Au moment où les aviculteurs continuent de subir d’importantes pertes dues à la chute brutale des prix des viandes blanches sur le marché, les éleveurs de bovins laitiers tirent la sonnette d’alarme quant aux difficultés dans lesquelles ils se débattent et qui menacent leur activité.
Par Mohamed Naïli
C’est du moins le cas de nombreux producteurs de lait cru des wilayas de Boumerdes et Tizi-Ouzou qui viennent de faire part de leurs contraintes, notamment, le non paiement de la subvention sur le lait livré aux laiteries et destiné à la transformation. Rencontrés hier, ces derniers affirment en effet ne pas percevoir cette prime, qui est de l’ordre de 12 DA/litre livré aux transformateurs, depuis le début de l’année en cours.
« Je ne suis pas le seul, comme moi, il y a plusieurs éleveurs, peut-être 200, 300 ou plus qui attendent le paiement de cette subvention. On en a besoin en urgence pour couvrir au moins une partie des charges que génère la hausse spectaculaire des prix des aliments de bétail. Depuis le mois de janvier dernier, on n’a pas reçu un centime de cette prime. Si moi je n’ai que 5 vaches, il y a des éleveurs qui en ont 20 ou plus, ils livrent chaque jour 200 ou 300 litres aux laiteries de la région, mais sans percevoir leur dû, alors qu’ils dépensent plus de 30 millions de centimes par mois pour nourrir leurs vaches ». C’est ainsi que Hocine T. éleveur laitier dans la région de Tadmaït, à la sortie ouest de la wilaya de Tizi-Ouzou vers Boumerdes, décrit le ras le bol qui perdure au sein de la filière.
D’autres éleveurs dans les régions de Baghlia et Freha, qui constituent des bassins laitiers par excellence des wilayas de Boumerdes et Tizi-Ouzou, évoquent des charges financières qui asphyxient les exploitations d’élevage, contraignant les éleveurs à réduire leurs cheptels. « Chaque fois qu’il ne trouve pas de financements pour l’acquisition d’aliments, produits vétérinaires ou autres, l’éleveur vend une vache ou deux pour se faire un fond de roulement, jusqu’à ce que son cheptel soit réduit au minimum », dira Ali, éleveur laitier dans la région de Timizart à Fréha, à l’est de Tizi-Ouzou, avant de citer le cas de son voisin qui « au départ, il avait une trentaine de vaches laitières, aujourd’hui, il n’en lui reste que cinq, ce qui le fait réfléchir à les vendre et changer carrément d’activité ».
Un contrôle strict
Au niveau de l’administration, il est fait état soit de manque de réactivité des éleveurs pour le dépôt de leurs demandes de paiement de la subvention dans les délais fixés, soit, souvent, les dossiers sont incomplets et nécessitent d’être complétés en fournissant les pièces manquantes. En conséquence, la chambre d’agriculture de la wilaya de Boumerdes vient de faire savoir à titre indicatif que, sur plus d’un millier d’éleveurs travaillant dans le cadre du dispositif de collecte du lait recensés à travers la wilaya, il y a quelque 800 qui cumulent des arriérés dans la perception de la subvention étatique de 12 DA.
Par ailleurs, c’est la hausse spectaculaire des prix des aliments qui inquiète outre mesure les éleveurs laitiers. L’aliment préparé qui, il y a quelques mois, se vendait à 2 500 DA/quintal, se négocie à présent à hauteur de 8 000 DA/q. Cependant, les acteurs de la filière sont nombreux à applaudir des mesures prises par les pouvoirs publics, comme la récente décision du ministère de l’Agriculture obligeant les minoteries et semouleries à livrer au moins 60% du son de blé issu de la trituration aux éleveurs, mais ils demandent à ce qu’il y ait « des contrôles stricts pour que ces mesures soient appliquées sur le terrain, car, ce n’est pas normal que des grossistes proposent le son de blé à 3 000 DA/q ou plus alors que son prix est subventionné et plafonné par l’Etat à 1 800 DA/q seulement », déclare Hocine T.
Autant de difficultés dont ne cessent de faire part en permanence les éleveurs dans diverses wilayas du pays, empêchant ainsi tout essor de la filière lait. Cet environnement contraignant est, en conséquence, un facteur qui plombe l’intégration du lait cru dans la transformation et sa substitution à la poudre importée. Selon le Directeur des services vétérinaires au ministère de l’Agriculture et du développement rural, Imad Idres, seulement 800 millions de litres de lait cru ont été collectés sur une production globale évaluée à plus de 3,5 milliards de litres durant l’année 2021, soit moins de 23%.
M. Naïli