L’Algérie, qui consacre chaque année près de cinq milliards de dollars au transport maritime, ambitionne de mettre en place une nouvelle stratégie pour le redéploiement de son pavillon maritime national, notamment dans le domaine du transport de marchandises. L’investissement dans ce secteur devient de plus en plus nécessaire pour renforcer la souveraineté nationale et mettre fin au diktat des armateurs étrangers.
Par Akrem R.
En effet, outre l’acquisition de nouveaux navires et la remise en service de six autres navires immobilisés pour des raisons techniques, le Groupe algérien de transport maritime (GATMA) est en train de mettre en place une nouvelle stratégie pour reconquérir des parts sur le marché du transport maritime. Il a en effet fixé deux objectifs principaux.
Tout d’abord, faire émerger les navires de GATMA, qu’il s’agisse de navires de marchandises ou de voyageurs, sur la « white list », car actuellement, certains navires figurent sur la liste noire, ou « black list». C’est le premier objectif à atteindre d’ici 2025.
Quant au deuxième objectif, il consiste à augmenter la part de marché de GATMA de 20 %. Pour cela, le groupe compte renforcer ses activités dans le transport de conteneurs de courte distance, ou « short-sea shipping ».
L’ambition du Groupe est, en effet, de récupérer une part importante de ce marché « feedering », estimé à environ 600 000 à 700 000 conteneurs par an. «C’est un marché important, avoisinant les 300 millions d’euros, soit environ 35 à 40 milliards de DA», a indiqué le PDG du
Groupe GATMA, Mohamed Tayeb Aboud, précisant que la filiale CNAN EL DJAZAIR va œuvrer pour récupérer une part significative de ce marché. «Nous cherchons à arracher une part de marché importante concernant le transport de conteneurs, notamment vis-à-vis des grands armateurs-transporteurs internationaux. Cela, en priorité», a-t-il souligné.
Quant à la deuxième étape de la stratégie, elle consiste à assurer ce feedering (le transport de conteneurs) sous forme de cabotage national dès l’installation de nouveaux mini-hubs ou portes de transbordement, que ce soit au niveau des ports d’Oran ou de Djendjen.
«Les gros porteurs, qui accosteront au port de Djendjen avec leurs grandes capacités de conteneurs, permettront d’assurer ce transport via Djendjen vers d’autres ports nationaux avec nos feeders. Nous visons ainsi à récupérer au moins 20 à 30 % de ce marché. C’est l’un des objectifs principaux de la nouvelle vision», a détaillé le PDG du Groupe GATMA dans une déclaration à la radio nationale «Chaîne III».
Acquisition de trois navires avant fin 2025
Concernant le renouvellement de la flotte maritime, le même responsable a annoncé que le Groupe GATMA prévoit l’acquisition, en 2025, de trois nouveaux navires de grande taille pour le transport de marchandises, notamment des navires vraquiers pour les céréales et le minerai de fer, dans le cadre de la nouvelle stratégie d’exportation hors hydrocarbures.
«Le groupe se rendra sur le marché international très prochainement pour acquérir de nouveaux navires vraquiers afin de répondre aux besoins de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) en termes d’importation et d’exportation d’excédents de céréales, comme le blé, ainsi que pour les exportations de minerai de fer de Gara Djebilet», a-t-il précisé.
Il s’agira d’acquérir deux grands navires vraquiers d’une capacité allant de 50 000 à 65 000 tonnes, ainsi qu’un troisième navire porte-conteneurs d’une capacité de transporter jusqu’à 2 000 unités.
«Nous avons fixé comme échéance la finalisation de l’acquisition de ces trois navires avant la fin de l’année 2025. Cette acquisition nous permettra de répondre à la nouvelle stratégie d’exportation hors hydrocarbures, en particulier pour assurer des dessertes sur les lignes maritimes vers l’Afrique de l’Ouest», a-t-il expliqué.
Cap sur la réparation et construction navale
Par ailleurs, le Groupe GATMA ambitionne également de développer deux autres segments importants dans le transport maritime, à savoir la réparation et la construction navale.
C’est le seul moyen d’optimiser, d’ailleurs, les coûts de mise à niveau de la flotte maritime nationale, qui comprend actuellement 12 navires, dont six en service et six autres à l’arrêt.
Le développement d’une véritable industrie de réparation navale localement permettra également de diversifier les services de GATMA, en garantissant des services de maintenance non seulement pour les armateurs nationaux, mais aussi pour les armateurs étrangers.
«C’est une véritable niche de chiffres d’affaires et de richesses aussi, donc nous essayons d’en profiter», souligne-t-il, précisant que l’entreprise de réparation navale dispose d’un programme de développement ambitieux, réparti sur deux axes principaux. Le premier axe consiste à développer l’existant.
«Nous avons un dock flottant de 15 000 tonnes à Béjaïa que nous sommes en train de moderniser, notamment par l’amélioration des ateliers et l’installation d’un réseau de sous-traitants pour travailler avec notre unité de Béjaïa. Mais l’élément le plus important est le nouveau chantier au port d’Arzew, qui sera l’un des plus grands de la Méditerranée, avec une cale sèche de plus de 300 mètres linéaires et une largeur de 60 mètres, capable de prendre en charge les navires nationaux et étrangers», détaille-t-il.
Ce chantier sera mis en exploitation avec des partenaires technologiques pour la réparation, puis, à terme, pour la construction navale.
«Nous avons finalisé les études et le chantier sera lancé courant 2025. Il faudra environ deux ans pour achever cette infrastructure. Durant ces deux années, nous aurons le temps de lancer une manifestation d’intérêt pour choisir un partenaire technologique, un véritable partenaire avec lequel nous établirons un partenariat gagnant-gagnant», précise-t-il.
La réalisation de ce nouveau chantier contribuera à dynamiser l’industrie navale, notamment l’activité de réparation, d’autant plus qu’il bénéficie d’une position géostratégique avantageuse, située sur les grandes lignes maritimes qui traversent les eaux algériennes.
Beaucoup d’armateurs étrangers pourront ainsi profiter de cette position pour réparer leurs navires, ce qui offrira de nouvelles sources de revenus pour GATMA.
S’agissant du transport maritime de voyageurs, il a fait état d’intenses préparatifs au niveau de l’Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs, filiale du GATMA, pour le programme de la prochaine saison estivale, notamment en prévoyant l’affrètement d’un nouveau navire pour répondre à la demande, en attendant, at-il précisé, la récupération du navire Tariq Ibn Ziyad, actuellement en cours de « rénovation totale ».
A l’approche du mois sacré du Ramadhan, l’ENTMV compte reconduire la promotion de réduction des prix sur les billets, décidée par les pouvoirs publics, au profit des membres de la communauté nationale à l’étranger, a-t-il annoncé, assurant que cette offre commerciale sera accompagnée par «une nette amélioration de la qualité des services à bord des navires».
A. R.