Le rapport annuel de la cour des comptes, publié en décembre dernier, met en lumière des axes importants pour améliorer la gestion des deniers publics en Algérie. S’il identifie des écarts entre les moyens déployés et les résultats obtenus, il ouvre également la voie à des opportunités de progrès dans plusieurs secteurs clés.
Par Houria Mosbah
Mahfoud Kaoubi, expert en questions géoéconomiques et financières, s’est exprimé, hier sur la chaîne 3 à ce sujet, offrant une analyse dé- taillée des points soulevés par le rapport. Il a notamment mis l’accent sur les enjeux d’efficacité et d’organisation, tout en suggérant des réformes pour renforcer la gouvernance et aligner les pratiques administratives sur les objectifs économiques du pays.
Le rapport, comme les précédents, dresse un constat détaillé. « Le dénominateur commun des secteurs audités est un décalage frappant entre les objectifs affichés et les résultats obtenus », explique M. Kaoubi.
Il identifie plusieurs points faibles, notamment un manque d’efficacité organisationnelle, l’absence de systèmes d’information fiables, et une culture de gestion par objectifs encore embryonnaire, malgré l’introduction de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2018.
«L’administration algérienne reste ancrée dans une logique de dépenses et d’évaluations budgétaires, au détriment d’une véritable mesure d’efficacité et d’efficience», souligne l’expert.
Analyse des enjeux sectoriels
Le secteur de l’éducation, premier budget civil de l’État, reflète ces insuffisances. Bien que les infrastructures et l’égalité d’accès soient satisfaisantes, la qualité des apprentissages, notamment en mathématiques et en langues, reste préoccupante.
« Nous voulons une numérisation efficace et des ressources humaines compétentes, mais les besoins d’amélioration se font ressentir, d’une manière très sérieuse », affirme M. Kaoubi, en évoquant le recours massif aux cours de soutien, un symptôme des failles structurelles du système éducatif.
Dans le domaine du tourisme, les conclusions montrent également des défis à surmonter. Sur les 249 zones d’expansion et sites touristiques (ZEP) programmés, aucun n’a été entièrement aménagé. «Cela reflète des incohérences organisationnelles et un manque de priorisation économique», souligne-t-il.
L’État, qui voit dans le tourisme un levier clé pour diversifier l’économie, est confronté à des lenteurs administratives et à des choix peu stratégiques qui freinent les investissements. Les collectivités locales, quant à elles, illustrent les défis liés à l’efficacité énergétique.
Bien qu’elles consomment 80 % de l’énergie produite, elles peinent à engager des réformes pour une transition énergétique durable. « L’organisation actuelle est consommatrice de ressources sans réfléchir à une allocation rationnelle et optimale », note l’expert, appelant à une réforme profonde.
Les clés d’une gouvernance moderne
Pour M. Kaoubi, une réforme structurelle s’impose pour transformer les pratiques administratives. La transition numérique peut jouer un rôle central, à condition qu’elle soit intégrée dans une refonte globale des outils, des processus et des profils des responsables. «Il ne s’agit pas seulement d’introduire des technologies modernes, mais de réviser fondamentalement les logiques de gestion et de professionnaliser la maîtrise des processus », insiste-t-il.
Ce rapport, qui alerte sur des lacunes organisationnelles, offre une opportunité pour repenser la gouvernance publique. «La rationalité budgétaire ne doit pas attendre les périodes de crise pour s’imposer », conclut M. Kaoubi, soulignant l’importance d’agir pour aligner les pratiques sur les ambitions économiques du pays.
En adoptant une approche résolue et en engageant des réformes structurelles, l’Algérie a l’opportunité de convertir ces défis en leviers de transformation, permettant ainsi une gouvernance, mieux adaptée aux besoins actuels et aux ambitions futures du pays.
H. M.