C’est l’un des engagements de campagne du président de la République : la récupération de l’argent détourné par de hauts responsables indélicats de la «Issaba», avec la complicité d’une clientèle d’opérateurs économiques qui a profité des largesses de l’administration pour saigner les caisses de l’Etat. Le Président Tebboune passe à l‘acte, et ordonne la création d’un Fonds devant accueillir les biens détournés et confisqués en vertu de décisions de Justice dans le cadre des affaires de lutte contre la corruption. Le Président à toujours signifié que les biens ou argent détournés sont une préoccupation majeure et que ce dossier reste l’un de ses objectifs essentiels. Mais que la récupération des fonds détournés vers l’étranger, était tributaire par le prononcé de jugements définitifs dans les affaires intentées à l’encontre des auteurs qui, a-t-il, ajouté, «devront, un jour, dévoiler les emplacements secrets de ces fonds.
Par Réda Hadi
La récupération de ces fonds reste le nœud gordien pour une paix sociale et durable dans notre pays et que Tebboune tient absolument à démêler. Dès son élection, le Président a annoncé que «ces fonds seront indubitablement récupérés et ça se fera par le biais de la Justice». En ce sens, ce sont principalement les biens se trouvant en France qui sont convoités. Pour cela, la justice algérienne a demandé l’aide de la Justice française afin d’établir le patrimoine réel d’une dizaine de ses ressortissants.
Tebboune a affirmé, surtout, que «pour ce qui est de la récupération des fonds détournés, nous sommes dans l’attente du feu vert de la Justice qui n’a pas encore statué sur tous les dossiers et établi les montants détournés. Les fonds détournés se trouvent à l’intérieur du pays ainsi que dans d’autres endroits, comme à Genève, ou dissimulés dans des pays réputés pour leurs facilitations fiscales. Une fois ces dossiers définitivement clos par la Justice, nous allons entamer les procédures nécessaires, soit par le biais d’avocats algériens ou étrangers, ou par l’activation des conventions conclues avec ces pays. Ces fonds seront indubitablement récupérés et ça se fera par le biais de la Justice».
La récupération de ces fonds est éminemment importante, au point où, lors du 14e Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et la justice pénale qui s’est tenu à Kyoto (Japon), le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, est revenu sur la question de la récupération de l’argent détourné du Trésor public algérien vers des pays étrangers. Le ministre a appelé les pays concernés à faciliter le recouvrement des avoirs algériens.
Une opération aussi complexe que difficile
Une fois la création de ce fonds dédié sera effective, il restera à rapatrier les biens détournés. Et là, les avis d’experts divergent. Certains assurent que si les juristes qui entourent Tebboune sont à la hauteur, ce sera chose lente mais faisable, même si l’opération du rapatriement de l’argent transféré illégalement à l’étranger, repose sur la «complexité» de la procédure. D’autres assurent que la problématique relève tout simplement de la volonté politique du gouvernement.
Billel Laouali, expert en économie, souligne aussi «la «complexité» de cette démarche, car il ne s’agit pas d’une simple opération, et le rapatriement des biens ou des fonds transférés illégalement à l’étranger est une démarche extrêmement difficile».
«Cette démarche peut ne pas aboutir aussi», a-t-il précisé, «car les Etats n’ont certainement pas la mainmise pour prélever, au niveau de la caisse, sur les comptes des personnes et transférer l’argent». Et d’évoquer le cas de la Tunisie, à l’issue du «Printemps arabe» en janvier 2011, où « le plan de rapatriement était quasiment impossible à mettre en place» et de poursuivre : «Que ce soit en Algérie, en Tunisie ou dans d’autres pays, le degré de spécialisation et de connaissance de la criminalité financière est encore assez limitée. Cette capacité opérationnelle de pouvoir saisir un compte, à pouvoir faire obtenir un rapatriement de celui qui était clairement identifié, requiert de grands moyens, une expérience, une formation et une spécialisation, et j’espère que nous les avons».
Le gouvernement actuel a-t-il des chances de récupérer cet argent ?
Beaucoup pensent que oui et M. Laouali en est même convaincu. Car, selon lui, la volonté politique existe ainsi que la détermination. «Le président Abdelmadjid Teboune avait affirmé, en novembre 2019, lors de sa campagne électorale, qu’il détenait des informations sur la destination de l’argent détourné. Il avait précisé à cette époque qu’il était en mesure de rapatrier la plus grosse partie de ces fonds transférés illicitement à l’étranger.
M. Laouali a tenu à préciser «que le pistage de l’argent détourné» expliquerait cette politique volontariste. L’administration, la gestion et l’utilisation des avoirs recouvrés relèvent en premier lieu de la responsabilité de l’Etat et pour cela l’expert pense à «la mise en place d’une sorte de directoire d’expert nationaux indépendants pour ne pas tomber dans les mêmes travers», pour une plus «grande transparence».
R. H.