilibre physique et biologique du territoire, le taux de couverture forestière devrait s’élever à 28% du nord de l’Algérie soit environ 70.000 km2, le couvert existant ne représente donc que 57% de cet optimum (à savoir les 41.000 km2 de couvert végétal déjà existant (ndlr)».
En se penchant sur la consistance végétale des massifs forestiers, la même étude précise que «près de 60% des espaces forestiers sont occupés par les maquis, que l’on peut définir comme étant toute végétation ligneuse ne dépassant pas 7 mètres de hauteur (arbustes, arbrisseaux, broussailles, etc.), la prédominance des maquis témoigne de l’état de dégradation des forêts algériennes».
Cependant, quant à l’entretien du patrimoine forestier, il y est relevé «l’irrégularité des formations forestières naturelles (qui) est caractéristique du territoire algérien. En effet, de fortes variations tant en termes d’âge qu’en termes de types de végétation sont présentes au sein d’une même formation où l’on recensera généralement un mélange désordonné de feuillus et de résineux de tout âge et de toute taille. La grande majorité des forêts sont dites de lumière et sont de ce fait caractérisées par des peuplements ouverts avec sous-bois épais. Des essences de diverses origines peuvent être recensées, essentiellement méditerranéennes mais aussi européennes, asiatiques, circum-boréales et paléo-tropicales».
Tel est donc l’état de la forêt algérienne dont les campagnes de reboisement menées de manière non coordonnée favorisent ce manque d’homogénéité, ce qui est susceptible de rendre la tâche difficile aux services compétents pour mener efficacement leurs interventions, que ce soit pour le traitement contre les maladies et autres parasites ou des opérations de préventions contre les incendies. Les spécialistes en la matière sont effet de plus en plus nombreux à attirer l’attention par exemple sur le choix des essences forestières à planter en fonction des conditions agro-climatique de chaque territoire.
M. N.