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Quand les règles de nomination entravent l'organisation des entreprises : Réflexion sur les exigences imposées aux administrateurs des sociétés par actions en droit algérien - ECOTIMES

Quand les règles de nomination entravent l’organisation des entreprises : Réflexion sur les exigences imposées aux administrateurs des sociétés par actions en droit algérien

Quand les règles de nomination entravent l'organisation des entreprises : Réflexion sur les exigences imposées aux administrateurs des sociétés par actions en droit algérien

Les règles de nomination de l’administrateur en droit des sociétés sont principalement régies par les articles 612 et 619 du Code de commerce. Ces dispositions imposent au conseil d’administration deux conditions fondamentales pour être éligible :

– Être propriétaire d’un nombre d’actions représentant au minimum 20% du capital social, entièrement affectées à la garantie des actes de gestion ;

– Ne pas exercer simultanément plus de cinq mandats d’administrateur dans des sociétés ayant leur siège en Algérie. Ces deux conditions manquent de justesse et ne résistent pas à une analyse critique : elles ne garantissent ni la responsabilisation des administrateurs, ni leur compétence, ni une gestion rigoureuse de la société. Cette absence manifeste de pertinence soulève des doutes quant au maintien de ce dispositif législatif dans le droit des sociétés commerciales.

Pour ce faire, cette étude se déclinera en deux axes : le premier portera sur le bien-fondé de l’obligation de détention d’actions intégralement affectées en garantie (1) ; le second examinera l’intérêt stratégique de la limitation légale du cumul des mandats d’administrateur (2).

Par Lies Hamidi

1- Le bien-fondé d’affecter 20% du capital et la détention d’actions (art 619 c.com.)

Selon l’article 619 du code de commerce le conseil d’administration doit être propriétaire d’un nombre d’actions représentant au minimum, vingt pour cent (20%) du capital social. Le nombre minimum d’actions détenues par chaque administrateur est fixé par les statuts.

Ces actions sont affectées en totalité à la garantie de tous les actes de la gestion, même de ceux qui seraient exclusivement personnels à l’un des administrateurs. Elles sont inaliénables.

Si au jour de sa nomination, un administrateur n’est pas propriétaire du nombre d’actions requis, ou si en cours de mandat, il cesse d’en être propriétaire, il est réputé démissionnaire d’office, s’il n’a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois.

Deux éléments clés ressortent de l’article 619 : l’obligation de détenir des actions et celle de les affecter à titre de garantie.

Sur l’affectation des actions en garantie des actes de gestion

L’exigence d’affecter 20% du capital social en garantie des actes de gestion apparait irréaliste et disproportionnée, eu égard à l’ampleur et à la diversité de ces actes.

Peut-on considérer que l’objectif du législateur est de protéger les créanciers contre d’éventuels administrateurs indélicats, en affectant 20% du capital social à la garantie des actes de gestion ? Cette dimension protectrice est elle réelle, ou relève-t-elle d’une approche utopique ? Si le but de la loi vise à sécuriser les créanciers en cas de faute de gestion, cette solution semble peu convaincante aux yeux de l’analyste et ne suscite guère d’adhésion intellectuelle.

Il est, à notre avis, illusoire de chercher à responsabiliser les administrateurs par cette mesure, qui s’avère inefficace pour protéger les intérêts des créanciers : le montant dérisoire du capital social reflète la faiblesse de cette protection et réduit l’affectation obligatoire d’une partie du capital à une simple valeur symbolique.

Prenons l’exemple d’une société ayant un capital de 1.000.000 de dinars : les 20% (soit 200.000 dinars) affectés à la garantie des actes de gestion ne représentent qu’une somme marginale pour des créanciers soucieux de stabilité et de confiance dans la gouvernance de l’entreprise. Que peut réellement représenter une telle garantie pour les créanciers face à une dette sociale conséquente ?

A titre d’illustration, considérons une créance de 100 millions de dinars à l’égard d’une société commerciale : la saisie des actions des administrateurs ne permettrait de couvrir que 0,2% du montant dû, révélant ainsi l’insuffisance criante de ce mécanisme de protection.

La règle des 20% prévue à l’article 619 révèle ses limites lorsque la société est fortement endettée, en particulier si son capital social est faible. Dans ce cas de figure, cette disposition devient inopérante, voire chimérique, pour garantir le recouvrement des dettes sociales.

En effet, certaines sociétés disposant d’un capital minimum sont dans l’impossibilité d’honorer des dettes accumulées sur le long terme, exposant ainsi les créanciers à un risque d’insolvabilité accru.

Lorsqu’une entité morale accumule un passif disproportionné, la valeur réelle des actions peut devenir négligeable, voire résiduelle, ne constituant alors qu’un leurre juridique : une garantie fictive et non effective.

Le capital social, pure inscription comptable, ne constitue ni un indicateur fiable pour la protection des créanciers, ni un véritable indice de solvabilité de la société.

Quelle portée peut donc avoir l’affectation d’une partie du capital à titre de garantie, lorsque la société est sous-capitalisée et lourdement endettée ?

Sur la détention d’actions préalablement à la nomination de l’administrateur

En outre, il est regrettable d’imposer la qualité d’actionnaire à un administrateur préalablement à sa nomination. A vrai dire, le conseil d’administration a besoin, pour un fonctionnement efficace, de membres choisis en raison de leurs compétences et de leur savoir-faire et non de leur statut d’actionnaire.

D’ailleurs, cette exigence n’est plus requise en droit français : l’administrateur peut désormais être désigné aussi bien parmi les actionnaires qu’en dehors d’eux.

Plusieurs arguments supplémentaires peuvent étayer l’idée de dissocier le mandat d’administrateur de la détention d’actions :

– Les actionnaires ont tout intérêt à nommer des administrateurs compétents, dotés d’une expertise spécifique, afin de renforcer la gouvernance de l’entreprise ( technicité stratégique, financière, juridique, numérique, etc.).

Faute de compétences, des administrateurs choisis uniquement pour leur qualité d’actionnaire peuvent prendre des décisions désastreuses, et contraires à l’intérêt social, notion englobante qui dépasse les seuls intérêts des actionnaires pour inclure l’ensemble des parties prenantes (dirigeants, créanciers, salariés, institutions publiques, etc.).

Il est évident qu’une entreprise versée dans les hautes technologies aurait tout avantage à engager des experts en cybersécurité ou en intelligence artificielle, plutôt que de privilégier des administrateurs sans compétences techniques ni connaissances spécialisées dans ces domaines pointus.

– Les administrateurs indépendants sont mieux à même de défendre les intérêts des actionnaires minoritaires et d’assurer une représentation équilibrée des parties prenantes, contrairement aux administrateurs-actionnaires, qui peuvent être tentés de privilégier leurs intérêts personnels liés à leur détention d’actions.

Cette démarche, qui limite les conflits d’intérêt et garantit l’impartialité dans l’application des règles de gouvernance, s’inscrit dans les standards de gestion moderne, dont la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) constitue l’un des piliers fondamentaux.

Pour une meilleure transparence, les codes de gouvernance du mouvement des entreprises françaises (MEDEF) et la Securities and exchange commission (SEC), organisme américain chargé de réguler les marchés financiers, encouragent les entreprises, en particulier les sociétés cotées en bourse, telles celles du CAC 40, à recourir à des administrateurs indépendants.

2- L’intérêt stratégique de la limitation du nombre de mandats d’administrateur ? (Art 612 c.com.)

Selon l’article 612 du code de commerce, une personne physique ne peut appartenir simultanément à plus de cinq conseils d’administration de sociétés par actions ayant leur siège social en Algérie.

Cette limitation, qui tend à garantir le sérieux de la fonction en fixant un seuil au-delà duquel l’engagement devient aléatoire, n’emporte pas notre adhésion.

Cette règle quelque peu rigide semble difficilement justifiable, dans la mesure où la mission d’un administrateur n’exige ni une présence constante, ni une activité absorbante. Sa participation est périodique, voire épisodique.

«Un simple indice en ce sens : le conseil se réunit au mieux deux heures tous les deux mois. Le président est supposé être à son bureau tous les jours».

D’autre part, une application stricte de l’article 612 risquerait de priver les entreprises de compétences avérées, notamment dans des secteurs de pointe comme les biotechnologies ou les nanotechnologies. La limitation du nombre de mandats à cinq ne risque-t-elle pas, dans ce contexte, de se révéler pénalisante pour ces entreprises en quête d’expertise rare ?

En définitive, l’exigence de détenir des actions pour accéder à la fonction d’administrateur ne doit pas occulter l’objectif premier de toute entité : assurer une efficacité et une efficience durables. Cet objectif ne peut être atteint que par le recrutement d’administrateurs compétents, maitrisant les concepts managériaux et disposant d’une solide expérience, indépendamment de leur statut d’actionnaire.

De plus, les restrictions relatives au nombre de mandats exercés simultané- ment mériteraient d’être réexaminées à la lumière des meilleures pratiques managériales.

La compétence étant une ressource précieuse, en particulier dans les domaines des technologies du futur, il serait souhaitable d’assouplir ces dispositions afin de permettre à des administrateurs expérimentés de partager leur expertise avec plusieurs autres entreprises.

De ce fait, ne conviendrait-il pas de repenser ces mécanismes traditionnels, aujourd’hui dépassés, au profit d’outils de gouvernance plus performants et mieux adaptés aux exigences contemporaines ? Tel est l’enjeu d’une gouvernance moderne et dynamique, capable de conjuguer les savoirs managériaux et la souplesse stratégique.

L. H.
Docteur en droit

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