L’évolution des indicateurs macroéconomiques de l’économie nationale attirent l’attention des institutions et milieux de la finance internationale. C’est du moins le cas de la Banque mondiale qui vient de présenter une nouvelle vision sur l’Algérie, tant en termes de croissance, de relance économique, ou autres.
Par Mohamed Naïli
Dans son dernier rapport consacré à l’Algérie et publié la semaine dernière sous le titre : «rapport de suivi de la situation économique, renforcer la résilience en période favorable», l’institution de Bretton Woods vient de passer à la loupe les différents aspects de l’économie nationale et leur évolution à l’ombre du nouveau départ à la hausse des cours du brut sur le marché mondial.
Si le secteur pétrolier doit sa relance en premier lieu à la nette amélioration des cours à l’exportation, le point ayant attiré le plus l’attention des experts de la Banque mondiale est l’élan des activités économiques hors hydrocarbures. L’économie hors pétrole en Algérie a en effet retrouvé son niveau d’avant la pandémie de Covid-19 attestent les rédacteurs du rapport en question.
«Le PIB hors hydrocarbures a retrouvé son niveau pré-pandémie au 4ème trimestre 2021, malgré une baisse de l’investissement. En 2021, la consommation privée a graduellement retrouvé son niveau de 2019 (+0,6%) malgré les effets de la hausse des prix sur la consommation réelle des ménages», est-il souligné. Néanmoins, cette reprise n’a pas eu d’effet sur le taux de croissance du PIB hors hydrocarbures durant l’année 2021 qui a été de l’ordre de 1,6% seulement.
Déblocage des projets d’investissement
Toutefois, il y a lieu de rappeler que, dans ce volet, en plus de la reprise de la croissance des branches d’activité hors pétrole, l’Algérie table aussi sur près de 7 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures d’ici la fin de l’année en cours.
Bien que la reprise des investissements reste elle aussi timide, le rapport de la Banque mondiale met en exergue les principales actions entreprises par le gouvernement ces derniers mois dans ce domaine.
«Les autorités ont nommé un Médiateur de la République en charge de permettre le déblocage des projets d’investissement en souffrance», est-il souligné entre autres à cet égard, en faisant allusion aux quelque 800 projets débloqués après es arbitrages effectués par le Médiateur auprès de l’administration.
A une échelle globale, le document de la BM établie un lien directe entre la reprise de la croissance du PIB et l’évolution des exportations pétrolières, tant en volume qu’en valeur. «La hausse de la production d’hydrocarbures s’est poursuivie au premier trimestre 2022, permettant une augmentation modérée des volumes exportés. Après un 3ème trimestre exceptionnel, la production de gaz naturel s’est maintenue à son niveau élevé de 2020 au 4ème trimestre 2021 et au 1er trimestre 2022, dans un contexte de hausse marquée de la demande européenne, antérieure à la crise russo-ukrainienne. Les exportations ont ainsi égalé leur niveau élevé de 2020. En avril 2022, la production de pétrole brut a excédé le million de barils par jour, s’approchant de son niveau pré-pandémie», est-il relevé dans le détail.
Pour le gaz, la production globale durant les trois premiers mois de l’année en cours a avoisiné les 30 milliards m3, tandis que la production pétrolière a été de près d’un million barils/jour durant la même période, selon le décompte qui ressort de ce rapport qui conclut que «la croissance du PIB a été soutenue par la production et les exportations d’hydrocarbures».
4,5 milliards d’exportations hors hydrocarbures
Sur le plan financier, il est fait état d’une nette augmentation des recettes des exportations, toutes catégories confondues. Cette augmentation, favorisée principalement par le renchérissement des cours des hydrocarbures au niveau international, a atteint les 76% à la fin de l’année 2021. Cette hausse, est-il utile de relever, a bel et bien commencé avant l’éclatement de la guerre en Ukraine et ses retombées sur le marché mondial des matières premières, puisque, soulignent les experts de la BM, «de janvier à septembre 2021, les prix d’exportation du gaz naturel algérien ont augmenté de 29%, contre 64% pour le prix de référence du gaz européen, du fait de la part de contrats arrimés aux prix du pétrole (…) Sur la même période, les prix du pétrole brut et raffiné, des condensats, du GPL et du GNL ont gagné entre 37% et 42%. Combiné avec la hausse des quantités exportées, notamment de gaz naturel et de pétrole brut, les exportations d’hydrocarbures ont augmenté de 70% en 2021, atteignant 34,1 milliards de dollars. Cette tendance a été renforcée par la hausse des exportations hors hydrocarbures (+136% en 2021), atteignant 4,5 milliards de dollars, soit 12% des exportations de biens».
De l’autre côté de la balance commerciale, les mêmes expert notent que les importations «se sont maintenues à un niveau modéré, malgré la hausse du prix des biens importés», avant de préciser que «la facture d’importation de produits alimentaires de l’Algérie a augmenté en 2021, la faible pluviométrie ayant notamment fait augmenter les besoins en importations céréalières, et le prix du blé, du sucre et des produits laitiers ayant bondi sur les marchés internationaux en fin d’année». En conséquence, le déficit du compte courant, sous l’effet du renchérissement des prix à l’importation «s’est résorbé sous l’impulsion des recettes d’exportation», principalement en hydrocarbures.
Toutefois, malgré les fluctuations qui ont marqué les prix à l’importation et leur impact sur la balance commerciale, «les équilibres budgétaires se sont nettement améliorés, soutenus par les recettes des hydrocarbures», est-il noté tout en précisant: «Le solde global du Trésor est passé d’un déficit de 12% du PIB en 2020 à un déficit autour de 7,2% du PIB pour 2021. La mise en œuvre du programme de rachat de créances des entreprises publiques économiques (EPE) a cependant (constitué, ndlr) la majeure partie d’une hausse de 3 900 milliards de dinars (26,8 milliards de dollars) de l’endettement du Trésor auprès des banques en 2021, permettant de financer le rachat des dettes aux banques, de financer le déficit global du Trésor, et d’augmenter l’épargne publique. Ce faisant, la dette publique est passée de 50,7% du PIB à la fin 2020 à une estimation de 63% du PIB à la fin 2021».
Valeur du dinar: Une appréciation relative
Dans le récent rapport consacré à la situation économique de l’Algérie dans cette phase post-Covid, la Banque mondiale s’est penchée sur l’évolution de la monnaie nationale, notant qu’«en dépit d’une amélioration significative des équilibres extérieurs, la dépréciation du dinar vis-à-vis du dollar américain s’est poursuivie». «Entre juin 2021 et juin 2022, le dinar s’est déprécié de 8% relativement au dollar américain. La dépréciation de l’Euro vis-à-vis le dollar américain au 2ème semestre 2021 a néanmoins mené à une stabilisation du taux de change Euro-Dinar, et dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la chute de l’Euro, à une appréciation relative du dinar durant les six premiers mois de 2022», est-il précisé.
Inflation: Un pic de 8,8% en 2021
Evoluant dans un contexte de reprise économique après la pandémie de Covid-19, l’Algérie ne fait pas exception en subissant les effets de l’inflation qui n’épargne aucun pays au monde. Ainsi, après une période de stagnation de l’activité économique entre 2020 et 2021, la demande sur toutes sortes de matières premières a bondi au courant de l’année 2021, générant une spirale inflationniste à l’échelle planétaire. Dans ce contexte, note le rapport de la BM, «en Algérie, la hausse récente de l’indice des prix à la consommation (IPC) a été tirée par celles des produits agricoles frais et alimentaires industriels».
L’évolution de l’inflation «est demeurée faible durant le confinement dû à la pandémie, avant une accélération à partir du dernier trimestre 2020, l’inflation atteignant 5,5% en glissement annuel au 1er semestre 2021 et 8,8% au 2ème semestre», est-il relevé.
M. N.