La saison des fruits dans les wilayas du nord semble devenir un des indicateurs majeurs de la performance et de la diversification des activités agricoles dans notre pays. Les étalages sur lesquels sont exposés les pêches, les nectarines, les abricots, les prunes, les pastèques, les melons, etc., font connaître une partie des potentialités de la terre, du climat et du labeur algériens. Ce dernier, le labeur, a été naguère écrasé par le tout-importation. La figue, la figue de Barbarie, les poires et d’autres fruits encore vont être proposés d’ici quelques semaines, cela, après que la grenade, la pomme et les agrumes eurent, pendant deux à trois mois, décoré les étalages des marchés et des magasins.
Par Amar Nait Messaoud
Le « recentrage » des efforts sur le produit local a fait même redécouvrir aux citoyen le goût de la cerise, déclarée presque « exotique » pendant plusieurs années, éclipsée par l’attaque parasitaire du capnode, mais aussi par l’abandon progressif des activités rurales liées à la montagne au cours des années 80’ du siècle dernier suite à l’appel irrésistible du salariat et de l’économie informelle.
Les choses semblent bien changées. Elles sont en évolution continue. Mieux, l’Algérie dispose d’une deuxième saison des fruits, celle de l’hiver-printemps exploitée dans les wilayas du Sud. Ainsi, la pastèque d’El Meniâa, Touggourt et Timimoun et le cantaloup d’Adrar enrichissent la palette de la production fruitière du Sud, autrefois limitée aux dattes, et établissent, avec la saison du nord, un continuum de marché de fruits, mais aussi de légumes, qui s’étale presque sur les douze mois de l’année.
De cette disponibilité, qui souffre quelque peu de la régulation de son marché, on peut développer la réflexion sur au moins trois axes stratégiques : l’enrichissement du mode de consommation des Algériens, les grandes possibilités de transformation agroalimentaire pour les produits en excès de volume ou spécialement destinés à ce mode de consommation (à l’image des coings), et enfin, la porte qui s’ouvre sur l’exportation, particulièrement pour les produits dont le décalage de saison est assez net entre l’Algérie et les pays européens, par exemple.
Pour les produits classés par les pouvoirs publics comme étant stratégiques (céréales, oléagineux, lait), le gouvernement a mis en place une stratégie nationale tendue vers la réalisation du principe de la sécurité alimentaire. Elle est prise en charge par des investisseurs algériens, mais aussi par la procédure d’un partenariat gagnant-gagnant avec des pays étrangers, à l’image de l’Italie et de Qatar avec lesquels des investissements mixtes sont lancés au Sud du pays.
Le choix porté sur les cultures stratégiques
En octobre dernier, à l’approche de la campagne de labours-semailles, le ministre de l’Agriculture et Développement rural, Youcef Cherfa, a indiqué que 1,069 million hectares allaient être consacrés au blé dur et 1,017 million hectares à l’orge.
L’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), fournira aux agriculteurs, à travers les différentes antennes de l’Office, 4,2 millions quintaux de semences certifiées. Cette quantité est jugée suffisante pour campagne des labours-semailles.
Les récoltes (moissons-battage) au niveau des wilayas du Sud sont arrivées à leur point final. Les wilayas du Nord ont pris le relai à partir du début juin, en commençant par l’orge. La production est destinée à être acheminée et stockée dans des silos.
La capacité de stockage est en train de connaître de nouvelles augmentations au fur et à mesure de la réalisation des infrastructures de stockage (silos) décidée par le gouvernement au cours de ces deux dernières années. La capacité de stockage est appelée à atteindre 9 millions de tonnes d’ici 2027.
Les aléas de la production céréalière (principalement le facteur climatique illustré par de longues périodes de sécheresse depuis presque une dizaine d’année) font de notre pays l’un des grands importateurs de cette matière vitale qui continue à dominer le régime alimentaire des Algériens.
Cela, outre les importations des céréales fourragères (orge, maïs). Mais, dans ce domaine comme pour d’autres créneaux aussi, l’Algérie commence, avec des résultats probants, à diversifier son partenariat commercial (actuellement, les importations de céréales sont concentrées dans le périmètre de la Mer Noire, principalement l’Ukraine).
Il en est de même du lait. Les besoins de consommation de la population (lait, fromages, yaourts) sont de l’ordre de 5 milliards de litres. Or, la production nationale ne couvre qu’environ 3 milliards de litres/an. Le reste est importé sous forme de poudre.
L’Algérie compte combler ce déficit par la production de lait en poudre dans une ferme de 100 000 hectares à Adrar, abritant 27 000 vaches laitières, en partenariat avec le Qatar
Deux autres axes de croissance : agroalimentaire et exportation
Sur les segments des fruits et légumes, l’Algérie a enregistré une quasi autosuffisance. Le pas semble être franchi pour l’enclenchement d’une dynamique censée être portée par d’autres facteurs qui se mettent progressivement en place, mais avec des fortunes diverses, à l’exemple de l’extension des périmètres irrigués, de l’installation d’une véritable industrie agro-alimentaire, de l’obtention de la qualité et de la quantité à même d’ouvrir la voie vers l’exportation de produits agricoles.
En 2024, la valeur de la production agricole a été évaluée à quelque 37 milliards de dollars. Ce seul fort appréciable place le secteur agricole dans notre pays à la deuxième place en matière de contribution au Produit intérieur brut (PIB) après les hydrocarbures (15%).
Le secteur agricole est également jugé comme « un des secteurs économiques les plus importants et pourvoyeurs d’emplois ». Naturellement, l’agriculture est fortement soutenue par les pouvoirs publics à travers des mesures incitatives, y compris dans le prix de cession à l’État de certains produits classés comme étant stratégique (céréales, lait, soja, tournesol.).
Depuis que, au début des années 200, l’Algérie a lancé ses grands plans de développement agricole (PDAR, puis PNDAR), le maître-mot demeure la sécurité alimentaire, dans un contexte caractérisé par la forte mondialisation des économies, les remous géostratégiques, les changements climatiques et la crise sanitaire mondiale. Pour certains segments, l’Algérie assure aujourd’hui une autosuffisance et dégage même une certaine surproduction. L’exemple de certains fruits illustre bien la situation.
Dans l’état actuel des choses, les deux réceptacles naturels pour la production excédentaire- à savoir la transformation agroalimentaire et l’exportation- peinent à tracer définitivement leur voie, et cela pour des raisons diverses liées à des investissements encore nouveaux et « frais » dans l’agroalimentaires, à un retard dans la modernisation de l’administration de façon générale de façon à neutraliser la handicap de la bureaucratie, à des besoins de formation non encore pris en charge de façon optimale et, parfois, au déficit de certaines structures de soutien, comme les plateformes logistiques.
Pour ce qui est de la destination vers l’agroalimentaire des excédents de production- principalement les fruits ayant une très courte durée de vie, à l’image de l’abricot, de la prune et du pêcher-, il s’agit de transformer la détresse des agriculteurs-pour lesquels tout un volume de la production risque d’être perdu en quelques jours, en opportunités d’injection de la valeur ajoutée par la transformation agroalimentaire, en offrant au produit final conditionné des chances d’exportation sur les marchés africains ou européens.
A.N.M.