Le projet de port centre de Cherchel, de dernière génération, a pour objectif de contribuer à la relance des exportations, en assurant par là-même leurs avantages concurrentiels, et d’attirer des investissements étrangers dans les zones industrielles et logistiques avoisinantes. Il s’intègre de la sorte dans le cadre de la stratégie de relance économique en cours dans le pays, et ce, au regard des avantages concurrentiels et de compétitivité et qu’il offre.
Par Lies Goumiri
Docteur d’Etat ès-sciences physiques
I. Situation du système portuaire Algérien
Le système portuaire National est composé de 10 entreprises portuaires dont 3 sont des sociétés mixtes. L’ensemble de nos ports se situant en zone urbaine, n’ont pas de possibilités d’extension coté terre, mais seulement du côté mer par remblais, moyennant de lourds investissements.
Les capacités des infrastructures et superstructures désuètes et dépassées, ne pouvant faire face à l’activité actuelle et à venir, dominée qu’elles sont par le transport par conteneurs.
Le trafic moderne exige des équipements de type portiques dont l’Algérie ne dispose pas, et c’est cela qui induit notamment les lenteurs d’exploitation, la faiblesse de rendements des navires à quai générant des files d’attentes importantes sur les rades portuaires. Ces dysfonctionnements subsistent actuellement avec des incidences négatives pour l’économie du pays.
D’un autre côté, l’Algérie, de par la taille de ses ports, est très peu connectée au monde sans perspectives d’amélioration, en raison de l’exiguïté et du faible tirant d’eau de la plupart des ports algériens. Cette situation fait subir annuellement au pays des surcoûts évalués à plusieurs centaines de millions de dollar US, à l’instar des surestaries se situant à environ 800 millions de dollar US. Les coûts logistiques représentent quant à eux 30% du coût total des produits sur le marché, alors que ce taux est de seulement de 10% dans les pays développés (8% en Allemagne et 5% aux USA).
Certes il y a eu des investissements importants dans le secteur depuis 1990, mais, néanmoins, les résultats enregistrés en termes de temps et de coûts de passage, sont loin de rivaliser avec les performances de certains ports africains, sud méditerranéens et notamment de notre voisin de l’ouest.
Pour parer à cet étranglement de l’économie nationale, l’Algérie, par acte législatif du SNAT, a décidé de réaliser un port de très grande envergure, «un hub en eau profonde» de quatrième génération répondant aux normes internationales, pour permettre à l’Algérie de se positionner comme centre logistique incontournable au niveau Méditerranéen centre et transafricain.
II. Un mégaprojet intégré dans la stratégie économique du pays
Ainsi, la réalisation d’une grande infrastructure portuaire dans la région Centre du pays a été actée, dans le cadre du Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT 2010), en incluant le développement des infrastructures de conteneurisation dans quatre autres ports, et le maillage de toutes les infrastructures de supports de la logistique à horizon 2030.
Ce projet de port de dernière génération a pour objectif de contribuer à la relance des exportations, en assurant par là-même leurs avantages concurrentiels, et d’attirer des investissements étrangers dans les zones industrielles et logistiques avoisinantes. Il s’intègre de la sorte dans le cadre de la stratégie de relance économique en cours dans le pays, et ce, au regard des avantages concurrentiels et de compétitivité et qu’il offre :
• Une infrastructure portuaire en eau profonde, aux normes d’un port de quatrième génération intégré aux grands flux transcontinentaux, devant arrimer l’économie nationale à l’économie mondiale et qui doit être désormais placé au cœur de la stratégie économique et politique de l’Algérie.
• Un port vert, le premier port écologique du genre en Algérie dont l’objectif fondamental est de trouver un équilibre entre les impacts environnementaux et sociaux et les intérêts économiques.
• Un port de transbordement performant. Outre l’activité d’exploitation des terminaux containeurs et de marchandises diverses, le Port Centre ciblera également le captage d’escales de transbordement et d’autres services à la navigation (avitaillement en énergie GPL et en divers besoins usuels des escales.)
• Une place portuaire de premier plan dans les réseaux mondiaux de la logistique.
• Une infrastructure d’attraction des investissements directs étrangers (IDE). Le Port Centre offrira un taux de connectivité élevé et des liaisons commerciales avec des pays de tous les continents avec des effets d’intégration et d’industrialisation en profitant des chaînes de transport intermodal desservant l’arrière-pays portuaire et du grand corridor africain.
• Avec la dorsale transafricaine Alger-Lagos (pipe, route, voire train) le port de Cherchell offrira une connexion internationale transafricaine sans pareille et qui placera l’Algérie comme plaque tournante essentielle des échanges intercontinentaux. Tous les observateurs avisés affirment qu’avec ce projet grandiose l’Algérie va très vite se hisser au rang de grand pays émergent.
• La consolidation du potentiel humain. La mise en place d’un plan de formation et d’apprentissage doit être prévu dans diverses disciplines (droit maritime, smart finance, génie civil maritime, logistique, électronique, gestion des stocks, réseaux TIC de dernière génération, expertise & services maritimes, assurances, sureté, planification, robotique & manutention, lamanage, pilotage & sauvetage en mer, interventions sous-marines, etc.) avant l’achèvement des travaux de réalisation du port.
III. De la nécessité d’une exploitation efficiente
La construction du Port Centre de Cherchell représente donc une opportunité, et ce, tant au regard de la possibilité de réduire les charges d’exploitation, s’agissant notamment des surestaries et des surcoûts logistiques, que du potentiel avéré de croissance de la conteneurisation et de consolidation d’une base logistique intégrée aux réseaux mondiaux.
Il convient de noter à cet égard, à titre indicatif, que le volume total du fret traité par les ports algériens en 2018, soit avant la pandémie, était de 122 millions de tonnes, tous types de conditionnements confondus, et de 2 millions d’EVP (containers).
La mise en exploitation du Port Centre devrait permettre d’atteindre un niveau de conteneurisation annuel de 6 millions d’EVP, soit voisin du niveau actuel des majors.
En outre, le port œuvrant par ses capacités pour un niveau de connectivité très élevé, ouvrira de sérieuses perspectives de diversification économique et, en tant qu’outil d’appui à l’export, contribuera incontestablement à maintenir l’avantage concurrentiel des produits concernés.
Avec ce mégaprojet portuaire, l’Algérie pourra se hisser au niveau des majors dans le bassin méditerranéen et de jouer pleinement son rôle central dans le réseau transcontinental et de premier rang dans les échanges commerciaux Est-Ouest, Euro-Afrique et Asie-Afrique.
IV. Le recours à l’expertise étrangère
A cet égard, il y a lieu en effet de noter que dans le top 10 mondial des compagnies maritimes, des opérateurs de terminaux et des grands ports, figurent des opérateurs Chinois dont l’expertise est présente à un très haut niveau, aussi bien dans la construction des ports, l’exploitation, que dans le transport maritime.
Il convient dans ce cadre, de relever que le choix du Gouvernement Algérien de recourir à des partenaires de la République Populaire de Chine pour la réalisation du projet de Port Centre s’avère par conséquent judicieux au regard de l’expertise avérée des entreprises chinoises dans le domaine de la construction de tels ouvrages.
Notons par ailleurs, qu’une manifestation d’intérêt dans ce projet a été introduite récemment par un important consortium allemand avec l’implication de la GIZ et du port de Hambourg.
V. Vers une relance économique soutenue
Le programme économique ambitieux du président de la République inscrit au budget une forte hausse des exportations hors hydrocarbures, associée à une relance de la production nationale et une réduction substantiellement du déficit de la balance commerciale. Cet objectif sera en partie modulé en fonction de nos capacités portuaires, de l’efficience des services et des performances de sa logistique, permettant ainsi le renforcement global de la compétitivité de nos entreprises. La réalisation du projet de Port Centre de Cherchell vient concrétiser ces exigences, offrant notamment, 2000 hectares d’espaces industriels, à proximité du port, dédiés à l’installation d’entreprises aussi diverses que celles liées à l’industrie pharmaceutique, sidérurgique, chimique, mécanique, métallurgique, des mines, de l’automobile, de l’agro-industrie, des transformations, du processing ou encore de l’industrie textile bénéficiant de conditions modernes et efficientes d’entreposage dans une zone logistique de 200 ha connectée à divers types de transport (maritime, ferroviaire et autoroutier). C’est par cette voie que l’Algérie entrera de pleins pieds dans la mondialisation.
VI. Un mégaprojet stratégique qui ne démarre pas
Face au défi que présente la croissance économique du pays, basée notamment sur un processus dynamique d’industrialisation et d’augmentation des exportations, le port centre de Cherchell disposent de tous les atouts logistiques, fonciers industriels, d’efficience et d’innovation permettant d’opérer cette relance stratégique.
Aujourd’hui, le travail réalisé conjointement par l’Agence Nationale de Réalisation du Port Centre de Cherchell ANRPCC, l’État, les collectivités locales et l’ensemble des partenaires concernés permettrait le lancement immédiat des travaux de réalisation de ce mégaprojet par un solide Groupement mixte d’entreprises sino-algériennes en moins de 5 ans.
Cependant, il y a lieu de constater une hésitation de l’État dans la prise de décision d’engager ce projet. Aucune raison technique ou financière ne pourrait, à mon sens, l’expliquer. D’aucuns ont évoqué le souci de l’exploitation de ce port pour justifier ces tergiversations. Certes, cette préoccupation est légitime et s’inscrit dans le processus de développement de ce projet pour être entamée et négociée avant l’achèvement des travaux qui, nous le rappelons, prendra 5 années. Ce n’est qu’après, et seulement après le lancement effectif des travaux de ce mégaprojet, que les potentiels candidats internationaux de l’exploitation portuaire accepteront de prendre langue avec l’autorité portuaire algérienne pour négocier sérieusement les termes d’une concession.
En définitive, le temps joue contre nous, tandis que des pays voisins mettent les bouchées doubles pour nous devancer et occuper notre place, notre espace et pour assombrir nos ambitions et notre futur.
L’Algérie doit saisir pleinement cette opportunité, rompre les liens de blocage, dégager les obstacles, déjouer les pièges, écarter les acteurs malfaisants à l’intérieur et à l’extérieur et ouvrir de larges perspectives de modernisation et de prospérité aux futures générations.
L. G.