Quorum, majorité et intérêt social dans une société par actions : Au cœur du droit des sociétés

Quorum, majorité et intérêt social dans une société par actions : Au cœur du droit des sociétés

Au cœur du droit des sociétés, on trouve un certain nombre de règles qui organisent le fonctionnement des entités économiques, afin d’assurer une gestion efficace et optimale de la personne morale. Parmi ces règles, celles relatives au quorum et à la majorité constituent des éléments essentiels du mécanisme de gouvernance : elles sont fondamentales pour la validité des décisions prises, qu’elles émanent de l’assemblée générale ou du conseil d’administration. Toutefois le respect des règles suffit-il à affirmer que ces décisions sont conformes à l’intérêt social ? Cette notion est en effet essentielle au fonctionnement des sociétés commerciales. L’intérêt social incarne la boussole qui permet de concilier la légalité (respect des procédures) avec la finalité (prise en considération de l’intérêt de toutes les parties prenantes).

Dans ce contexte, il convient, dans un premier temps, d’analyser les fonctions du quorum et de la majorité, considérées comme substantielles dans le processus décisionnel, avant d’envisager, dans un second temps, les limites managériales que peut imposer l’intérêt social.

  1. Les fonctions du quorum et de la majorité  

1.1 Les règles applicables au conseil d’administration (article 626 du code de commerce)

Selon l’article 626 du code de commerce, le conseil d’administration ne délibère valablement que si au moins la moitié des membres sont présents. Cela signifie que pour le calcul du quorum, les administrateurs présents physiquement, à distance (si les statuts ou un pacte des actionnaires le permettent) ou valablement représentés sont pris en compte. L’assiduité reste de rigueur : le conseil ne peut pas délibérer tant que le quorum n’est pas atteint.

De même, les décisions du conseil d’administration sont prises à la majorité des membres présents. Les administrateurs absents ou non représentés ne sont pas retenus dans le calcul de la majorité. 

Le calcul du quorum  

Supposons qu’un conseil composé de 10 membres tienne une réunion à laquelle participent 6 d’entre eux (physiquement, à distance ou par représentation).

Pour que le quorum soit atteint, il faut la présence d’au moins 5 membres, c’est-à-dire la moitié du conseil. La réunion est donc valide à partir de ce seuil de 5 membres présents ou représentés.

Le calcul de la majorité 

Sur 6 membres présents, il faut au moins 4 voix favorables pour que la décision soit adoptée. Contrairement à l’assemblée générale, où le pouvoir dépend du nombre d’actions détenues, ici chaque administrateur dispose d’une seule voix, quel que soit le nombre d’actions qu’il détient dans la société. 

Le vote a donc lieu par tête : un administrateur = une voix. Sauf si les statuts prévoient une majorité plus élevée, les décisions sont prises à la majorité des membres présents. En cas de partage des voix, et à défaut de disposition contraire des statuts, celle du président est alors prépondérante.

1.2 Les règles applicables à l’assemblée générale (article 675 du code de commerce)

Le quorum sert à mesurer la représentativité de l’assemblée : seules les assemblées réunissant un nombre suffisant d’actionnaires ou de droits de vote peuvent délibérer valablement et adopter des résolutions. Ce quorum est fixé par la loi. 

La majorité désigne le seuil minimal de votes favorables qu’une résolution doit réunir pour être adoptée. Ce seuil est fixé par la loi, selon le type d’assemblée.

Le calcul du quorum

Pour l’assemblée générale ordinaire réunie sur première convocation, le quorum requis est du quart (1/4) des actions ayant droit de vote. Si le quorum n’est pas atteint lors de la première convocation, une deuxième est organisée. Dans ce cas, aucun quorum n’est requis. 

Ainsi, l’assemblée générale ordinaire peut délibérer valablement, quel que soit le nombre d’actionnaires présents ou représentés, même un seul, à condition que les règles de majorité soient respectées. 

Par exemple, un actionnaire disposant d’une seule action peut tenir l’assemblée générale ordinaire, sur seconde convocation, et voter la résolution. Celle-ci sera adoptée à 100% des voix exprimées, puisque cet actionnaire est seul à voter.

Pour l’assemblée générale extraordinaire, le calcul du quorum est différent de celui de l’assemblée générale. Sur première convocation, le quorum est fixé à la moitié (50%) des actions ayant droit de vote. Sur seconde convocation, il est abaissé à un quart (1/4) des actions ayant droit de vote. 

Si ce seuil n’est pas atteint, l’assemblée ne peut pas délibérer et doit être à nouveau convoquée. L’opération doit être répétée jusqu’à ce que le quorum légal soit atteint.

Le calcul de la majorité 

Pour l’assemblée générale ordinaire, la majorité requise est d’au moins la moitié (50%) des voix exprimées par les actionnaires présents ou représentés + une voix. Par exemple, si 10.000 actions sont présentes ou représentées à l’assemblée générale ordinaire, et que toutes votent effectivement, alors il faut au moins 5001 voix favorables pour que la résolution soit adoptée.

Pour l’assemblée extraordinaire, la majorité requise pour l’adoption d’une résolution est fixée à deux tiers (2/3) des voix exprimées par les actionnaires présents ou représentés. Par conséquent, des actionnaires détenant plus du tiers (1/3) des voix exprimées peuvent s’opposer à l’adoption d’une résolution. On parle alors de minorité de blocage.

Dans de nombreux pays, les décisions du conseil d’administration ou de l’assemblée générale peuvent être prises à distance, à travers des technologies modernes telles que la visioconférence ou d’autres moyens de communication.

Cette faculté constitue une réponse louable à la modernité. Elle permet aux entreprises de s’aligner sur les évolutions des technologies de l’information et de la communication.

Cela est conforme à l’esprit même du droit des affaires, fondé sur la souplesse et la réactivité. Ces deux expressions sont le noyau d’une gouvernance moderne, notamment dans un environnement mondialisé et de plus en plus numérisé.

Le règlement intérieur du conseil lorsqu’il existe, peut prévoir des modalités permettant la tenue de réunions et la prise de décisions par visioconférence ou tout autre moyen de communication à distance.

  1. Les limites managériales : intérêt social, pouvoir économique et détention d’actions 

Il convient de bien appréhender les pouvoirs dont disposent les actionnaires au sein des assemblées générales. Ces pouvoirs qu’ils soient de nature patrimoniale ou financière peuvent conduire à des déséquilibres lors des assemblées ordinaires et extraordinaires. D’où la nécessité de cerner les contours de cette force, en tenant compte des mécanismes de majorité et de quorum qui confèrent un pouvoir décisif aux actionnaires, sans pour autant faire l’impasse sur la notion d’intérêt social, fondamentale au bon fonctionnement des entreprises.

Nous tenterons, à travers un exercice pédagogique, de déterminer l’étendue des pouvoirs des actionnaires en fonction de leur poids économique, lié à la détention d’actions, tout en soulignant la nécessité de préserver l’intérêt social, principe structurant du droit des sociétés.

Que peuvent faire les actionnaires d’une société par actions (SPA) qui détiennent 1, 34, 50, 51, 67 ou 100% des actions ? 

En conclusion, il est essentiel de gérer de manière à servir l’ensemble des parties concernées : les actionnaires, la société elle-même, mais aussi les tiers. C’est précisément là que la notion d’intérêt social retrouve toute sa légitimité et ses lettres de noblesse.

Cet intérêt ne doit pas se confondre avec l’intérêt purement individuel. Il doit être intégré dans une vision plus large. La responsabilité civile voire pénale peut être engagée en cas d’atteinte à cet équilibre, qu’il soit social ou sociétal. Il est donc permis d’user de ses droits mais non d’en abuser. 

L. HAMIDI
Docteur en droit

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