Élément fondamental dans la prise de décision, l’indisponibilité de statistiques fiables et actualisées a souvent été évoqué comme un facteur empêchant l’élaboration de politiques de développement pertinentes, tant au niveau national que local. Désormais, les pouvoirs publics semblent nourrir un intérêt particulier à ce volet, en se fixant l’objectif d’aller vers la création de bases de données réelles et mises à jour dans les différents domaines.
Par Mohamed Naïli
Cet intérêt a d’ailleurs été exprimé, il y a quelques mois, par le Premier ministre, Aïmen Benabderrahmane, lors de l’installation du Conseil national des statistiques, qu’il considère comme une action qui traduit « l’intérêt accordé par l’Etat au système national des statistiques, et découle de notre profonde conviction quant à son rôle dans le succès du programme de développement et de redressement ambitieux que nous œuvrons tous à faire aboutir chacun selon sa position et sa responsabilité », en reconnaissant que « l’information statistique figure parmi les facteurs de production au même titre que les autres ressources, voire plus importante, car, aucune politique publique ne peut être élaborée si les données nécessaires ne sont pas disponibles en temps réel et avec précision ».
C’est pourquoi donc, l’ONS (Office national des statistiques), principale institution en charge de cette mission, est en phase de se redéployer pour répondre aux attentes exprimées en la matière, que ce soit par les pouvoirs publics, les opérateurs économiques ainsi que la sphère universitaire et la recherche scientifique.
En conséquence, désormais, la collecte de certaines statistiques s’effectue « d’une manière régulière, plus ou moins rapprochée. Pour la croissance, c’est tous les trimestres et par secteur d’activité, d’ailleurs, nous nous apprêtons à publier celle du trimestre précédent. Les données sur l’indice des prix à la consommation sont mensuelles. Elles sont données entre le 10 et le 15 de chaque mois. Donc, il y a beaucoup d’amélioration, et bien évidemment, il y a toujours des possibilités d’améliorer encore plus », c’est dans ces termes que le directeur général de l’ONS, M. Youcef Baazizi, vient de présenter la nouvelle méthodologie que vient de s’approprier cette institution chargée de la collecte de statistiques dans tous les domaines.
La nouvelle démarche adoptée en matière de collecte et d’analyse des statistiques a donc pour but de contribuer à élaborer des politiques publiques de développement plus pertinentes. « On ne peut élaborer de planification sans la disponibilité de chiffres pertinents au niveau le plus fin possible, parce que les chiffre parlent d’eux-mêmes, mais lorsqu’on sait les faire parler », a lancé M. Baazizi lors de son intervention à la radio nationale.
Avoir des bases de données fiables
Pour ce qui est de l’utilisation et de l’exploitation des données collectées, il précisera que « le statisticien fait une lecture statistique, l’économiste fait une analyse économique et le politique prend une décision sur la base de ces statistiques et les analyses économiques et sociales qui en sont faites ». Ainsi, le rôle de l’ONS se limite donc à « la production de l’information et à une première lecture statistique de l’information produite », nuance-t-il en ajoutant, « au niveau de l’ONS, nous n’avons pas vocation à faire des analyses approfondies ».
L’ONS prévoit ainsi de mener une multitude d’opérations de collecte d’informations, que ce soit par le biais de recensements, de sondages et autres enquêtes, ayant pour but d’aller vers la création d’« une source d’information qui permettra de produire des indicateurs globaux qui aideront à élaborer l’ensemble des politiques publiques au niveau de chaque secteur », afirme M. Baazizi.
A ce titre, il vient de révéler que, sur la base des résultats du recensement général de la population et de l’habitat qui sera effectué du 25 septembre au le 9 octobre prochain, plusieurs autres opérations de collecte de données seront menées. « Sur la base de ce recensement on peut élaborer des échantillons pour plusieurs types d’enquêtes, sur la consommation, la santé, l’emploi, etc. »
Dans tous les cas de figure, les données collectées à l’issue de ce type d’opérations offrent des indicateurs dont l’avantage est de permettre de prendre en charge les besoins des populations sur la base de cartes socioéconomiques qui aident à la prise de décision tant au niveau local que national, laisse comprendre le DG de l’ONS à travers son exposé sur la politique de déploiement de cette institution, tout en rassurant sur la fiabilité de celles-ci (ces données). Comme garantie de cette fiabilité, selon lui, l’ONS travaille selon des normes internationales et les règles de la Division de la statistique onusienne.
Du côté des économistes, l’importance des données statistiques n’est pas à démontrée, d’où donc la nécessité de disposer de banques de données pertinentes pour aspirer au développement dans tous les domaines. Pour l’économiste Nabil Djemaa, « sans données statistiques, on ne peut gérer un pays ni économiquement, ni politiquement, ni scientifiquement parlant, nous perdons beaucoup d’argent au motif que nous n’avons pas beaucoup de chiffres pour mieux définir les politiques publiques et mieux orienter les actions de l’Etat».
L’économiste Brahim Guendouzi, pour sa part, souligne l’importance du recensement général de la population et de l’habitat qui débutera dans quelques jours, en précisant que les données qui seront collectées à l’issue de cette opération serviront de base de données pour faire « des prévisions sur la satisfaction des besoins en logement, en santé et faire la planification de la répartition de la population », tout en insistant sur la nécessité d’ « avoir des données fiables et récentes pour faire des politiques publiques adaptées liées à l’emploi, à l’habitat, à la santé et celles liées à la lutte contre la pauvreté ». Cet avis est partagé aussi par l’économiste M’Hamed Hamidouche qui rappelle que « toute politique économique ou action publique a besoin d’un recensement et d’autant plus que ces recensements doivent être actualisés », parce que, explique-t-il, « le recensement actualisé est d’une extrême importance car il permet d’avoir des données proches de la réalité et donc des actions à entreprendre plus justes ».
M. N.